Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ce dernier budget de la législature j'ai rédigé mon dixième rapport spécial sur les médias. Permettez-moi de renvoyer à mon rapport écrit pour le détail des données budgétaires et de réserver l'essentiel de mon intervention à l'analyse des réformes conduites pendant cette législature et aux questions que la législature nouvelle devra s'appliquer à régler.
Le financement des médias prévu dans le projet de loi de finances pour 2012 répond très précisément aux besoins du secteur pour trois raisons principales.
D'abord, l'augmentation de 2,1 % de la contribution à l'audiovisuel public rapportera 68 millions d'euros supplémentaires, passant de 3,222 milliards d'euros à 3,290 milliards d'euros.
Ensuite, le montant de certaines dépenses arrivant à leur terme s'élève à 187,6 millions d'euros : 105 millions pour la télévision numérique terrestre ; 39,3 millions pour les industries culturelles, avec la réalisation de la « carte musique jeune » et le transfert au Centre national du cinéma du financement d'organismes liés au cinéma ; 31,7 millions d'euros pour la presse qui est sortie comme prévu du plan triennal ; 11,6 millions d'euros pour la fin des investissements de constitution de l'Audiovisuel extérieur de la France.
En conséquence, il est possible de réduire de 11,41 % le montant de financement couvert par les crédits de paiement qui passent de 1,454 milliard d'euros à 1,288 milliard d'euros, soit une diminution de 166 millions d'euros.
Dans le domaine des médias, la législature 2007-2012 a été marquée par une volonté réformatrice sans précédent, bénéficiant de financements eux-mêmes exceptionnels. Jamais, peut-être, une législature n'aura réformé à ce point en profondeur et de façon concertée tous les secteurs des médias : audiovisuel hexagonal, audiovisuel extérieur, presse.
La réforme de France Télévisions a largement modifié le régime économique et l'organisation de la télévision publique : suppression progressive de la publicité ; constitution d'une entreprise unique regroupant les différentes antennes ; nouvelle ambition éditoriale ; mise en place d'un média global visant à adapter l'offre du service public télévisuel aux nouveaux modes de consommation et de diffusion numérique multisupports.
La réforme de l'audiovisuel extérieur a permis la création de la société holding Audiovisuel extérieur de la France qui détient désormais 100 % du capital de RFI et de France 24 ainsi que 49 % du capital de TV5 Monde – entreprise multilatérale comme chacun sait. Ce regroupement au sein d'un même ensemble des voix et de la vision de la France doit lui permettre de mieux rayonner encore à l'international.
Le basculement à la diffusion tout numérique sera achevé dans quelques jours, le 30 novembre, et la diffusion analogique cédera la place à la diffusion numérique sur l'ensemble du territoire. Je souhaite tout particulièrement saluer l'action résolue des pouvoirs publics et du GIP France Télé Numérique, présidé par notre ancien collègue Louis de Broissia, qui a permis un passage très réussi au tout numérique dans le délai record de deux ans.
N'oublions pas que la TNT permet aussi des économies appréciables de coût de diffusion – pardon de souligner ce point en qualité de membre de la commission des finances – surtout à la sortie d'une période de double diffusion.
Autre moment important de réforme, les états généraux de la presse écrite ont impulsé une dynamique majeure et probablement salvatrice pour le secteur. En permettant de poser un diagnostic partagé des problèmes structurels et conjoncturels de la presse, puis d'élaborer ensemble des remèdes, les états généraux ont favorisé l'émergence d'une vision partagée de l'avenir de la filière et de la manière de prendre les décisions attendues depuis longtemps.
Outre des mesures d'urgence – la revalorisation des dispositifs de soutien, le report du volet tarifaire des accords entre la presse et La Poste ou l'aide exceptionnelle aux diffuseurs – les pouvoirs publics ont pu mener une action résolue visant à refondre leur soutien pour favoriser l'émergence de la presse de demain.
C'est ainsi qu'ils ont soutenu le développement numérique de la presse, avec des aides dédiées telles que la mise en place du fonds d'aide au développement des services presse en ligne et la consécration du statut d'éditeur de presse en ligne.
Ils ont aussi encouragé la réforme de la distribution de la presse. Tout en préservant les principes essentiels de la loi Bichet de 1947, la loi du 21 juillet 2011 a créé l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, au côté du Conseil supérieur des messageries de presse, lui-même rénové, permettant ainsi au secteur de disposer enfin des outils de décision – le mot n'est pas trop fort – pour mener à bien les réformes plus nécessaires que jamais.
Les pouvoirs publics ont aussi pris des mesures fortes en faveur de la diffusion. Le soutien massif au portage a permis de rééquilibrer les modes de distribution à l'instar de ce qui existe dans de nombreux autres pays. Mieux, du fait de la crise, cette aide au portage a aussi servi de ballon d'oxygène à de nombreux titres. Le soutien indispensable aux diffuseurs de presse leur a permis de survivre un peu moins mal en attendant que la profession puisse améliorer leur rémunération grâce, notamment, à la restructuration du niveau 2.
La réforme de la presse a amorcé celle de la gouvernance des aides. Elle a formalisé les nouvelles relations entre l'État et les professionnels, basée sur une logique de responsabilité qui va être plus clairement précisée. Elle a aussi encouragé les jeunes à lire la presse de manière régulière.
De plus, jamais une législature n'aura permis un financement aussi élevé de tous les secteurs des médias. Le financement de France Télévisions a été consolidé. Assuré à 85 % par l'État-actionnaire, ce financement a été dynamisé. La redevance est pérennisée grâce aux 100 millions d'euros d'économies réalisées chaque année sur les coûts de collecte, et elle est indexée, sous son nouveau nom de « contribution à l'audiovisuel public ».
Qu'il s'agisse du plan triennal pour la presse, de l'Audiovisuel extérieur de la France ou de la télévision numérique pour tous, ces financements exceptionnels ont apporté l'investissement initial nécessaire, ce qui permet désormais de dégager des économies.
Ceux qui seraient inquiets peuvent se rassurer : le travail ne manquera pas au cours de la prochaine législature ! Il va falloir tout simplement continuer à inventer un nouvel écosystème des médias à l'ère numérique. Vaste programme !
En matière d'aides à la presse, il faudra envisager de nouvelles étapes après la phase actuelle de ciblage plus précis et de contractualisation que je viens de décrire.
L'obtention d'un taux réduit de TVA de 2,1 % pour la presse en ligne n'a pas seulement pour objectif de rétablir une égalité de traitement avec la presse imprimée. Il s'agit avant tout de rendre abordable la presse en ligne à un plus large public, en réduisant son coût. Cette réduction du prix est particulièrement nécessaire face à la concurrence des contenus gratuits qui caractérise internet.
Le rééquilibrage des aides directes devra comporter une réduction de celles concernant la distribution et l'offre, et une augmentation de celles concernant la demande, notamment en matière de nouveaux contenus éditoriaux. Nous avons encore du chemin à faire sur ce plan.
Il faudra se poser la question de savoir si le soutien à la presse ne peut pas revêtir d'autres formes que les crédits budgétaires qui s'élèvent à 425 millions d'euros pour 2012. En effet, il existe des solutions qui accroissent l'indépendance de la presse par rapport au financement de l'État.
On pourrait imaginer que ce soutien de l'État passe par une baisse importante de la TVA sur la publicité, de façon à accroître les recettes des entreprises de presse sur cette ressource essentielle.
Pour être plus neutre – vis-à-vis de médias qui ont plus ou moins de publicité – l'État pourrait aussi choisir de supprimer la TVA sur la presse, imprimée comme en ligne. C'est la situation qui prévaut en Grande-Bretagne, où la TVA est au taux 0 %.