Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'aggravation brutale du chômage, l'effondrement de notre balance extérieure, le creusement de notre dette dû à l'effet ciseau entre les recettes et les dépenses publiques constituent trois symptômes gravissimes du déclin de notre économie. Pour la première fois depuis des décennies, la possibilité d'une rétrogradation de notre économie au rang de puissance secondaire, voire d'une faillite, est sérieusement évoquée. C'est dans ce contexte que doit s'analyser le budget de l'État pour l'industrie, car le déclin que nous constatons trouve assez largement son origine dans la désindustrialisation de notre territoire.
Je m'explique : depuis les Trente Glorieuses, notre développement industriel s'appuyait, d'une part, sur une poignée de champions industriels, d'autre part, sur un tissu de PMI-PME locales et traditionnelles. La mondialisation a radicalement modifié ce schéma. Pour beaucoup d'entreprises du CAC 40, la part du chiffre d'affaires réalisée en France est souvent inférieure à 10 %, et les centres de production se sont déplacés dans des pays représentant 90 % de leurs débouchés. Les centres de conception, d'ingénierie, de recherche et développement, sont à leur tour en train d'être transférés, alors même que les efforts financiers d'un État en manque de moyens sont encore dirigés massivement sur ces grands groupes du CAC 40, sans contreparties ni contrôle réel, à travers les aides du Fonds stratégique industriel, des investissements d'avenir, du crédit impôt recherche.
Dans le même temps, nos PMI-PME, faiblement innovantes, connaissent des difficultés à exporter et à grandir pour devenir, pour certaines d'entre elles, ces entreprises de taille intermédiaire dont on manque tant en France – il y en a cinq fois moins qu'en Allemagne –, qui créent pourtant des emplois et ont la taille critique pour innover et exporter. Le diagnostic est brutal : notre tissu industriel réel, celui qui s'enracine dans nos territoires, est entièrement à reconstruire.
Au plus haut niveau de l'État, l'industrie a été placée au rang des priorités nationales. Les initiatives ont été multiples, au moins en affichage : les états généraux de l'industrie, le programme des Investissements d'avenir, le Fonds stratégique d'investissements, l'augmentation exponentielle du crédit impôt recherche notamment. Pourtant, concrètement, les résultats sur l'emploi – industriel en particulier –, sur l'exportation, sur notre capacité à innover – où la France a rétrogradé de la sixième à la dix-huitième place en dix ans selon l'OST – ne cessent de se dégrader et la crise n'est responsable que pour un tiers, selon les experts et la Cour des comptes, de ce déclin.
Comment expliquer ce décalage entre vos annonces et la réalité autrement que par un défaut de feuille de route et de mise en application réelle des objectifs annoncés ? Nous ne pouvons que constater que des intentions souvent louables dans leurs objectifs finaux se traduisent, sur le terrain, par une efficacité médiocre, voire contre-performante. Un seul exemple : la filière sacrifiée du solaire photovoltaïque, principalement constituée, il est vrai, de PMI-PME, mal connues des grands corps.