Monsieur le ministre, une nouvelle fois vous nous avez présenté un projet de budget sous ses plus beaux atours, glorifiant en commission le triptyque habituel du Gouvernement : responsabilité, efficacité, dynamisme. « Litanie, liturgie, léthargie » disait Edgar Faure en d'autres temps. Disons que vous faites religieusement allégeance à l'application stricte de la RGPP dans les services du ministère comme chez les différents opérateurs. Vous faites l'éloge des 1 300 suppressions d'emplois dans le cadre de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour la seule année à venir, et affichez avec fierté des coupes claires dans les dépenses de fonctionnement. Voilà une curieuse façon de mettre en oeuvre les mesures du Grenelle de l'environnement !
J'essaye de comprendre votre logique : moins il y aura de moyens humains pour suivre, contrôler et évaluer les engagements pris dans le Grenelle 1 et 2, plus vous continuerez à vous prévaloir d'un volontarisme factice dans ce domaine. Or derrière votre satisfecit se cachent le désarroi et la colère de tous ceux qui chaque jour essaient de faire avancer notre pays sur la voie du développement durable.
Je veux parler des agents au service de la politique de l'eau, de la protection des milieux et des espèces, qui voient leurs effectifs fondre d'année en année pendant que l'on se gargarise de l'ambition des politiques nationales et européennes.
Je veux parler des chercheurs dans le domaine du développement durable, qui voient leurs crédits de recherche se restreindre d'année en année. J'y ai fait référence longuement comme rapporteur dans l'avis rendu au nom de la commission du développement durable sur la recherche dans les domaines du développement durable, en soulignant en particulier la situation proprement indigne due à l'éviction des contractuels et le gâchis du temps passé à monter les dossiers de demande de financement de la recherche.
Je veux parler de tous les établissements publics et instituts qui concourent à la définition et à la mise en oeuvre des politiques publiques et qui se voient invariablement appliquer les mêmes orientations : réduction systématique des missions, des moyens et des effectifs. À l'IGN, à Météo-France, à l'ONEMA, à l'ONCFS, partout les mêmes méthodes conduisent aux mêmes effets : moins de présence sur le terrain, des conditions de travail dégradées, des missions abandonnées... On va ainsi jusqu'à prélever 55 millions d'euros à l'ONEMA issus de la redevance pour pollution diffuse et qui étaient destinés à la mise en oeuvre du plan Ecophyto.
Il n'y a aucun doute : l'efficacité suggérée du Gouvernement s'accommode mal du bilan des actions engagées. Je prendrai un seul exemple, véritable symbole des contradictions et de l'illusion écologique entretenue par le pouvoir : les transports de marchandises par les modes alternatifs à la route.
L'objectif inscrit dans le Grenelle de l'environnement était de passer « à 25 % de fret non routier d'ici 2020 » et « d'atteindre une croissance de 25 % de la part modale du fret non routier et non aérien d'ici à 2012 ». Qu'en est-il aujourd'hui à la veille de 2012 ? La part du non routier ne cesse de baisser, avec une prévision de 11,5 % en 2012, alors que nous étions à 12,5 % en 2006. Pour le seul fret ferroviaire, l'évolution est encore plus dramatique : 13 % en 2009 lors du vote de la loi Grenelle l, 9,1 % comme objectif pour 2012 ! Le rapport de juillet 2010 du Conseil général de l'environnement et du développement durable intitulé « Évolution du fret terrestre à l'horizon de 10 ans » conclut d'ailleurs que « ce serait déjà un très beau succès, partant des 12,5 % de 2006, de voir la part du fer et du fluvial [...] atteindre, non pas l'ambition des 25 % du Grenelle 1, mais quelque 16 à 17 %. ».
Ces résultats, monsieur le ministre, ce sont ceux de votre majorité, qui a poussé avec zèle à l'application des plans fret successifs, lesquels ont conduit au démantèlement de la branche fret SNCF et à la suppression du wagon isolé. Ce fiasco est la conséquence directe d'un dogmatisme qui conduit à tout privatiser sans se soucier de l'intérêt général en matière sociale, environnementale et climatique.