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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 24 octobre 2011 à 17h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial :

En 2012, les autorisations d'engagement s'élèveront à 40,2 milliards d'euros contre 41,9 milliards en 2011, soit une baisse de 4,1 %. Mais cette diminution fait suite à une année 2011 où le niveau d'engagement était particulièrement élevé après une année 2009 elle-même exceptionnellement faste en raison d'un grand nombre de commandes groupées. En matière de défense plus qu'en toute autre, les autorisations d'engagement connaissent une évolution inégale liée à la signature de commandes volumineuses et sont moins représentatives de l'évolution globale du budget que les crédits de paiement.

Les crédits de paiement, pour leur part, s'élèveront à 38,2 milliards d'euros contre 37,4 milliards en 2011. Cette hausse non négligeable de 2,3 %, supérieure à l'inflation, traduit l'effort consenti par la Nation dans le domaine de la défense.

Les moyens du programme 178 Préparation et emploi des forces, le mieux doté de la mission, s'élèveront à 22,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, ce qui représente une hausse d'environ 1,8 %. Compte tenu du faible niveau de l'inflation mais aussi de la réduction du nombre de fonctionnaires civils et militaires, (– 7 500 pour le programme, – 8 000 pour la mission Défense), on peut considérer que le niveau des crédits du programme est tout à fait satisfaisant et préservera l'outil de défense.

Si le budget de la défense peut sembler préservé en 2012, cela est dû à la conjonction de deux facteurs : d'abord l'existence d'une volonté politique déterminée à maintenir un outil de défense efficace – nous l'avons vu cette année d'abord en Côte d'Ivoire, puis en Afghanistan et en Libye – ; ensuite l'arrivée tant attendue des premières recettes exceptionnelles.

En effet, l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et postales) a enfin été autorisée à procéder à la vente de la première tranche des fréquences hertziennes. Il s'agit des fréquences hautes issues de Rubis, l'ancien réseau de télécommunications de la gendarmerie. Les prévisions établies en 2009 tablaient sur un montant de recettes de l'ordre de 600 millions d'euros pour l'ensemble des fréquences, desquels devaient être retranchés les frais techniques de basculement de fréquences, estimés à 185 millions d'euros. Il serait donc resté 415 millions d'euros nets pour le budget de la défense. Or, la vente de la seule première tranche va rapporter 936 millions d'euros nets de frais de dégagement. Cela signifie que la première bande a rapporté plus du double de ce qui était attendu pour l'ensemble des deux bandes de fréquences. Selon l'ARCEP, c'est le résultat le plus élevé de tous ceux obtenus dans les pays européens comparables (Allemagne, Italie, Espagne). Cette somme de 936 millions d'euros sera prise en compte avant la fin de l'année dans les crédits du ministère de la Défense, qui, pour des raisons techniques, bénéficiera d'un report sur l'année 2012.

Quant à la bande basse, qui constitue la seconde tranche d'ondes hertziennes mise en vente, elle présente des qualités de pénétration dans les bâtiments qui la font surnommer « la fréquence en or » et est encore plus prisée des opérateurs. Les sommes recueillies par la vente de cette tranche, qui interviendra en décembre, pourraient dépasser largement 1 milliard d'euros. D'ailleurs, l'ARCEP a fixé le prix de réserve, celui en deçà duquel la vente ne se fera pas, à 1,8 milliard d'euros. En Italie, la vente d'une fréquence similaire a rapporté 3 milliards d'euros à l'État. Mais seule une fraction de 3272èmes de cette bande est constituée d'ondes cédées par le ministère de la Défense, le reste provenant du « dividende numérique », c'est-à-dire des économies réalisées par le passage au numérique hertzien, moins gourmand en fréquences. La mission Défense ne pourra donc prétendre qu'à une partie de la somme finale, l'arbitrage revenant in fine à Matignon.

Permettez-moi de me réjouir du succès – certes attendu de longue date – de cette opération qui arrive à un moment où le budget de la Nation a plus que jamais besoin d'une telle ressource. En tant que Rapporteur spécial de la commission des Finances et ancien corapporteur, avec notre regrettée collègue Françoise Olivier-Coupeau, de la mission d'évaluation et de contrôle qui s'était penchée sur le sujet des recettes exceptionnelles, je me félicite du fait que les acteurs aient su valoriser cette ressource et la mettre en vente dans des conditions qui semblent aujourd'hui opportunes. La Commission suivra avec d'autant plus d'attention la vente de la seconde tranche, en décembre prochain.

J'en viens aux opérations militaires extérieures, les Opex, qui se sont situées à un niveau jamais atteint. Le budget de l'année 2012 permettra de continuer à réformer et moderniser une armée qui n'a jamais été aussi sollicitée.

En 2011, trois opérations extérieures de grande ampleur ont démontré l'efficacité des armes de notre pays.

Tout d'abord, le rôle discret mais essentiel des forces françaises a permis à la Côte d'Ivoire de sortir d'une situation de blocage dans laquelle elle était empêtrée depuis 2002 et a permis au président légitimement élu d'accéder au pouvoir.

En Afghanistan ensuite, les forces françaises ont continué à mener un travail peu médiatique, ingrat et périlleux – mais indispensable – de présence, de soutien et de formation auprès de la jeune armée afghane. Je tiens à rendre hommage à ceux de nos soldats qui sont tombés sur ce théâtre.

Enfin dans l'espace aérien et naval libyen, les aviateurs de l'armée de l'air, les marins de l'aéronavale et les équipages de l'ALAT ont mené ensemble une formidable opération, en coopération avec l'OTAN et sous mandat de l'ONU, dans le souci permanent de limiter au strict minimum les dommages collatéraux au sol. Cette opération s'est achevée avec les résultats que nous connaissons et a été menée à bien sans perte humaine ni matérielle pour nos forces.

Si elles ont été les plus visibles, ces trois opérations n'ont pas été les seules. Nos forces sont toujours présentes au Tchad, au sud du Liban, au Kosovo, ainsi que dans l'océan Indien pour l'opération Atalante de lutte contre la piraterie.

Ces opérations ont évidemment un coût. Hors Libye, celui-ci s'élève en 2011 à 878 millions d'euros, un niveau proche de celui de 2010 (860 millions), pour 630 millions d'euros inscrits en loi de finances. L'opération libyenne ayant coûté entre 300 et 350 millions, c'est un total d'environ 1,2 milliard d'euros que la France a dépensé au titre des opérations extérieures en 2011, un record absolu depuis la professionnalisation des forces. Les recettes exceptionnelles ne pouvaient pas arriver à meilleur moment !

Pendant ces opérations, le ministère de la Défense continue à redéployer ses forces prépositionnées : le Sénégal et la Côte d'Ivoire voient leurs effectifs réduits au profit des forces stationnées au Gabon, pays qui devient le principal point d'appui sur la façade atlantique du continent africain.

Dans la partie orientale de l'Afrique, le dispositif implanté à Djibouti, même s'il reste substantiel, est rééquilibré au profit de la nouvelle implantation d'Abou Dhabi : le nombre d'avions y passe de dix à sept tandis que celui des Émirats arabes unis passe de trois à six ; la treizième demi-brigade de la Légion étrangère est transférée de Djibouti aux Émirats.

Cette réorganisation a permis de remettre à plat le traité de défense qui lie la France à Djibouti. Le volet financier est modifié. Le principe de base selon lequel la présence française doit se traduire par une compensation de 30 millions d'euros pour le Trésor djiboutien est conservé, mais deux ajustements sont à signaler : d'une part, pour compenser le manque à gagner provoqué par la baisse des effectifs présents, la France a accepté d'augmenter de 1,18 million d'euros l'enveloppe versée aux autorités djiboutiennes, même s'il peut apparaître paradoxal d'augmenter une indemnité censée compenser la présence des troupes françaises, au motif qu'elles sont moins nombreuses ; mais, d'autre part, les autorités djiboutiennes ont accepté la demande française de prendre en compte dans l'enveloppe de 30 millions d'euros les recettes de TVA payées par nos militaires, recettes qui vont directement dans les caisses de l'État djiboutien. Cet élément est favorable pour nos finances puisqu'il devrait permettre d'économiser environ 8,5 millions d'euros.

Les négociations ne sont pas achevées pour autant. La cession de l'hôpital Bouffard aux autorités djiboutiennes a été décidée, les modalités de sa réalisation restant encore à préciser. En me rendant sur place en 2010, j'ai relevé le fait que les prestations qui y sont effectuées sont pour l'essentiel réalisées au profit des forces armées djiboutiennes et de leurs ayants droit pour un montant de 11 millions d'euros non défalqué jusqu'à présent de l'indemnité versée par la France.

Compte tenu du coût non négligeable du fonctionnement de cet établissement, surtout dans un contexte de diminution sensible de la présence militaire française, la réalisation d'un centre de santé plus modeste que l'hôpital Bouffard et dimensionné au nouveau format de nos forces devrait être suffisant pour satisfaire les besoins futurs de nos militaires et de leurs familles.

Néanmoins, dans une région médicalement sous-équipée, l'hôpital continue de présenter un intérêt stratégique en matière de santé.

Le dernier point que je souhaite évoquer concerne les suites du rapport de l'année dernière concernant l'escadron de transport, d'entraînement et de calibration, l'ETEC, chargé du transport aérien des personnalités gouvernementales. Après avoir mené l'an dernier, avec Jean-Michel Fourgous, un contrôle sur pièces et sur place, nous avions insisté sur la nécessité, pour les différentes administrations, de rembourser avec plus de rapidité les déplacements de leurs ministres. Notre action semble avoir porté ses fruits. Si les remboursements en 2010 et au début 2011 n'ont pas été plus rapides, la faute en revient, selon l'armée de l'air, non pas aux ministères, mais au progiciel de gestion Chorus, dont les débuts difficiles ont perturbé les opérations. Néanmoins, la plupart des ministères, pour prouver leur bonne foi, ont ouvert des comptes bloqués sur lesquels ils ont déposé les sommes en question : le pli semble donc pris pour que les remboursements se fassent dans de bonnes conditions, et nous nous en réjouissons.

Notre contrôle a eu un autre effet : nous avions dénoncé la règle selon laquelle 30 % du remboursement revenait au budget général et seulement 70 % à l'armée de l'air, qui supporte pourtant la totalité de la charge. Eh bien, grâce à notre sollicitation, le décret qui est à la base de cette règle est en cours de modification ; un projet de nouveau décret vient de recevoir un avis favorable du Conseil d'État et l'armée de l'air devrait être remboursée, à compter du 1er janvier 2012, de la totalité des sommes engagées.

Malgré la situation économique particulière dans laquelle se trouve non seulement notre pays mais aussi une bonne partie de l'Europe, le budget de la défense sera préservé en 2012, notamment grâce aux recettes exceptionnelles dont l'arrivée est désormais certaine. Compte tenu de l'effort consenti par nos militaires, notamment en opérations extérieures, c'est bien le moins que la Nation pouvait faire !

J'ai donc l'honneur de formuler un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense.

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