Le malheureux Luc Chatel n'y est pour rien, car on la lui a imposée. Mais, si un agrégé de lettres classiques peut s'en tirer, sans formation, devant une classe du second cycle, pour peu qu'il ait préparé son cours, on ne peut pas lâcher devant des élèves de cours préparatoire (CP) un instituteur de vingt-deux ans qui ne sait rien de l'apprentissage de la lecture ou de l'utilisation des réglettes en mathématique. Pourquoi avoir supprimé les écoles normales et rattaché les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) aux universités ? Alors que les institutrices d'application faisaient un excellent travail, un professeur d'Université est incapable d'enseigner l'apprentissage de la langue au CP, sujet particulièrement complexe, puisqu'il existe 150 méthodes de lecture.
La suppression du CNP, celle de la formation des maîtres et celle des programmes explicites et argumentés sont autant de bêtises énormes. Les programmes que j'avais rédigés offraient l'avantage d'être précis, ce qui laissait la possibilité d'en discuter. Dans la Révolution française, on peut préférer traiter Sieyès plutôt que Louis XVI ou Robespierre, mais j'expliquais du moins mon choix : j'entends qu'on insiste sur la nuit du 4 août parce que l'abolition des privilèges me semble fondamentale. Si les lecteurs d'Albert Soboul préféraient qu'on traite des sans-culottes, ils pouvaient du moins argumenter. Dans les groupes techniques, qui regroupaient des professeurs d'université et de lycée, le pluralisme était la règle, et l'on finissait toujours par trouver un accord. Par quoi tout cela a-t-il été remplacé ? Qui fait aujourd'hui les programmes de l'école ?