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Intervention de Luc Ferry

Réunion du 11 octobre 2011 à 16h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Luc Ferry, président délégué du Conseil d'analyse de la sociét :

Pas exactement. Certaines doctrines politiques considèrent que la cité est juste quand elle imite l'ordre cosmique. Dans La République de Platon, l'ordre qui place les philosophes en haut, les guerriers au milieu et les esclaves en bas reproduit celui du corps. En haut se trouve la tête, le nous - les aristocrates, qui doivent gouverner la cité –, au milieu le diaphragme – le thymos, c'est-à-dire le coeur et le courage –, et en bas, l'epithymia – le bas-ventre, le désir.

L'opposition entre droit naturel et droit positif peut exister tant dans une vision aristocratique ancienne, fondée sur la cosmologie, que dans une vision moderne. Le droit positif est le droit en vigueur, « positif » signifiant simplement « réel » au XIXe siècle. On parlait d'ailleurs de « positivité de la religion » pour parler du clergé, de l'Église telle qu'elle est. Le doit naturel, en revanche, est le droit idéal, celui qui devrait être. Un député peut fort bien s'opposer à une loi positive au nom du droit naturel, c'est-à-dire rationnel ou idéal.

À l'égard des biologistes, j'éprouve une crainte inverse à la vôtre. Si on leur confie le sujet, ils risquent non de nier la réalité, mais de pousser très loin l'explication biologisante. Des savants comme Lucie ou Jean-Didier Vincent ne cessent d'expliquer que les femmes et les hommes sont très différents, qu'il y a un cerveau féminin et un cerveau masculin, et que les hormones ont une influence considérable sur le caractère et la vie psychique. Dans ses travaux sur l'état amoureux, Lucie Vincent distingue, en matière de coup de foudre, les biologies de la femme et de l'homme. On rencontre le même naturalisme chez Jean-Pierre Changeux. La tendance des biologistes est plutôt d'aller vers la nature, qui est le fond de leur pensée. Quantité d'articles opposent par exemple le cerveau féminin et masculin, en expliquant pourquoi, quand l'homme est au volant, sa femme assise à côté de lui n'arrive pas à lire la carte Michelin. Plus sérieusement, d'autres étudient la génétique de la schizophrénie, de l'autisme ou de l'homosexualité. La tendance actuelle est de biologiser les comportements plutôt que de faire l'éloge de la liberté.

Il est logique que ces questions entrent dans les programmes à l'heure où la science s'intéresse à la biologie des passions, et réfléchit à nouveaux frais à la problématique entre nature et culture. Quelle part de fondement naturel entre dans nos comportements éthiques ou esthétiques ? Pourquoi préfère-t-on la musique classique aux concerts de Boulez ? Y a-t-il une cause biologique à notre goût pour l'harmonie plutôt que pour la discordance ? Ces questions posées par les biologistes rejoignent celle de la différence entre identité et orientation sexuelles. Certains d'entre eux se demandent aussi quelle part de nature et de culture, de destin et de liberté entre dans nos comportements politiques, et pourquoi les hommes font plus la guerre que les femmes. Un biologiste peut expliquer, notamment par le rôle de la testostérone, pourquoi, en tant que ministre de l'éducation nationale, je n'ai jamais été confronté à un cas de pédophilie féminin. C'est sans doute une question d'hormone si aucune femme ne viole un garçon de trois ans, même si des épouses, comme celle de Marc Dutroux, peuvent être complices de leur mari. Bref, la tendance actuelle n'est pas à la négation de la différence biologique entre femme et homme.

Sur une question aussi complexe, je ne jette pas la pierre aux pétitionnaires, même si l'homophobie de certains était si évidente qu'on avait envie de crier « Au secours ! », mais la droite n'a pas à entrer dans ce combat d'arrière-garde.

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