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Intervention de Jean Gaubert

Réunion du 19 octobre 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Gaubert :

Je m'associerai à mes collègues pour saluer la qualité du travail accompli. Ce rapport confirme un certain nombre d'éléments que l'on connaissait mais présente également des nouveautés : par exemple, j'ignorais que Morgan Stanley contrôlait une partie aussi importante du pétrole mondial ! Partout, la finance a pris le pas sur les industriels. Cela ne s'est pas fait dans le sens du progrès tel que nous le concevons ! La main invisible du marché a des conséquences qui ne sont pas toujours invisibles. Ce n'est pas toujours le marché lui-même qui est en cause mais plutôt la façon dont on le manipule. Par ailleurs, il convient de bien distinguer entre les fluctuations et la spéculation, ainsi que cela a été dit. Les propos de M. François Loos relatifs aux matières premières minérales sont inquiétants car on se trouvera bientôt devant un mur physique qui pèsera sur nos économies. Cela doit nous interroger sur nos politiques de maîtrise de la consommation : le développement durable passera par la réalisation d'économies d'énergie et un recyclage aussi développé que possible des matières premières. Il est certes difficile de recycler des produits alimentaires mais on peut le faire pour les autres matières premières. Certes, il est important de conclure des accords avec les pays détenteurs de matières premières mais, le marché étant en perpétuelle évolution, ces pays ont intérêt à jouer les prix à la hausse, en particulier pour les produits pétroliers.

On constate par ailleurs une spécificité des produits agricoles qui sont les plus impactés par les aléas climatiques, ceux-ci donnant lieu à des variations de prix que l'on peut comprendre mais aussi à une spéculation supplémentaire. L'importance d'une inondation en Australie peut, comme cela a été dit, être amplifiée par les rumeurs.

L'arbitrage entre le réservoir et l'estomac est donc extrêmement important. Si l'on prend l'exemple de l'alimentation du bétail, grand problème en Bretagne ces jours-ci, on s'aperçoit que les opérateurs ne savaient pas, en septembre, quel arbitrage allait être fait sur la part de la récolte de maïs qui allait être attribuée à ces deux éléments. Ils déterminent eux-mêmes quelle part de maïs sera attribuée aux agrocarburants : de tels comportements sont liés à volatilité. Ensuite, il y a la spéculation, qui se greffe sur la volatilité, mais qui est d'une tout autre nature. La spéculation se fonde sur la confrontation entre celui qui a une assez grande certitude sur les stocks et celui qui ne l'a pas. Lorsqu'un spéculateur souhaite vendre un produit, il essaie de faire vivre la rumeur selon laquelle le prix du produit va monter et, dès qu'il l'a vendu, de faire vivre la rumeur selon laquelle le prix du produit va baisser pour pouvoir le racheter, et recommencer l'opération de manière à multiplier les gains. L'essentiel du travail n'est pas d'acheter ou de vendre mais de faire vivre des rumeurs – qui deviennent contradictoires. Morgan Stanley l'a bien compris et a fait ce que l'Union européenne faisait jusqu'au démantèlement de la politique agricole commune au début des années 2000 : cette compagnie financière a compris qu'en maîtrisant une partie du stockage, il ne lui était pas nécessaire de tout maîtriser. Connaissant l'état des stocks et du marché, elle peut aisément manipuler ce dernier. Il n'est pas nécessaire d'en maîtriser 50 % : il suffit de maîtriser quelques lieux de stockage stratégiques pour savoir si l'on vous demande de stocker, ce qui veut dire que les prix vont baisser, ou si l'on vous demande de déstocker, ce qui veut dire que les prix vont augmenter. Si l'on a de la matière première, on peut faire courir ce genre de rumeurs.

Ce rapport constitue un très bon travail mais, après cela, quels sont les moyens que l'on peut mettre en place ? On ne peut agir seul, les propositions du rapport sont à porter auprès d'autres institutions. Cela étant, il serait bon que nous en ayons l'initiative.

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