Je voudrais, à votre suite, féliciter la présidente et les rapporteurs pour leur travail de grande qualité, qui s'appuie sur l'audition de près de quatre-vingt-dix acteurs influents et de haut niveau dans le domaine de la matière première.
Ce rapport est très politique, au sens noble du terme, et non politicien, car il met bien en valeur le débat qui fait rage entre deux extrêmes : d'un côté les intégristes du marché, de l'autre, de l'autre, ceux qui sont favorables à une régulation étroite. Sur ces sujets, il faut bien avoir en tête l'importance des économistes qui conseillent les instances européennes au plus haut niveau. La très grande majorité d'entre eux, du moins sur les sujets agricoles, font partie du courant des libéraux ; à l'inverse, les économistes régulateurs, dont je partage les idées, sont plutôt minoritaires.
S'agissant de la spéculation, un enseignement important de ce rapport est qu'il reste des incertitudes. En écoutant les deux rapporteurs et la présidente, on prend également conscience du rôle extrêmement différent que joue cette spéculation selon le type de produit. Le marché des matières premières agricoles est finalement le moins influençable. L'autre grande leçon est que les tenants de la démondialisation ont tort, car les échanges mondiaux de la plupart des marchandises, comme les minerais, le pétrole, le gaz, les produits agricoles, ainsi que le bois, que l'on oublie souvent, sont inévitables.
D'autre part, les pays de l'Union européenne doivent s'entendre sur des règles de régulation du marché des matières premières. Si je dis que l'Europe doit être plus puissante en matière de régulation, c'est aussi, pour fortifier son rôle lors des négociations à l'OMC, où elle ne pèse pas de son poids réel dans l'économie mondiale.
Mettre fin à l'opacité des marchés des matières premières est un enjeu de tout premier ordre : comment voulez vous organiser des stocks et réguler des marchés sans avoir connaissance des données de la production et des stocks ? Le manque de transparence est un frein considérable à la régulation.
En revenant à l'agriculture, on a observé, les années passées, la suppression progressive des divers systèmes de régulation. Pourtant, il s'agit bien d'un marché qui a besoin d'être régulé. Sa particularité est de combiner une offre très fluctuante et une demande relativement fixe, ou du moins dont la croissance est prévisible.
Je conclurai en comparant la façon dont on doit réguler l'économie à la façon dont on doit maîtriser la nature. Les intégristes du marché sont aussi nuisibles que les intégristes de la nature. Si vous laissez la nature intacte, l'homme finira par mourir ; laissez-faire le marché, l'homme mourra aussi. Alors, soyons régulateur et l'homme s'en portera d'autant mieux.