Certes, le changement de majorité au Sénat a permis d'obtenir des avancées, de mettre les dirigeants des banques face à leur responsabilité en les touchant là où cela leur fait généralement le plus mal, c'est-à-dire au portefeuille.
Aux termes du texte adopté en commission, les dirigeants des banques bénéficiant directement ou indirectement de l'aide de l'État, qu'ils exercent les fonctions de président de conseil d'administration, de directeur général, de directeur général délégué, de membre du conseil d'administration ou du directoire, de président du conseil de surveillance ou de gérant, ne pourront plus percevoir de bonus ni de rémunération variable. L'attribution d'indemnités et d'avantages indexés sur la performance ainsi que de rémunérations différées telles que les retraites chapeaux seront elles aussi prohibées. Enfin, aucun dividende ne sera versé en numéraire aux actionnaires lorsque la solvabilité ou la liquidité de l'établissement de crédit auquel l'État vient en aide sera compromise ou susceptible de l'être.
Nous ne saurions naturellement sous-estimer l'importance de telles dispositions à l'heure où un doute sérieux subsiste sur la capacité des banques françaises à renforcer leurs fonds propres par leurs propres moyens, compte tenu de leur exposition à la dette souveraine des États européens soumis à la pression des marchés. Si l'État devait s'engager financièrement à leur égard, ces nouvelles règles leur seraient applicables.
Ce ne serait pas une mauvaise chose, quand on sait combien les dirigeants des banques françaises usent et abusent des rémunérations variables. En dépit des timides admonestations adressées par l'Europe et le G20, qui ont demandé à plusieurs reprises que la part variable des salaires soit maintenue dans un rapport équilibré avec la part fixe, force est de constater que les dirigeants du secteur bancaire continuent de s'octroyer en toute impunité des rémunérations exorbitantes et proprement scandaleuses.
François Pérol, dirigeant du groupe Banque populaire-Caisses d'épargne, a empoché cette année 1,6 million d'euros, deux fois son salaire fixe ; Jean-Paul Chifflet du Crédit agricole, 1,7 million d'euros, soit 20 % de plus que son fixe ; Frédéric Oudéa, à la Société générale, 4,1 millions d'euros, soit cinq fois son salaire fixe. La palme revient à Baudoin Prot, directeur général de BNP-Paribas, qui s'est vu attribuer cette année un bonus de 5 millions d'euros, portant sa rémunération totale à 6,2 millions d'euros, près de quatre siècles de SMIC.