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Intervention de Charles de Courson

Réunion du 24 octobre 2011 à 9h30
Vacance de sièges de députés élus sénateurs — Porte-parole des groupes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où se décident à Bruxelles les conditions du sauvetage de la zone euro, le débat sur la participation de la France au budget de l'Union européenne prend, cette année, une dimension toute particulière. Au-delà de la crise et de la restructuration de la dette grecque, le véritable enjeu de ces prochains jours est bien le fonctionnement de la zone euro et de l'Europe. Recapitalisation des banques européennes, effort supplémentaire pour la Grèce, renforcement du Fonds européen de solidarité financière : ces mesures ne pourront suffire si elles ne sont pas accompagnées d'une remise en cause profonde de l'architecture des institutions européennes car, à travers la crise de l'euro, c'est bien toute l'Europe qui est en cause.

Aussi, ce débat sur le prélèvement européen est-il pour nous l'occasion de rappeler quel avenir nous entendons donner au budget de l'Union européenne et, plus largement, quelle Europe nous souhaitons construire.

Indéniablement, la monnaie unique nous aura protégés des dangers de l'inflation et elle aura créé les conditions de la stabilité monétaire à l'intérieur du marché unique. Il n'en demeure pas moins que la construction européenne n'est pas allée assez loin.

Les députés centristes l'affirment depuis longtemps : si nous voulons sauver l'euro, un fédéralisme économique et budgétaire s'impose, car une monnaie sans politique économique et financière fédérale est vouée à l'échec. Nous devons donc mettre en oeuvre une gouvernance économique et budgétaire commune au sein de la zone euro. En effet, l'Europe a réellement besoin d'une politique économique fondée sur la régulation publique du système bancaire et sur le volontarisme économique à l'égard des tiers. À cet égard, nous ne pouvons qu'encourager l'évolution des opinions, qui semblent peu à peu adhérer à l'idée d'une gouvernance économique.

Afin de remédier aux dysfonctionnements des mécanismes budgétaires européens, la mise en oeuvre d'un fédéralisme budgétaire doit se traduire par l'élargissement des pouvoirs du Parlement européen et aboutir à l'instauration d'une véritable fiscalité européenne. Les actuelles ressources propres de l'Union – essentiellement les droits de douane et quelques taxes – représentent une part très faible de son budget. Si nous voulons qu'elle devienne une puissance économique européenne, nous devons permettre à l'Europe de lever des impôts et des emprunts dans le respect de la règle d'or, c'est-à-dire exclusivement pour financer des dépenses d'investissement.

Souvenez-vous, mes chers collègues, de la charte de Jean sans Terre qui, en 1215, posa les fondements de la démocratie de notre Europe et dont nous pouvons encore, à bien des égards, nous inspirer : « Aucun impôt ou aide ne sera imposé, dans Notre Royaume, sans le consentement du Conseil Commun de Notre Royaume. » En d'autres termes, un parlement n'en est véritablement un que s'il peut lever l'impôt. C'est, du reste, ainsi que sont nés la plupart des parlements, y compris le nôtre. Plus récemment, la CECA présentait à sa création un modèle budgétaire cohérent, dont les dépenses étaient financées par un impôt qu'elle percevait directement. Ce n'est que plus tard que ce modèle a été dévoyé et que les ressources de l'Union ont pris la forme d'impôts collectés par les États pour être reversés à Bruxelles.

Basé sur des agrégats statistiques dépourvus de liens avec les priorités politiques de l'Union, le système de financement actuel de celle-ci semble avoir atteint ses limites. Les ressources propres traditionnelles, notamment les droits de douane, qui constituent le seul prélèvement véritablement européen, correspondent à une très faible part du financement de l'Union – ne serait-ce que parce qu'ils ont été considérablement réduits au cours des dernières années –, l'essentiel de ce financement étant assuré par des contributions nationales proportionnelles au revenu national brut de chaque pays membre. À l'image de l'Europe, redevenue la somme des intérêts des États, le budget de l'Union européenne n'est plus que la somme de vingt-sept contributions nationales.

Cette année encore, le budget européen, qui finance les dépenses des politiques communes européennes, se situe autour de 1 % du revenu national brut de l'Union européenne en crédits de paiement et de 1,05 % du revenu national brut de l'Union en crédits d'engagement. Reconnaissons-le, ce chiffre est bien trop modeste.

Ainsi, nous devons en finir avec l'Europe des États et concevoir la nouvelle Europe sur une base fédérale.

En premier lieu, nous pourrions permettre au Parlement européen de fixer un taux de TVA additionnel, sans toutefois alourdir la charge fiscale globale qui pèse sur les contribuables européens. Cette prérogative pourrait être facilement instituée, puisque cet impôt existe dans tous les pays membres et que son assiette a été harmonisée. Le Parlement européen voterait alors un taux de TVA européen pour financer le budget de l'Union, taux auquel chaque pays ajouterait celui qu'il souhaite.

Cette mesure présenterait l'avantage de créer un lien direct entre le financement du budget de l'Union et les citoyens. Au demeurant, un taux communautaire de 1 % serait suffisant pour couvrir environ la moitié des besoins de financement du budget de l'Union. En outre, à défaut de permettre une meilleure prévision des recettes du budget de l'Union, une telle mesure lui donnerait davantage de réactivité, augmenterait considérablement ses marges de manoeuvre, sans pour autant alourdir la pression fiscale sur les contribuables européens, et représenterait une avancée significative vers une plus grande convergence fiscale européenne.

Par ailleurs, comme chacun sait, que nous votions le prélèvement européen ou non, il s'applique. Notre vote n'a donc aucune portée autre que politique. Vos prédécesseurs, monsieur le ministre, nous ont toujours expliqué que les traités ne nous donnaient pas le droit de modifier ce prélèvement, ne serait que d'un million. Si notre vote est inutile, que dire du Parlement européen, en dépit de l'évolution des traités ? Il s'agit là d'un véritable déni de démocratie.

En second lieu, étant donné le caractère collectif des problèmes environnementaux, notamment de la question du changement climatique, une taxe carbone européenne pourrait constituer un excellent instrument de financement du budget de l'Union.

Enfin, l'introduction d'une taxe sur les transactions financières serait également, sous certaines réserves – car une telle taxe n'aurait de sens que si elle était internationalisée –, un moyen de doter l'Union européenne de ressources propres. Il est clair, en effet, que la crise que nous traversons est en partie due aux pratiques spéculatives, aux prises de risque inconsidérées du secteur financier et, plus généralement, au surendettement de nombreux États et de beaucoup de ménages dans une partie des pays de l'Union. La Commission européenne a d'ailleurs déposé une proposition de directive pour la création d'une telle taxe le 28 septembre dernier.

À ce stade de la procédure budgétaire européenne, le total des ressources propres que la France devrait mettre à disposition du budget européen en 2012 serait de 18,9 milliards d'euros, soit 16,4 % des contributions des États, ce qui fait de notre pays le deuxième contributeur net. S'il est légitime que la France contribue à la solidarité européenne, nous refusons néanmoins de financer l'adhésion turque à l'Union. En effet, comme cela a été rappelé en commission, nous sommes favorables à l'association de la Turquie à l'Union européenne, mais défavorables à son adhésion. Ainsi, nous jugeons raisonnable et cohérent de proposer une réduction de près de 148 millions d'euros de la contribution française au budget communautaire, soit le montant à verser à la Turquie au titre de l'aide financière de préadhésion pour 2012.

Mes chers collègues, il est tout simplement temps pour l'Europe de sortir du système des contributions nationales, car la mise en place d'une Europe forte et unie passera inévitablement par un remodelage des fondements de son système de financement.

En attendant, le groupe Nouveau Centre votera en faveur du prélèvement européen.

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