Nous sommes appelés à nous prononcer, comme chaque année, sur le montant du prélèvement opéré sur les recettes du budget de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.
Permettez-moi tout d'abord, mes chers collègues, de regretter vivement le choix du groupe socialiste de s'abstenir lors du vote sur le prélèvement européen en commission des affaires étrangères, la semaine dernière. Le parti socialiste ne s'honore pas de cette position dans la situation critique que nous traversons. Mais étant de nature optimiste, je ne désespère pas qu'un jour il soit capable de dépasser le seul combat politicien et entre enfin dans une posture responsable.
Responsable comme le parti socialiste espagnol qui a voté la règle d'or main dans la main avec le parti populaire.
Responsable comme le SPD allemand qui ne s'est pas posé de question lorsqu'il s'est agi de voter avec la CDU en faveur du Fonds de solidarité il y a quelques semaines.
En attendant ce jour qui viendra peut-être, le groupe UMP, profondément européen, considère que la participation de la France au budget de l'Union n'est pas négociable. Nous ne pouvons pas nous permettre, en cette période de turbulences pour l'Union et ses États membres, d'envoyer le moindre message de défiance à nos partenaires. Ainsi, le montant du prélèvement européen pour 2012, qui devrait s'élever à 18,9 milliards d'euros, permettra à notre pays de maintenir sa contribution à l'effort collectif.
Comme d'habitude, les plus sceptiques diront que le montant de la contribution française aura été multiplié par 5 en valeur entre 1982 et 2012, que la France est le deuxième contributeur net de l'Union, avec un solde négatif de l'ordre de 5 milliards d'euros, ou encore que le solde agricole de la France devrait devenir négatif à compter de 2012. Tout cela est juste. Mais le rôle de notre pays en Europe est particulier.
La France ne doit pas s'enfermer dans une logique purement comptable. Elle doit bien sûr défendre ses intérêts, mais elle doit aussi faire primer la logique de solidarité. Ce que nous donnons aux États d'Europe de l'Est, nous le récupérons à un moment ou à un autre. Cessons de raisonner franco-français alors que notre économie et celles de nos voisins sont étroitement imbriquées. La prime à la casse payée par le contribuable allemand a largement servi à acheter des Logan, c'est-à-dire à distribuer des salaires en Roumanie et des dividendes en France. Les fonds régionaux dont bénéficient les pays du Sud et de l'Est reviennent, à plus de 70 %, sous forme de contrats de travaux et de fournitures à l'industrie du Nord, dont la nôtre. Être solidaire des États de l'Est, c'est leur permettre de rattraper leur retard et de mettre fin, à moyen terme, aux délocalisations d'entreprises intra-européennes qui asphyxient notre économie depuis trop longtemps.
Notre débat intervient dans un contexte particulier, et ce pour trois raisons.
La première est qu'il se tient entre deux Conseils européens cruciaux pour l'avenir de l'Union européenne. Celui qui s'est tenu hier a donné des signes encourageants. Chaque pays a fait preuve de responsabilité, conscient que l'avenir de l'Europe est en jeu. Je fais confiance à la ténacité du Président de la République pour vaincre les dernières résistances d'ici à mercredi soir. Seule une réponse forte permettra de rétablir durablement la confiance.
La deuxième raison tient au fait que notre débat intervient alors que se déroulent les négociations du futur cadre financier pluriannuel post-2013. À cet égard, la proposition de la Commission européenne est globalement satisfaisante pour la France, notamment sur deux points qui nous sont chers : la correction britannique – puisqu'elle prévoit la suppression de tous les rabais – et la PAC, qui serait stabilisée en termes nominaux.
La troisième raison, enfin, est que nous parlons du prélèvement européen alors que le budget de l'Union pour 2012 est encore en discussion. La position finale du Parlement sera en effet votée après-demain, sachant que la procédure de conciliation qui aura ensuite lieu entre le Parlement et le Conseil devrait aboutir à un compromis en novembre.
Je salue l'attitude lucide et responsable du Parlement européen, qui a reconnu que le contexte économique et la situation très lourdement contrainte des finances publiques excluaient toute augmentation significative du budget européen. Mais cette position ne doit pas occulter l'indispensable débat sur le financement de ce budget, c'est-à-dire sur le volet des recettes. Les parlements nationaux devront s'en saisir.
Ce n'est un secret pour personne, le budget européen est devenu prisonnier des budgets nationaux. Il n'est en effet plus financé par des ressources propres, mais par des contributions nationales. Or ces contributions, qui avaient été imaginées en 1984 comme complémentaires et provisoires, représentent aujourd'hui 85 % des ressources. Ce système n'est plus tenable. Il est devenu, au fil du temps, illisible et antidémocratique. Les rabais et corrections, les rabais sur le rabais, l'obsession des États pour le juste retour au détriment de l'intérêt européen, tout cela dénature chaque année la discussion budgétaire, en exacerbant toujours plus les égoïsmes budgétaires nationaux.
La crise a définitivement discrédité ce système, en révélant l'impasse, le cercle vicieux où se trouve enfermé le budget européen : la crise de la dette a rendu les États membres incapables d'augmenter leur contribution. Du coup, l'Union ne peut plus disposer des crédits suffisants pour l'ensemble de ses politiques.
Les exemples sont légion, qu'il s'agisse des difficultés rencontrées pour trouver les financements nécessaires à Galileo, aux réseaux transeuropéens ou encore aux nouvelles compétences de l'Union instaurées par le traité de Lisbonne, telles que la politique extérieure, les migrations, l'énergie, le spatial ou le sport – sans parler de l'ambitieuse stratégie « Europe 2020 », dont les objectifs appellent des crédits substantiels.
Il faut donc engager un débat sur la manière d'assurer efficacement et autrement le financement des politiques européennes à moyen terme. La vraie question n'est plus de savoir comment économiser sur le budget européen, mais plutôt comment donner à l'Union européenne les moyens de remplir correctement ses missions.
Les citoyens ne retrouveront confiance en l'Europe que si nous parvenons à créer un système équitable, transparent, et qui démontre l'irremplaçable valeur ajoutée de l'Europe dans notre vie quotidienne. Il n'est pas question de plaider, dans les circonstances actuelles, pour un doublement ou un triplement en volume du budget européen. Un tel projet serait voué à l'échec et irait à l'encontre de l'assainissement des finances publiques nationales exigé par nos engagements européens. Ce qui est urgent et indispensable, c'est l'introduction d'une véritable ressource propre, clairement identifiable par les citoyens, pour réduire la dépendance du budget européen vis-à-vis des contributions nationales. La création de ressources propres pour l'Union ne figure-t-elle pas dans les traités européens depuis 1957 ?
La taxe sur les transactions financières, proposée par la Commission européenne et défendue par certains pays européens, comme la France, est une piste intéressante. Partiellement versée au budget européen, cette somme permettrait à l'Union de respecter ses engagements pour relever les défis mondiaux posés par le développement et le changement climatique, par exemple. Avec la part qu'ils tireraient de ces recettes, les pays membres seraient mieux à même d'assainir leurs finances et d'investir dans la croissance et dans l'emploi, ce qui est en fin de compte l'une des préoccupations majeures des Européens. Prenons conscience que chaque euro qui ira au budget européen allégera d'autant le fardeau qui pèse sur notre budget national.
En attendant l'instauration d'une telle taxe, je tiens à saluer les progrès importants qui ont été réalisés concernant le renforcement de la coordination des budgets nationaux – le fameux semestre européen. Certains croyaient qu'il allait remettre en cause la souveraineté budgétaire et fiscale des parlements nationaux. Il n'en a rien été. Ce dispositif a été imaginé pour nous permettre de mieux travailler ensemble pour dépenser mieux.
C'est en se concertant davantage que l'on pourra réaliser des économies d'échelle, en évitant les doublons entre budget européen et budgets nationaux ou entre budgets des États membres. C'est en mutualisant les moyens que l'on pourra atteindre une masse critique pour les projets d'avenir. Nous l'avons fait pour Airbus, Ariane et Galileo. Faisons-le pour l'aide au développement, la recherche et l'innovation, ou encore la politique industrielle.
Aussi notre assemblée doit-elle, mes chers collègues, s'impliquer pleinement dans toutes ces initiatives qui sont cruciales pour donner une nouvelle impulsion et une crédibilité renouvelée à l'Union européenne. Notre avenir ne se décide plus seulement à Paris, mais il ne doit pas se décider à Bruxelles sans nous. C'est ensemble, avec nos partenaires européens, que nous devons faire les grands choix politiques qui conditionneront l'avenir de la France.
Le groupe UMP votera l'article 30 et apportera son soutien aux propositions qui nous sont présentées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)