Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Pierre Lequiller

Réunion du 24 octobre 2011 à 9h30
Vacance de sièges de députés élus sénateurs — Débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes :

Un mot d'abord, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l'étape cruciale que nous vivons pour l'Europe. Grâce en particulier à la forte impulsion du Président de la République et de la Chancelière Angela Merkel, les échanges et les décisions prises ces trois derniers jours ont permis d'avancer sensiblement sur un ensemble de sujets clés, en particulier la recapitalisation des banques et la gestion de la crise grecque – déblocage d'une nouvelle tranche d'aide de 8 milliards d'euros, participation accrue du secteur privé, probablement à hauteur de 50 %, et perspective d'un impact plus important du Fonds européen de stabilité financière. Je salue l'énergie avec laquelle le Président de la République défend ces positions.

M. Moscovici ironisait à l'instant sur les efforts perpétuels consentis en particulier par la France et l'Allemagne. Je rappelle que nous ne pourrions pas renforcer l'impact du Fonds européen de stabilité financière si, comme les socialistes ici même, nous n'avions pas voté en faveur de ce fonds.

Nous formons le voeu, monsieur le ministre, que le sommet de mercredi – à vingt-sept et à dix-sept – aboutisse à un plan d'ensemble à la hauteur des enjeux, notamment sur le nécessaire renforcement du gouvernement économique européen et le pilotage de la zone euro.

J'en viens à ce qui nous occupe plus particulièrement aujourd'hui, le budget européen.

Comme l'ont indiqué les orateurs précédents, le budget européen, qui est obligatoirement équilibré selon les traités, est de taille modeste et n'augmentera sans doute guère dans les prochaines années, compte tenu de la stricte discipline budgétaire à laquelle doivent se plier la quasi-totalité des vingt-sept États membres.

Pour l'année 2012, les États membres ont, dans le cadre du Conseil, donné leur accord sur un projet de budget de 129 milliards d'euros en crédits de paiement, en augmentation de 2,02 % par rapport au budget 2011. Le Parlement européen se prononcera sur ce projet après-demain, certainement dans le sens d'une augmentation plus substantielle, et c'est à l'issue de la procédure de conciliation entre Conseil et Parlement que les montants définitifs seront fixés.

Je ne rappellerai pas ici les montants cités précédemment et je me contenterai de souligner que la France a obtenu de ses partenaires que les « coupes » par rapport aux propositions initiales de la Commission européenne n'affectent pas principalement les crédits de la PAC, qui seraient maintenus à l'euro près, mais plutôt les programmes des autres rubriques dont le taux d'exécution des années précédentes est le moins satisfaisant. La France et ses partenaires ont également convenu que les dépenses administratives de l'Union doivent supporter une limitation équivalente à celle des dépenses administratives nationales.

Bien qu'il ne représente qu'environ 1 % de la richesse de l'Union – les dépenses publiques nationales en représentent environ la moitié –, le budget européen est néanmoins un instrument important, qui rend tangible la valeur ajoutée de la construction européenne.

En France, nos entreprises, nos régions, nos citoyens, ont ainsi bénéficié de plus de 13 milliards d'euros de dépenses du budget européen en 2009, au titre de la politique agricole commune certes, en premier lieu, mais aussi des fonds structurels ou du programme-cadre pour la recherche, par exemple.

Le budget européen apporte sa contribution au dispositif de réponse à la crise que nous traversons.

Le Mécanisme européen de stabilité financière, qui peut aller jusqu'à 60 milliards d'euros et permet à la Commission européenne d'emprunter sur les marchés au bénéfice d'États de la zone euro en grave difficulté financière, représente le tiers des programmes de soutien à l'Irlande et au Portugal, les deux autres sources de financement étant le Fonds européen de stabilité financière et les prêts du FMI.

Les dépenses au titre des fonds structurels, du Fonds de cohésion et du Fonds européen pour la pêche seront accélérées dans les pays de l'Union bénéficiant d'un programme d'aide financière, qu'ils soient ou non membres de la zone euro : Grèce, Portugal, Irlande, Hongrie, Roumanie et Lettonie.

Cependant, le budget européen n'a pas pour seule utilité, en ces circonstances, de répondre aux urgences. Il a vocation à être un « levier » pour rendre possibles des dépenses d'avenir, ainsi que l'a dit Roland Blum, des investissements dont l'intérêt économique dépasse les frontières d'un État membre. C'est un instrument du « gouvernement économique européen », associé au renforcement de la coordination des politiques économiques.

Il est essentiel que ce levier soit mieux articulé avec les budgets nationaux, au service de la réalisation de la stratégie UE 2020. C'est seulement ainsi que cette nouvelle stratégie partagée de développement économique, environnemental et social que s'est donnée l'Europe, pourra être plus effective que feue la stratégie de Lisbonne. Le « semestre européen », qui fonctionne déjà, doit être l'instrument de cette coordination.

La crise très grave que l'Europe traverse et la négociation qui s'ouvre dans le cadre budgétaire pluriannuel pour 2014-2020, dont a excellemment parlé notre rapporteur général, amènent à s'interroger sur ce que nous voulons faire du budget de l'Union, et au-delà, sur l'Europe que nous voulons bâtir.

Avec le traité de Lisbonne et les nombreuses actions qu'elle mène sur son territoire mais aussi en direction de pays tiers, l'Europe a pris des engagements contraignants envers ses citoyens et le monde.

Au sein de l'Union, les réseaux transeuropéens de transport et d'énergie, les programmes favorisant la mobilité des étudiants et des chercheurs, le volet « développement rural » de la PAC, toutes ces avancées très sensibles sont portées par les fonds provenant du budget de l'Union européenne et cofinancées par les budgets nationaux et des financements privés, de nombreuses opérations étant de surcroît rendues possibles par les prêts de la Banque européenne d'investissement.

Le rôle de levier pour les investissements d'avenir que joue déjà le budget européen, pourrait être considérablement accru par d'autres dispositifs de dimension et d'ambition européenne.

Dans cet esprit, je souhaiterais en premier lieu, monsieur le ministre, que l'on s'engage dans une démarche de mutualisation européenne progressive d'un certain nombre de politiques nationales, en s'efforçant d'en faire un instrument de mise en oeuvre de la stratégie UE 2020. Nous pourrions ainsi adopter cette démarche de mutualisation pour l'effort de recherche, en commençant par une action franco-allemande – je crois savoir que des initiatives sont prises – mais qui aurait vocation à s'étendre ensuite à d'autres partenaires européens : pourquoi pas une coopération renforcée en avant-garde entre les pays qui veulent et peuvent le faire ?

Je souhaiterais, dans le même esprit, que nous réfléchissions au financement d'investissements européens d'envergure, sous la forme d'obligations spécifiquement consacrées à ces projets.

En effet, pour que la croissance, non seulement redémarre, mais revienne dans l'ensemble des pays de l'Union, de grands projets doivent mobiliser les énergies. Ni les États pris séparément, ni la BEI, ni le budget de l'Union, ne peuvent mobiliser les montants nécessaires pour améliorer les infrastructures existantes, en créer de nouvelles, donner une impulsion décisive aux énergies renouvelables. C'est pour cette raison qu'il est indispensable de mutualiser.

Ainsi, on éviterait d'exacerber encore, par des discussions hasardeuses sur la taille du futur budget de l'Union, les argumentaires traditionnels des États, que vous avez déplorés, monsieur le ministre, sur le « juste retour ». Ces financements nouveaux pourront former un nouvel élément du gouvernement économique européen.

Il est essentiel de rechercher de nouvelles ressources propres et je me félicite que le combat mené depuis longtemps, bien avant d'ailleurs qu'on n'adopte ce projet à la quasi-unanimité dans cet hémicycle, par le Président de la République et Mme Merkel, pour promouvoir la taxe sur les transactions financières au sein de l'Europe et du G20 ait progressé. Je me félicite également des positions très nettes qu'ont arrêtées la Chancelière et le Président de la République à l'encontre des pays récalcitrants comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis.

Là aussi, je souhaite que nous progressions rapidement. Merci, monsieur le ministre, de nous préciser où nous en sommes. Quel est l'état des forces en faveur de cette taxe sur les transactions financières, au sein de l'Union et du G20 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion