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Intervention de Yves Bur

Réunion du 18 octobre 2011 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur :

Au départ, les contrats solidaires, essentiellement proposés par les mutuelles, étaient exonérés de taxe ; la taxe de 7 % appliquée sur les conventions d'assurance concernait principalement les assureurs privés. Ce dispositif a fonctionné correctement puisque ce différentiel de taxe a créé une incitation aux contrats solidaires. L'augmentation de la taxe sur l'ensemble des contrats responsables crée aujourd'hui un différentiel de seulement 2 points avec les contrats non solidaires.

Aujourd'hui, le risque est de voir les assurances privées se désengager des contrats solidaires pour revenir à des offres qui pourraient être un peu moins intéressantes pour les assurés et, ainsi, s'exonérer des règles de solidarité qu'imposent les contrats responsables.

Les contrats non responsables étaient pour l'essentiel, je le rappelle, le fait des assureurs privés et ils étaient en concurrence avec ceux offerts par la Mutualité. C'est à l'occasion de la transposition de la directive que nous avons commencé à introduire ces contrats dits « responsables et solidaires ».

Voilà pourquoi je propose, sans aucune arrière-pensée, de rétablir le différentiel de taxation, le but étant de rendre les contrats solidaires et responsables attractifs par rapport aux autres contrats qui pourraient, de nouveau, tenter les assureurs, notamment privés.

Cette disposition générerait une recette de l'ordre d'une cinquantaine de millions d'euros.

Je réponds maintenant à la question sur la situation des assurances complémentaires, notamment des mutuelles.

D'après les éléments obtenus lors d'une audition commune du Fonds CMU, de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), le chiffre d'affaires hors taxes sur les conventions d'assurance du secteur a crû de 4,2 % en 2010, et devrait croître de 3 % à 3,3 % en 2011. Pour 2012, le Fonds CMU retient une hypothèse de croissance de l'ordre de 2,8 %, correspondant en fait à la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), sachant toutefois que l'expérience montre que les dépenses des organismes complémentaires d'assurance maladie progressent légèrement moins vite que celles des régimes obligatoires. L'augmentation nominale pour 2012 serait donc de 6,3 %, ce qui serait susceptible de se traduire par des résiliations ou d'inciter certains adhérents à réduire leurs garanties. Cela étant dit, le président de la Mutualité française a annoncé que les cotisations n'évolueraient en moyenne que de l'ordre de 4,7 %.

Les adhérents à des contrats collectifs seront sans doute moins touchés, car les organismes complémentaires sont contraints de consentir des efforts tarifaires dans un marché hyperconcurrentiel. Il faut, en outre, avoir à l'esprit que la répartition du chiffre d'affaires entre le collectif et l'individuel varie très fortement selon les catégories d'organismes : s'agissant des institutions de prévoyance, il y a 90 % de contrats collectifs pour 10 % de contrats individuels ; pour les sociétés d'assurance, ces taux sont respectivement de 45 % et de 55 % ; pour les mutuelles, ils sont de 25 % contre 75 %. On le voit : pour certains, l'assurance complémentaire santé devient un argument concurrentiel pour vendre le « package » de la prévoyance.

Les frais de gestion s'élèvent à 18 % pour les institutions de prévoyance, à 28 % pour les assureurs, et à 21 % pour les mutuelles, sachant que dans le cas des compagnies d'assurance, il faut prendre en compte la rémunération des apporteurs, tels que les agents généraux. Pour l'ensemble des assureurs complémentaires, les frais de gestion sont selon moi excessifs, notamment par rapport à ceux pratiqués par l'assurance maladie, inférieurs à 4 %, alors que la Cour des comptes appelle à des efforts de gestion.

En 2010, l'activité des organismes complémentaires s'est avérée tout juste rentable, de l'ordre de 2 %, mais en recul de 4 points par rapport à 2007. En 2011, le taux sera vraisemblablement voisin de zéro, compte tenu de la baisse des produits de placement.

La situation des organismes complémentaires varie également fortement selon qu'ils se consacrent entièrement ou non à l'activité santé. Dans le second cas, en effet, ils peuvent se contenter de marges faibles pour en faire ainsi un produit d'appel.

Joue enfin un effet de taille au niveau de ces organismes. En effet, les marges de certaines petites mutuelles sont supérieures à celles de grands organismes dont les frais de gestion sont beaucoup plus élevés.

Dans ce contexte, il y a, certes, un déport vers les régimes obligatoires des dépenses d'affections de longue durée (ALD). Ainsi, un argument consiste à dire que, chaque année, le régime d'assurance maladie reprend à sa charge 700 000 à 900 000 personnes en ALD, ce qui constitue une économie pour les organismes complémentaires. Or, ce raisonnement omet de tenir compte du fait qu'avant d'être en ALD, les malades ont une consommation normale de soins de santé et qu'ils ne pèsent ni sur le régime de base, ni sur leur assurance complémentaire. Dès lors, le montant de 600 millions d'euros parfois avancé pour évaluer ce transfert de charges vers le régime obligatoire, est sans doute discutable et mériterait d'être étudié de plus près.

En tout état de cause, les malades en ALD supportent, comme l'a confirmé le directeur du Fonds CMU, un reste à charge significativement plus élevé que ceux des personnes non atteintes d'une maladie chronique.

J'en viens à la question des réserves.

J'ai été le premier, il y a quelques années, à soulever la question des réserves des assurances complémentaires : d'une manière générale, toutes avaient des fonds propres assez substantiels, mais un grand nombre évoquait déjà la possibilité de devoir présenter des garanties supplémentaires. C'est le cas aujourd'hui avec les obligations prudentielles de « Solvabilité I », consistant en des règles prudentielles de caractère statique et absolu, simples à apprécier, c'est-à-dire des engagements à couvrir – deux mois de chiffre d'affaires, trois mois de prestations, par exemple.

Les règles résultant de « Solvabilité II » présentent un caractère plus relatif et évolutif, car fondé sur la valeur de marché qui serait calculée si le transfert des prestations devait être effectué. Toutefois, sur les 681 organismes cotisant au Fonds CMU, 60 % environ ont une taille qui leur permet d'échapper aux règles de « Solvabilité II ». Ces dernières posent néanmoins un réel problème, et nous avons beaucoup de difficultés à obtenir de l'Autorité de contrôle prudentiel des informations précises quant aux contraintes réglementaires réelles.

Elle évalue à 3 milliards d'euros les actifs des mutuelles excédant les 300 % d'engagements réglementés. Mais, elle estime qu'il ne serait pas souhaitable de les réduire, dans la mesure où ils pourraient être mobilisés pour faire jouer une solidarité en forme de « garantie de place » si un organisme mutualiste venait à rencontrer des difficultés. Cela a été le cas récemment avec une mutuelle des Landes, d'autres organismes s'étant substitués à cette mutuelle défaillante.

Pour ce qui est de la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) que l'on évoque d'abord lorsque l'on aborde la question des réserves, son activité a été déficitaire en 2010, mais elle a majoré de 9,4 % ses tarifs au début de l'année 2011. Le chiffre de 1,4 milliard d'euros de réserves ne laisse en réalité que 400 millions d'euros de réserves libres de tout engagement prudentiel, compte tenu de l'exigence de provisionner le montant des engagements, et de la « règle non écrite » – non confirmée par l'Autorité de contrôle – consistant à exiger un montant de provisions égal à 200 % des engagements.

Ainsi, les réserves ont beaucoup évolué ces trois dernières années. Au départ, les règles prudentielles n'étaient pas aussi exigeantes ; elles le sont désormais. Aujourd'hui, les réserves doivent être garanties et l'Autorité de contrôle est très vigilante sur ce point. S'il reste des réserves de l'ordre de 3 milliards pour ce qui concerne la Mutualité, la situation est plus complexe pour les autres secteurs. En outre, nous devons attirer l'attention des adhérents des différentes mutuelles sur leurs responsabilités : il leur appartient en effet de se pencher sur les frais de gestion qui sont trop élevés, mais aussi de décider en toute transparence de l'utilisation des réserves libres de tout engagement prudentiel : c'est à eux de savoir si ces réserves doivent être capitalisées ou si elles doivent leur être rendues à travers un lissage des cotisations.

En tout état de cause, le débat est lancé, et j'espère que les adhérents joueront pleinement leur rôle de vigilance vis-à-vis de la gestion de leur mutuelle.

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