La loi de finances qui nous est présentée l'est dans des conditions que nous n'avons pas encore connues et qui sont particulièrement rares, heureusement, à l'échelle de l'histoire. Jamais, depuis sans doute les années 1929 et 1930, nous n'aurons été dans un contexte aussi extraordinairement difficile.
La crise dans laquelle nous sommes n'est pas la crise d'un changement dans le monde mais la crise d'un changement de monde. C'est une crise internationale, mondiale. Et, parce qu'elle est mondiale, elle est européenne et, parce qu'elle est européenne, elle est aussi française.
Regardons-la d'abord. Cette crise est celle de la dette. Dans certains pays, le nôtre notamment, cette dette est partie d'une dette publique mais, dans beaucoup d'autres pays, elle n'était ni connue ni visible, ou volontairement méconnue, et elle provenait d'une dette privée au secours de laquelle l'État a dû venir, en Grande-Bretagne, en Espagne, aux États-Unis, en Irlande et ailleurs.
Cet aggloméré de dettes publiques et privées considérables s'impose aujourd'hui à nous. Il ne date pas d'hier ni de dix ans mais de beaucoup plus longtemps. Il est la résultante de non-choix dans bien des cas et nous en sommes, de ce point de vue, coresponsables par héritage.
Nous le savons et cela vient d'être rappelé, nous atteignons presque 1 700 milliards d'euros de dette, qui dépendent pour les deux tiers de créanciers étrangers. C'est dire à quel point nous sommes non seulement en situation périlleuse mais aussi sous surveillance. Nous le sommes beaucoup plus que le Japon, qui a une dette bien supérieure mais qui dépend d'abord de ses concitoyens, à plus de 90 %, et peut-être même plus que les Italiens dont la dette bien supérieure – 120 % du PIB – est majoritairement détenue par les ressortissants.
Nous sommes aujourd'hui dans une situation telle que la priorité absolue est la défense d'un certain nombre de dépenses publiques. Je dis bien « un certain nombre », parce que toutes les dépenses n'ont pas la même utilité et ne méritent pas nécessairement le même coup de rabot. Certaines dépenses sont plus utiles que d'autres. C'est le tri de ces dépenses qui m'a fait dire très récemment que je préférais le ciseau au rabot. Mais la réduction est nécessaire. Le Gouvernement s'y attache et je souscris complètement à cette priorité de la réduction passée et à venir des dépenses publiques.
Néanmoins, réduire ces dépenses entraînera certainement des conséquences douloureuses pour nos concitoyens, notamment et d'abord pour tous ceux qui ont des revenus, de substitution ou réels, faibles. Permettez-moi d'illustrer cela d'un exemple.
Avant la crise, lorsque l'on incitait les gens à devenir propriétaires – ce que l'on essaie encore de faire mais à un degré moindre –, l'on constatait que 2 500 000 familles en France étaient à cinquante euros près par mois, éligibles ou non auprès des banques pour l'accession à la propriété.
C'est dire à quel point nos concitoyens, pour leur grande majorité, sont fragiles. Partant de là – et je ne fais que suivre la plupart des économistes –, la réduction de certaines de nos dépenses publiques suffira-t-elle à résoudre la situation ?