Le Gouvernement s'est enorgueilli de présenter cette année un projet de budget en croissance pour l'enseignement supérieur et la recherche. Ce n'est pas tout à fait faux sur un plan formel : les autorisations d'engagement augmenteront de 1,7 % et les crédits de paiement progresseront de 1 %. Mais si l'on neutralise l'opération de transfert progressif à la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) du paiement des pensions, la croissance annoncée est beaucoup plus modeste : elle n'est plus que de 1 % en autorisations d'engagement et est presque nulle en crédits de paiement puisqu'elle s'élève à 0,008 %.
Les moyens consacrés spécifiquement à la recherche régressent, hors paiement des pensions, de 0,1 % en autorisations d'engagement et de 1,4 % en crédits de paiement. Au total, les moyens de la mission interministérielle auront chuté de plus de 4 % en euros constants ces deux dernières années et se situeront finalement, en 2012, à un niveau inférieur à celui qu'ils atteignaient en 2007.
La situation n'est donc guère reluisante. Aucun emploi statutaire n'a été créé, ce que la France n'avait jamais connu auparavant. Le nombre de contrats de travail à durée déterminée et de contrats précaires a explosé : il est de 15 000 pour la seule Agence nationale de la recherche ! Vous n'avez pas réussi à développer la recherche privée qui reste une des grandes carences de notre pays ; le soutien à la recherche industrielle stratégique diminue d'environ 21 %. Nous déplorons ces orientations, sachant l'état de nos industries et des emplois qui y sont attachés et connaissant la faiblesse des moyens que les entreprises françaises consacrent à la recherche et au développement : ils n'atteignent que 1,3 % de notre produit intérieur brut, à comparer à un taux de 7 % au Japon, de 1,9 % aux États-Unis et de 1,8 % en Allemagne.
Votre politique visant à encourager les laboratoires de recherche publics à devenir des prestataires de services aux entreprises a échoué. Elle a parfois conduit, comme chez Sanofi, à la fermeture des centres de recherche de grandes entreprises privées. Nous retrouvons le même effet d'aubaine dans le crédit d'impôt recherche, niche fiscale qui a coûté à la recherche 5,8 milliards d'euros en 2009 et n'a pas permis le « bond en avant » attendu des moyens consacrés à la recherche et développement. Nous estimons donc que cette mesure doit être mise en cause et remplacée par des subventions favorisant la création d'emplois et les petites et moyennes entreprises innovantes.
La France occupe aujourd'hui le quatorzième rang mondial en termes d'effort de recherche. L'objectif, qui avait été fixé par le Président de la République, de le porter rapidement à 3 % de notre produit intérieur brut n'a aucune chance d'être atteint. Cela supposerait de l'augmenter de 5 % par an pendant dix ans. Ce n'est pas le chemin que vous prenez… La France risque donc d'occuper durablement le vingt-sixième rang – sur trente-deux – pour son budget civil de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Concernant les pôles d'excellence, on constate une croissance des inégalités territoriales. Dans le contexte actuel de dégradation, il est permis de s'interroger sur la pertinence du privilège qui est accordé à ces structures. Une quinzaine de projets devraient être retenus et financés – leur liste a été complétée au printemps dernier pour intégrer des projets portés par des laboratoires de renom de la recherche française –, mais la répartition spatiale des laboratoires pose question. Le président de la Conférence des présidents d'université s'en est ému en avril dernier pour regretter que les lauréats se concentrent essentiellement en région parisienne, en Alsace, en région Rhône-Alpes et, dans une moindre proportion, dans le Sud – au profit de Montpellier et au détriment d'Aix-Marseille.
Le financement de pôles d'excellence par la voie du grand emprunt a, dans les faits, conduit à promouvoir un système universitaire à deux vitesses. Il se traduira par un renforcement des inégalités territoriales et mettra la moitié des universités « sur la touche ». De surcroît, il soumet à une gouvernance rigide et contrainte les universités sélectionnées, en excluant les représentants des personnels et des étudiants du conseil d'administration. Ce n'est pas notre conception de l'enseignement supérieur et de la recherche. Nous sommes favorables à des financements adossés au budget de l'État, en conformité avec les missions de production et de transmission des savoirs de l'université.
Il convient de garantir l'autonomie des universités. Mais l'autonomie que vous préconisez, de même que celle des présidents d'université à l'égard du personnel, signifient en réalité une perte d'autonomie des laboratoires de recherche.
Si nous disons « oui » à l'autonomie des universités, c'est parce que nous disons « non » à la dépendance de la recherche publique, notamment à l'égard des marchés. C'est pourquoi le groupe GDR votera contre l'adoption du projet de budget de la recherche.