Monsieur Jardé, le taux de sélection des appels à projets est de 22 %, contre 26 % précédemment. Il faut tenir compte de la fluctuation normale liée aux réponses apportées aux investissements d'avenir et à l'épuisement de projets qui a pu en résulter dans certaines équipes. Nous n'avons pas atteint la cote d'alerte, mais nous devons rester vigilants dans ce domaine : nous en avons d'ailleurs discuté avec l'ANR.
Nous sommes très attachés aux projets « blancs », dont on a besoin et qui mobilisent 50 % des crédits classiques de l'ANR et 80 % des investissements d'avenir. Il faut laisser une marge de manoeuvre aux chercheurs – beaucoup d'entre eux, avec lesquels je me suis entretenu, tels Gilles Hoffmann, y insistent – et mixer ce type de projets avec des appels à projet plus cadrés.
Les PRES jouent le rôle de nos communautés d'agglomération ou de communes sur nos territoires. Ils permettent de regrouper des forces dispersées et ont conduit à deux évolutions majeures : d'une part, dépasser l'opposition entre grandes écoles et universités – faiblesse congénitale de notre système – en les faisant travailler ensemble et, d'autre part, remédier à l'autre point noir que constituait le découplage entre l'université et les organismes de recherche. À l'intérieur des PRES, ceux-ci sont très impliqués, les grands laboratoires l'étant à plusieurs titres, d'autres de façon plus ciblée, tel l'Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier ou l'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) qui est membre du PRES Université Paris-Est.
Mais le dispositif doit rester souple, à l'image des communautés d'agglomération ou de communes qui se saisissent de compétences différentes : chaque PRES doit trouver son chemin et le modèle n'est pas nécessairement l'émergence d'une université unique. Le cas de Strasbourg – dont l'université a remarquablement réussi au cours des dernières années – me réjouit parce qu'il est adapté à cette région, mais il n'a pas forcément vocation à s'appliquer aux autres territoires. Il ne faut pas enfermer les PRES dans un carcan !
Néanmoins, il faut éviter que chaque établissement reste dans son coin. Ainsi, à Lyon, l'école de commerce et l'école d'ingénieurs travaillent ensemble en partenariat avec l'université des sciences et, à Toulouse, l'école de commerce s'est rapprochée de la formidable école d'économie rattachée à l'université.
Concernant les questions de contractualisation et l'application du protocole de la fonction publique, l'enseignement supérieur présente des particularités. J'essaie de faire en sorte qu'elles soient prises en compte, au travers de l'élaboration d'une disposition spécifique sur les contrats de chercheurs ou d'ingénieurs et d'un texte permettant de conclure des contrats valables pour la durée d'une convention et renouvelables une fois. Il faut en effet suffisamment de temps pour permettre de réaliser un vrai travail de recherche spécialisé, notamment s'agissant des jeunes thésards.
Au sujet de la place de l'ENS, il faut s'attacher avant tout au baromètre de l'ensemble de notre système, qu'il faut tirer vers le haut, ce qui n'empêche pas d'avoir des vaisseaux amiraux, dont on a besoin.
Je n'aime pas l'expression d'universités de proximité, qui n'a pas de sens et peut être méprisante, dans la mesure où elle les enferme géographiquement. Les universités doivent s'appuyer sur leur territoire pour faire valoir une ambition nationale et internationale.
Madame Faure, 9,4 milliards d'euros auront été investis dans l'enseignement supérieur entre 2007 et 2012, notamment 4,5 milliards de crédits budgétaires, 3,5 milliards de CIR et 0,4 milliard d'intérêts liés à l'opération campus : l'engagement du Président de la République aura donc bien été tenu. Si l'on y ajoute les 730 millions d'euros du plan de relance, les 5 milliards d'euros de l'opération campus et les 11 milliards correspondant aux investissements d'avenir, l'objectif est même largement dépassé ! Sauf à considérer que seules les dépenses de fonctionnement valent et que les investissements ne comptent pas…
Par ailleurs, il ne faut pas confondre les pôles d'excellence et le choix des initiatives d'excellence (IDEX), consistant à faire émerger dix pôles universitaires, auxquels on consent certains moyens spécifiques. Ces initiatives ne doivent pas se limiter à la région parisienne mais concerner tout le territoire. Le jury a d'ailleurs retenu des universités qui n'étaient pas attendues : celle de Bordeaux – qui oeuvre à un partenariat sur l'ensemble de la région Aquitaine – ou de Strasbourg – qui travaille étroitement avec Mulhouse et à un partenariat européen – à côté de Paris Sciences et Lettres (PSL).
Je répète que je ne crois pas aux universités de proximité au sens où elles s'enfermeraient. Des universités telles que celles de Clermont-Ferrand, dans le domaine de l'agroalimentaire, de la diversité des espèces ou de l'étude des volcans, de Limoges dans celui de la céramique, de Lorraine dans la résistance des matériaux ou d'Avignon, se sont astucieusement positionnées sur des créneaux, en osmose avec leur territoire, qui doit servir de tremplin à une excellence reconnue au niveau national ou international. On peut citer aussi les pôles universitaires du Grand Ouest sur les métiers de la mer ou de Savoie dans les métiers de la montagne. Tel est le modèle que je défends, qui n'est pas limité à quelques métropoles régionales d'équilibre.