Mon intervention sera divisée en deux parties : tout d'abord, une présentation rapide du projet annuel de performances, ensuite un point d'étape sur l'audit des comptes d'EDF et d'Areva, mission qui m'a été confiée par le bureau de la commission des finances le 21 juin 2011.
S'agissant du projet annuel de performances, la contribution de l'État au titre du budget de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) constitue l'essentiel des crédits demandés par le Gouvernement, soit 602 millions d'euros.
Deux points sont à noter. Tout d'abord, la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux n'est pas appliquée au sein des effectifs de l'ANGDM, en vertu d'un accord sur la gestion de l'après-mines. Ensuite, les inégalités constatées lors de la liquidation des pensions et des indemnités, dont je me faisais l'écho dans mon précédent rapport, n'ont toujours pas été résolues : ces mesures d'alignement n'auraient qu'un impact budgétaire nul ou faible du fait de la baisse mécanique du nombre de personnes concernées : 5 % de moins chaque année. Les promesses faites sur le sujet en 2007 ne sont toujours pas concrétisées dans le projet de budget 2012. Or un amendement du Gouvernement proposera de réduire de 20 millions d'euros l'enveloppe initiale pour la ramener à 582 millions d'euros.
En ce qui concerne le coût de l'électricité – nous venons de rencontrer la Commission de régulation de l'énergie –, les crédits font l'impasse sur le financement du démantèlement des centrales.
J'entends analyser prochainement l'ampleur des provisions réalisées par EDF pour faire face à ses engagements de décontamination complète sur une soixantaine de sites. J'avais expressément demandé, dans le questionnaire budgétaire, une décomposition des coûts de l'électricité qui intègre le coût du démantèlement des centrales et du traitement des déchets : le ministère de l'Écologie a fourni sur le sujet des indications certes solides et détaillées, mais incomplètes.
Le démantèlement des installations du CEA nous fournit un utile point de comparaison pour évaluer le poids des engagements qui pèsent sur EDF et qui seront, à n'en pas douter, considérables sur le plan financier. La commission Énergie 2050 a en effet avancé le chiffre de 750 milliards d'euros pour cinquante-huit centrales.
Dans la foulée des conclusions rigoureuses du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, une baisse du crédit d'impôt développement durable (CIDD) semble inéluctable, ce qui n'est pas sans poser la question du financement des énergies renouvelables. Dès le départ, le dispositif était mal ciblé : pour être juste et efficace, la réduction des niches fiscales en matière énergétique ne saurait être aveugle aux résultats obtenus, qui sont très inégaux. Plutôt qu'un rabotage systématique, j'envisage une rationalisation qui soit aussi vertueuse du point de vue des finances publiques tout en induisant une gradation entre les différents dispositifs.
Le comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales écarte également l'idée du rabotage systématique, puisqu'il estime que la « mesure est désormais ciblée sur les équipements les plus performants au plan énergétique ainsi que sur les équipements utilisant les énergies renouvelables ».
À l'instar du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, je constate que, si ces techniques ont vraiment atteint la maturité, il est désormais inutile de gonfler la voilure en termes de crédit d'impôt. La mesure, qui coûte quelque 2 milliards d'euros par an, est jugée peu efficiente, voire très peu efficiente. La difficulté, ici comme ailleurs, demeure l'instabilité de notre réglementation.
S'agissant de la réduction du soutien à l'équipement photovoltaïque, la garantie d'un tarif de rachat ne suffit pas à soutenir le déploiement de ces équipements, contrairement à ce qu'avance l'évaluation préalable du projet de loi de finances. Même s'il est compréhensible de vouloir instaurer une dégressivité sur des équipements qui deviennent de plus en plus abordables, la mesure proposée intervient de manière trop brutale alors que la filière française est en voie de développement. On a confondu l'installation avec la création d'une véritable filière. C'est au moment où la filière se développe en France qu'on prend ces mesures, sans doute nécessaires, mais qui mettent à mal la production.
Les industriels ont besoin de visibilité pour assurer leurs investissements. Une baisse graduelle de 10 %, qui pourrait se reproduire chaque année, constituerait un excellent moyen de réduire progressivement la charge liée au coût du crédit d'impôt.
La sous-dotation du fonds chaleur est, quant à elle, préoccupante.
Au demeurant, l'instrument fiscal ne doit pas, même en période de tension sur les finances publiques, se substituer totalement à des dotations budgétaires comme celle du fonds chaleur. Ce fonds, créé le 1er janvier 2009 avec une dotation d'1,2 milliard d'euros pour la période 2009-2013, a pour vocation le financement de projets dans les secteurs de l'habitat collectif, du tertiaire et de l'industrie à hauteur de 5,5 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), soit plus du quart de l'objectif fixé par le Grenelle de l'environnement – 20 millions de TEP supplémentaires à l'horizon 2020.
Le fonds chaleur devient le parent pauvre de la politique énergétique, alors qu'il soutient des projets dont l'efficacité énergétique est souvent remarquable. Les filières concernées sont la biomasse, le solaire thermique, la géothermie profonde, la géothermie « intermédiaire » (aquifères ou sous-sol) nécessitant l'usage de pompes à chaleur (PAC) pour relever le niveau de température, les chaleurs fatales, comme celles qui sont issues des usines d'incinération des ordures ménagères (UIOM), et le biogaz en injection dans le réseau de gaz naturel.
Ce fonds, géré par l'ADEME, aura à sa disposition 250 millions d'euros en 2012, alors que les besoins réels se situeraient autour de 400 millions d'euros. La sous-dotation du fonds chaleur est donc un élément préoccupant que le Gouvernement doit résoudre au plus vite, en raison de l'efficience du dispositif en termes d'économies d'énergie.
Comme je l'ai rappelé, le 21 juin 2011 le bureau de la commission des Finances m'a chargé, en tant que Rapporteur spécial sur l'Énergie, et conjointement avec le Rapporteur spécial sur les Participations financières de l'État, de conduire un audit financier d'EDF et d'Areva. M. Camille de Rocca Serra a souhaité s'y associer dans un premier temps. Après diverses péripéties – j'use d'une litote –, les services de l'Agence des participations de l'État (APE) se sont acquittés de leurs obligations à mon égard en mettant à ma disposition dans leurs locaux de Bercy tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif que j'avais demandés. Une première visite a eu lieu le 27 septembre 2011 à 8 heures 30 alors que la demande initiale avait été envoyée fin juin. L'examen approfondi des notes de suivi des entreprises a permis de réaliser des progrès dans la compréhension du bilan comptable et la politique d'acquisition d'EDF et d'Areva. Les premières investigations ont principalement porté sur Areva, dont nous avons reçu aujourd'hui les principaux dirigeants : la visite à l'APE a permis de déclencher des rencontres intéressantes.
À de nombreuses reprises au cours des dernières années, nous nous sommes penchés sur les difficultés de la construction d'un EPR en Finlande, à Olkiluoto. Le retard accumulé s'élève à quatre années et demie par rapport à ce que prévoyait le contrat avec l'électricien finlandais. Les notes consultées à l'APE ont permis de préciser notre vision des choses.
Il apparaît qu'Areva s'est engagé non seulement sur la livraison d'une installation, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la production à venir de la centrale – je vous ferai part, à ce sujet, d'informations de toute dernière minute. L'exposition d'Areva sur le dossier finlandais est donc certainement supérieure à ce qui avait été annoncé à la représentation nationale.
Les provisions que l'entreprise a dû passer dans ses comptes au titre du chantier d'Olkiluoto s'élèvent aujourd'hui à 2,6 milliards d'euros, ce qui fait plus que doubler le coût du chantier – quelque 3 milliards à l'origine – : nous en arrivons donc à quelque 6,6 milliards ! En 2011, une huitième provision s'ajoute à toutes les précédentes : or rien ne semble indiquer que ce soit la dernière.
Les services de l'APE semblent enfin mettre en doute l'argumentation d'Areva selon laquelle ces difficultés seraient dues à des « facteurs aléatoires » et non à des facteurs « structurels » : ces services apparaissent cependant totalement dépendants de l'entreprise pour connaître le suivi du chantier, et le coût final sera certainement astronomique. À l'heure actuelle, 80 % des travaux ont été effectués. On peut considérer que les provisions à venir seront moins importantes, mais leur montant est pour l'heure considérable. Quelques EPR du même type sont en commande : il en faudrait toutefois un grand nombre pour amortir la courbe d'expérience, très coûteuse en l'occurrence.
Le suivi de l'acquisition d'UraMin présente les mêmes traits : une forte dépendance vis-à-vis de l'entreprise contrôlée, une distance critique et une capacité d'analyse insuffisantes, ainsi qu'une explosion des coûts pour le contribuable.
Les dates des notes consultées dans les services de l'APE sont suffisantes pour douter du caractère optimal du processus décisionnel qui a conduit à l'acquisition d'UraMin par Areva. Les deux documents les plus pertinents remontent en effet au 7 mai 2007 et au 25 mai 2007, c'est-à-dire à une période d'installation ou de transition politique entre le second tour de l'élection présidentielle et le premier tour des élections législatives.
Alors que le ministre des Finances est, le 7 mai 2007, censé expédier les affaires courantes ou qu'il vient, le 25 mai 2007, d'être tout juste nommé, les services lui recommandent, voire lui présentent comme inéluctable une acquisition de très grande ampleur, évaluée à 1,6 milliard d'euros, auquel il convient d'ajouter différentes sommes, le total atteignant 2 milliards. L'intervalle entre ces deux dates est prétendument mis à profit pour effectuer des diligences complémentaires. L'enjeu principal est celui des réserves d'uranium, ce qui suppose une exploration matérielle sur place. Or, dans un laps de temps si court, le supplément d'information nécessaire n'a pu être que très parcellaire et l'acquisition s'est faite à partir de l'estimation d'un cabinet commandité par UraMin – une audition vient de nous apprendre que personne, au sein d'Areva, à l'époque, n'était compétent pour aller vérifier si l'appréciation du cabinet était pertinente.
Je rappelle que règne à l'époque le spectre d'une pénurie d'uranium pouvant frapper les centrales nucléaires à un horizon de trente à quarante années. Le cours de cette matière première atteignait alors des sommets et le titre d'UraMin suivait une évolution plus vertigineuse encore. Plusieurs raisons sont successivement mises en avant par l'Agence des participations de l'État pour faire avaliser l'acquisition.
Tantôt il est indiqué que l'électricien chinois, qui possède des parts dans le fonds d'État Tian Hua, met comme condition sine qua non à l'achat de centrales EPR un accès direct à l'approvisionnement en uranium, ce qui obligerait Areva à sécuriser une source, mais limiterait in fine sa participation à 51 % dans UraMin, soit un coût de 700 à 800 millions d'euros. Il était prévu que, dans l'immédiat, Areva achèterait la totalité des parts, en réalisant un portage au profit du consortium chinois. Tantôt l'urgence est décrétée, au motif qu'UraMin a fixé au 31 mai 2007 la date limite d'une opération d'achat de ses titres. Personne ne s'étonne que le calendrier puisse être fixé par le vendeur. L'urgence invoquée ne justifie pourtant pas à elle seule une prise de risque aussi considérable pour les finances du groupe.
Dans ces circonstances, tout devait inciter à la retenue, et en premier lieu le respect du temps démocratique. Pourtant l'entreprise et, à sa suite, les services du ministère paraissaient au contraire placer insensiblement l'autorité politique devant le fait accompli.
Le 15 juin 2007 Areva annonce une offre publique d'achat sur UraMin sur la base d'un prix de 7,70 dollars américains par action, soit une prime attractive hors dividende de 21 % sur le cours moyen pondéré de vingt jours au 8 juin 2007. Areva avait pris 5 % de participation quelque temps auparavant, taux d'acquisition qui n'oblige à aucune publicité auprès des marchés : l'information concernant l'OPA ne pouvait donc pas provenir de cette prise de participation. Elle n'en a pas moins circulé, provoquant l'envol du cours d'UraMin.
À l'époque, le communiqué d'Areva indique que le conseil d'administration d'UraMin a jugé que l'offre « était dans le meilleur intérêt de [ses] actionnaires ». En juillet 2007, l'acquisition récente est encore qualifiée par les services de l'APE de « beau succès ». Cependant, au fil des années, les réserves d'uranium chez UraMin, d'abord chiffrées à 90 000 tonnes au total, baissent à vue d'oeil – de récents éléments indiquent que ces réserves existent ailleurs que dans les pays initialement indiqués. Deux des trois gisements sont « réévalués à la baisse », notamment en Namibie.
Quatre ans plus tard, Mme Anne Lauvergeon a expliqué devant la commission des Finances : « Du fait du ralentissement volontaire du développement du site de Trekkopje, nous avons pris en 2010 une dépréciation de 126 millions d'euros ». Il peut sembler paradoxal de s'infliger à soi-même une diminution d'activité aussi destructrice de valeur. Le coût dû aux difficultés d'extraction du minerai namibien est également évoqué, sans qu'un chiffre précis soit donné.
La chute des cours de l'uranium est toutefois loin d'expliquer à elle seule la perte de substance financière liée à l'opération sur UraMin. Comme je l'ai dit, les réserves ont également été grossièrement surestimées dans certains pays au moment de l'acquisition. De plus, les coûts d'extraction sont bien supérieurs à ceux annoncés initialement.
Dans le même temps, l'opération de portage de parts d'Areva pour le compte du consortium chinois fait long feu. Areva reste donc propriétaire à 100 % des parts de la filiale.
Je vous ai livré aujourd'hui un bref aperçu du résultat des premières investigations que nous avons pu réaliser : depuis quinze jours, nous assistons à une accélération.
Il est clair que l'audit demandé, qui concerne également EDF, ne pourra être sérieusement conclu qu'au prix d'un travail d'enquête au long cours : le cadre du rapport spécial ne saurait suffire. Ce travail devra donc être poursuivi après l'adoption de la loi de finances afin d'en tirer des conclusions plus précises.