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Intervention de Marc Cheverry

Réunion du 12 octobre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Marc Cheverry, chef du service « Prévention et gestion des déchets » de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, ADEME :

Je souhaiterais d'abord rappeler l'importance de la distinction, qu'il faut conserver présente à l'esprit, entre les « biodéchets » – déchets de préparation et restes de repas des ménages, déchets de jardin, déchets des installations industrielles de préparation de produits alimentaires, déchets de restauration et déchets des services d'entretien d'espaces verts – et les « déchets organiques ». Les biodéchets des ménages représentent une production légèrement supérieure à 16 millions de tonnes par an, contre 6 millions de tonnes pour les « gros producteurs » industriels. Les déchets organiques de l'agriculture se situent, quant à eux, aux alentours de 100 millions de tonnes.

La matière organique constitue bien un enjeu en tant que telle. Elle est déjà largement valorisée dans le domaine agricole et les interventions dont nous traitons portent sur une fraction réduite de cet ensemble, le segment des biodéchets.

Les enjeux collectifs de plusieurs ordres : le retour aux sols d'une matière organique qui leur est bénéfique – car elle les enrichit tout en leur conservant leur structure, – le dépôt dans ces sols d'un stock de carbone et la production de fertilisants. Il faut également mentionner l'enjeu énergétique, puisque la matière organique peut évoluer par une fermentation maîtrisée sous forme de méthanisation : on produit alors du gaz, mais l'enjeu du retour au sol demeure puisqu'il reste un digestat à l'issue du processus.

En d'autres termes, si l'on veut bénéficier à plein du retour au sol de la matière organique, se préoccuper de la qualité de cette matière constitue un enjeu incontournable. Cela implique de ne pas se limiter à une logique de pure gestion de déchets, mais d'intégrer à la réflexion la capacité à produire des intrants utilisables par le monde agricole, les usagers d'espaces verts, etc. – donc soumis à des exigences de qualité et d'impact sanitaire et environnemental.

Je voudrais également insister sur une autre dimension de la problématique des biodéchets, celle des territoires.

Produits par différents types de producteurs (ménages, industriels, agriculteurs), les biodéchets aboutissent sur plus de six cents plateformes de compostage sur l'ensemble du territoire, dont la majorité ont une capacité inférieure à vingt mille tonnes – c'est-à-dire des plateformes considérées comme petites ou moyennes, très implantées au niveau territorial et gérées par des collectivités, des agriculteurs ou des prestataires privés.

Les flux de matière se déploient le long de circuits courts : les biodéchets constituent en effet une matière évolutive, riche en eau et qui circule mal – sauf traitements particuliers et coûteux (déshydratation). Ces circuits associent les producteurs, les transformateurs et les utilisateurs.

On peut considérer que le parc des unités de compostage est aujourd'hui à maturité. L'enjeu est moins désormais de créer de nouvelles unités de traitement, que de faire évoluer et d'optimiser ces plateformes – soit pour revoir leur dimensionnement, soit pour prendre en compte des considérations de nuisances renforcées.

Contrairement à d'autres pays européens, nous ne disposons en revanche que de très peu d'unités de méthanisation. Cette situation est le fruit d'une histoire ancienne. Mais le parc est animé d'une dynamique de croissance rapide : 7 millions d'euros d'aides ADEME aux unités de méthanisation en 2009, 8 millions en 2010, 20 millions en 2011 et plus de 35 millions « en portefeuille » en 2012 – c'est-à-dire des projets clairement identifiés et sollicitant le soutien de l'agence.

Une telle évolution a une conséquence sur la gestion des déchets. L'essentiel du parc a aujourd'hui pour origine une exploitation agricole, l'installation ayant pour vocation de traiter les effluents d'élevage (lisier, fumier). Néanmoins, pour optimiser la production d'énergie, les exploitants auront besoin d'utiliser des déchets externes à l'exploitation. Nous estimons ainsi, au vu notamment des projets qui nous sont soumis, que 20 % des tonnages traités dans ces unités proviendront en fait de producteurs de déchets industriels ou de collectivités locales. Il reste donc à organiser de manière adéquate la logistique de collecte et d'approvisionnement.

La question de l'exportation à l'étranger de matières fermentescibles – et donc hautement méthanogènes – a été évoquée. Je suis convaincu que, d'ici quelques années et avec un parc d'installations plus riche et mieux organisé, ce mouvement s'inversera. C'est d'ailleurs une de nos préoccupations, puisque bon nombre d'économies ou de business plans d'unités de méthanisation s'appuient sur des prestations de service pour traitement des déchets et que ces unités pourraient devoir demain composer avec de moindres recettes, du fait que ces déchets sont appelés à prendre de la valeur.

Nous soutenons depuis deux ans au moins quatre installations de traitement industrielles, dédiées aux déchets des gros producteurs – leur capacité se situe entre quarante et cinquante mille tonnes de déchets. La réglementation qui va entrer en vigueur à partir du 1erjanvier 2012 crée de telles opportunités d'investissement, qui ne peuvent que se poursuivre dans les années à venir.

Au cours des dix dernières années, l'ADEME a soutenu approximativement la moitié du parc d'installations de compostage. Désormais, le soutien est appelé à se réorienter en faveur de la méthanisation – en complément du tarif d'achat et à partir d'une analyse de la rentabilité économique, de manière à ne pas surfinancer les installations de production.

L'agence appuie également la mise en place d'équipements de collecte sélective des biodéchets. Mais nous ne faisons face aujourd'hui qu'à très peu de demandes dans ce domaine.

Nous aidons enfin toute collectivité ou tout acteur souhaitant mettre en place une démarche qualité sur ces installations de gestion et de traitement des déchets.

Quels sont enfin les leviers dont la mobilisation permettrait d'aller plus loin aujourd'hui ? J'en vois au moins quatre :

– intégrer la gestion des déchets organiques dans des schémas territoriaux. Les plans départementaux ou régionaux de gestion des déchets gagneraient à consacrer une section spécifique à la gestion des déchets organiques, du fait de la dimension territoriale de la question et de la multiplicité des producteurs et des utilisateurs ;

– mettre en place des « chartes qualité » et une concertation approfondie entre les utilisateurs ;

– renforcer l'investissement sur les « chaînes qualité », c'est-à-dire la vérification de la qualité des produits qui retournent vers le monde agricole. Cette chaîne fonctionne aujourd'hui surtout sur un mode auto-déclaratif et diverses péripéties – ou malfaçons – passées ont mis à mal la confiance des utilisateurs dans certains composts. Il y a là un vrai défi à relever de manière urgente ;

– pour aller plus loin dans la gestion des déchets organiques des ménages, il faudra poursuivre les efforts en matière de compostage domestique – cela semble anecdotique, mais on estime que 50 % du gisement de déchets organiques des ménages est aujourd'hui géré dans les jardins – et créer un ensemble de conditions économiques favorables pour que la collecte de cette fraction puisse se concrétiser.

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