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Intervention de Yves Coppin

Réunion du 12 octobre 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Yves Coppin, chargé de mission, groupe Veolia environnement :

La valorisation des biodéchets doit répondre à quatre enjeux. Le premier est le dépassement de la vision initiale de la gestion des déchets, uniquement vue au départ sous l'angle de l'hygiène publique comme en témoigne la première loi adoptée en la matière. Aujourd'hui, cette question est appréhendée comme un moyen de lutte contre la pollution.

Le deuxième a trait à l'aspect financier : une tonne collectée, traitée et recyclée, de déchets fermentescibles coûte de 80 à 150 euros. La multiplication de ce chiffre par le volume global concerné – soit 10 millions de tonnes par an – donne une idée des implications économiques…

Le troisième enjeu réside dans le recyclage : la logique millénaire de l'agriculture en la matière, qui veut que ces éléments aient vocation à retourner à la terre, prévaut aujourd'hui et permet de boucler le cycle du carbone.

Enfin, le quatrième enjeu a trait au changement climatique, car les fertilisants renouvelables, créés par ce biais, peuvent se substituer aux engrais provenant de la transformation de produits fossiles comme le phosphore, d'origine minière, ou aux engrais synthétiques, eux-mêmes issus de la transformation de gaz d'origine minérale. Ils peuvent donc améliorer le bilan carbone des activités agricoles. Le biogaz constitue par ailleurs une énergie totalement renouvelable.

Ma vision de professionnel est la suivante : nous approuvons la stratégie de développement du secteur des déchets organiques choisie par la France, qui passe d'abord par la focalisation, dans un premier temps, sur les gisements importants, en imposant une collecte sélective auprès des acteurs économiques et une valorisation organique : c'est précisément l'objet du décret cité tout à l'heure par madame Fabienne Labrette-Ménager. La même logique s'applique – et depuis longtemps déjà – aux déchets verts. Il en va autrement des gisements dits « diffus » – et notamment des déchets provenant des ménages. Les collectivités locales restent libres du choix de collecte et de valorisation de ce type de déchets : elles peuvent opter pour une collecte sélective chez l'habitant ou pour un traitement mécano-biologique. La consultation de leurs appels d'offres permet d'affirmer qu'elles privilégient cette dernière option plutôt que la collecte sélective.

Avec le temps, on recycle plus et mieux : la quantité de déchets organiques collectés augmente et la qualité du produit final – digestat quand il s'agit d'un traitement par méthanisation, compost quand il s'agit de compostage – s'améliore. Cela offre l'avantage de contribuer à atteindre tant l'objectif fixé par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement – « Grenelle I » – qui prévoit de passer en 2015 à 45 % de déchets ménagers valorisés, que celui fixé par la commission européenne (atteindre 50 % pour ce même indicateur en 2020).

La demande exprimée par les utilisateurs pour les fertilisants d'origine renouvelable croît, et cette évolution se trouve confortée par l'élévation constante, du fait de la finitude des ressources primaires, du prix des engrais phosphorés et azotés.

Le cadre règlementaire relatif aux installations de traitement a été stabilisé. C'est une bonne chose pour les investisseurs, qui ont connu depuis quinze ans une évolution constante du droit applicable – ce qui constituait une difficulté pour eux comme pour les collectivités locales, lorsqu'il s'agissait de décider d'investissements dont l'amortissement s'étale en moyenne sur vingt ou vingt-cinq ans. Ce n'est heureusement pas le cas en ce qui concerne l'usage des produits issus de la valorisation.

D'un point de vue scientifique et contrairement aux idées reçues, un corpus très solide permet aujourd'hui de connaître précisément les effets et de maîtriser les risques induits, lorsque les fertilisants d'origine organique peuvent contenir des polluants, de l'utilisation des produits issus du recyclage. Nous avons en la matière une approche très pertinente.

Nos préoccupations concernent d'abord la fuite hors des frontières hexagonales de déchets, notamment méthanisables – qu'il s'agisse d'exportations vers l'Allemagne, la Belgique ou l'Italie : ces pays offrent en effet un cadre incitatif et des installations de grande capacité. Cette situation dommageable entraîne une perte de produits fertilisables et d'un potentiel d'énergies renouvelables. Nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion sur ce même cadre incitatif en France, s'agissant notamment des grandes installations territoriales.

Nous craignons également que les discussions européennes menées actuellement relativement au statut du déchet, concept général posé par la directive cadre sur la gestion des déchets, ne conduisent à l'adoption de dispositions préjudiciables à notre pays, en ce qui concerne leur application aux déchets organiques ainsi qu'à la production de compost. Figer les critères permettant de définir un produit issu de déchets organiques reviendrait notamment à exclure de cette catégorie la part des déchets ménagers triée en usine, ainsi que les composts de boue. Cette évolution engendrerait des surcoûts pour les collectivités locales qui sont nos clientes et se verraient dans l'obligation de mettre au point des plans d'épandage et des enquêtes publiques pour ces deux catégories de déchets, lesquels se trouveraient en quelque sorte « déclassés » par la législation communautaire.

S'agissant du cadre règlementaire français relatif aux usages, son origine « agricole » – en d'autres termes, son élaboration par les services du ministère chargé de l'agriculture – reste prégnante, notamment sur les fertilisants. Ce régime juridique, dont la rigidité pose problème, date d'une cinquantaine d'années et ne paraît plus adapté aux formidables progrès accomplis depuis dans le domaine des fertilisants issus du traitement de déchets organiques.

Enfin, les évolutions législatives sectorielles – notamment en ce qui concerne les sous-produits destinés aux animaux – adoptées, par exemple, suite à la crise de la vache folle, restent dominées par une logique sanitaire et ne paraissent plus adaptées aux conditions actuelles de production et de recyclage. Notre métier nous place souvent à la frontière de cette législation et des textes environnementaux, qui entrent parfois en contradiction et qui sont portés par des interlocuteurs différents.

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