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Intervention de Véronique Cayla

Réunion du 11 octobre 2011 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Véronique Cayla, présidente d'ARTE France :

Je commencerai par l'essentiel : ARTE est une chaîne culturelle, une chaîne européenne, une chaîne franco-allemande, et il n'est pas question que cela change. Ce sont ces spécificités qui font que j'ai été choisie, et c'est ce qui m'intéresse. Il n'y a donc pas l'ombre d'un doute sur le fait – peut-être aurais-je dû commencer par là – qu'ARTE doit rester fidèle à ses fondamentaux et, par exemple, à une composition de ses programmes qui, avec 40 % de documentaires, n'a rien à voir avec celle des autres chaînes.

Nous ne sommes pas moins en droit de nous inquiéter – comme d'ailleurs les autres chaînes historiques – de la baisse de l'audience et de son vieillissement. À ce phénomène, il est possible d'apporter des éléments de réponse grâce à la révolution numérique, sans pour autant toucher aux équilibres fondamentaux. Nous avons donc réfléchi, en préparant le contrat d'objectifs et de moyens, aux possibilités de développer ARTE tout en lui conservant sa spécificité dans le paysage audiovisuel.

Mais les autres chaînes de la TNT se ressemblent toutes, et se ressembleront d'autant plus qu'elles seront plus nombreuses. C'est donc en cultivant notre différence que nous montrerons combien joyeux est notre avenir : soyez rassurés sur ce point.

Même si nous ne diffusons pas d'émissions pédagogiques en tant que telles, les programmes d'ARTE Junior, diffusés pendant deux heures le samedi, le dimanche et le mercredi matin, offrent des émissions remarquables, qui n'ont rien à voir avec ce que les autres chaînes proposent aux enfants. Cela fait partie des efforts consentis pour améliorer les programmes de journée. On me dit d'ailleurs qu'ARTE Junior est autant regardée par des grands-parents que par des enfants : tant mieux !

Dans le même esprit, on peut citer « Le dessous des cartes », une émission réalisée depuis vingt ans par Jean-Christophe Victor. Bien qu'elle ne soit pas classée comme telle, elle est très pédagogique et instructive.

Plus pointue, mais tout aussi passionnante est l'émission « Philosophie », dont le premier coffret de DVD vient d'être publié. Son objectif est de rendre la philosophie accessible au public, ce à quoi parvient parfaitement Raphaël Enthoven – même s'il parle un peu trop vite à mon goût…

Du côté des programmes plus « unitaires », nous avons également proposé « Le destin de Rome », une émission réalisée avec d'importants moyens numériques permettant de reconstituer la ville à l'époque des empereurs, avec des acteurs parlant latin. Rappelant combien cette langue a été vivante, l'émission a bénéficié d'un succès d'audience remarquable : près d'un million de téléspectateurs. Je continuerai à encourager le plus fortement possible des projets de ce type.

Mais cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas chercher à intéresser tous les publics. Plusieurs d'entre vous se sont demandé s'il fallait ou non tenter de rajeunir l'audience. Grâce au site internet et à la télévision de rattrapage, les mêmes émissions peuvent être diffusées sur la télévision et sur l'ordinateur. Elles sont donc susceptibles de toucher des gens qui ne regardent plus beaucoup la télévision classique. Et il est vrai que si, sur la TNT, la moyenne d'âge du public est d'un peu moins de 60 ans, elle est de 40 ans pour les mêmes programmes diffusés sur Internet. La conclusion est simple : ce ne sont pas les programmes qui attirent un public jeune ou vieillissant, mais les supports. Il ne sert donc à rien de tenter de toucher les plus jeunes sur la télévision classique : ils sont déjà partis ailleurs. Ceux qui essaient de rajeunir leur audience vont perdre les vieux sans atteindre les jeunes.

Notre stratégie est au contraire de mettre tous nos programmes à disposition sur tous les supports : télévision, micro-ordinateurs, tablettes, etc. Ainsi, si les jeunes n'ont plus envie de regarder la télévision le soir avec papa et maman – ce qui me paraît probable –, ils la regarderont dans leur chambre, sur leur ordinateur. Ce qui m'importe, c'est qu'ils regardent ARTE. De fait, un foyer dont les membres regardent ensemble la télévision, c'est une situation en train de disparaître.

Nous n'allons donc pas modifier nos programmes, mais je voudrais seulement que le ton en soit un peu plus joyeux, moins austère, que l'on entre plus vite dans le sujet, afin que le spectateur ne zappe pas au bout de quelques minutes.

S'agissant de la télévision connectée, nous réalisons ce mois-ci une première expérience à partir d'un programme que je vous recommande, « Les combattants de l'ombre », consacré à la Résistance dans quatorze pays d'Europe. Les rares personnes disposant d'une télévision connectée pourront, en plus de cette émission, visionner des compléments, comme l'intégralité des entretiens avec les témoins apparaissant dans le film. Ils pourront ainsi, sur le même écran, approfondir le sujet proposé. C'est pour nous une perspective extrêmement intéressante, et une importante piste de travail. Nous sommes d'ailleurs les premiers à mener des expériences de ce genre.

Pour ce qui est de l'international, nous sommes actionnaires de TV5, chaîne avec laquelle nous avons des relations étroites. C'est par son intermédiaire que nous jetons des passerelles – échanges et coproductions – avec l'Audiovisuel extérieur de la France. Quant aux journaux, ils sont consacrés exclusivement à l'international et à la culture. Ils ne durent, sur ARTE, qu'un quart d'heure par jour mais nous y tenons, car ils permettent à la chaîne de conserver un ancrage dans l'actualité à un moment où nous souhaitons qu'elle regarde un peu moins vers le passé.

J'en viens à la question du financement. L'augmentation de 7,3 % de la dotation publique représente un effort notable dont nous remercions l'État, mais il faut savoir que cela ne représente que 18 millions d'euros. Grâce à cette somme et aux économies de structure que nous parvenons encore à réaliser, nous allons ajouter 20 millions d'euros au budget de programmes en 2012, afin de financer la nouvelle grille. Cette relance éditoriale nous paraît indispensable, ne serait-ce que pour rattraper les chaînes qui ont bénéficié par le passé de moindres coûts de diffusion.

Bien sûr, plus on a d'argent, mieux c'est. Avec plus de moyens, nous pourrions proposer davantage de programmes inédits pendant la journée, développer la programmation du dimanche, consolider ARTE Junior, et peu à peu faire reculer ce désert que constituent durant la journée les rediffusions de programmes de soirée. Mais je suis sensible à l'effort consenti, et je remercie ceux qui nous ont compris et soutenus.

La crise de la fiction est un problème délicat, pour lequel nous n'avons guère d'autre solution que faire preuve d'audace – car, s'agissant de séries, ARTE n'a pas grand-chose à perdre. La série s'impose en effet comme le genre premier, le programme-roi de la télévision, mais, avec nos pauvres moyens, nous n'avons la possibilité d'investir que dans une par an. Nous ne pouvons donc pas réaliser de nombreuses expériences et, au vu des résultats obtenus depuis un peu plus d'un an, on ne peut pas dire qu'ARTE ait trouvé la solution miracle. Nous devons toutefois persévérer, faire preuve d'audace, accroître les crédits de développement, d'écriture. Cela signifie aussi savoir arrêter quand le résultat n'est pas convaincant.

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