Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des affaires européennes, mes chers collègues, l'euro protège le pouvoir d'achat des citoyens contre les dangers de l'inflation et crée les conditions de la stabilité monétaire à l'intérieur du marché unique. Le premier marché du monde n'aurait pas pu fonctionner avec une quinzaine de monnaies flottant entre elles ; la crise actuelle aurait provoqué une cascade de dévaluations compétitives, disloqué le système et infligé des secousses graves aux entreprises. C'est pourquoi nous savons gré au Gouvernement d'avoir marqué l'attachement indéfectible de la France à l'euro. Mais, à la vérité, l'euro ne court aucun danger. Jamais, dans l'histoire, une grande monnaie n'a disparu sous la pression des marchés ou de la spéculation. La Grèce n'a aucun intérêt à sortir de la zone euro et personne ne peut l'y obliger. Ni la Grèce, ni l'Allemagne, ni aucun autre pays ne le feront.
Les dangers sont ailleurs. Le premier péril, c'est la hausse des taux d'intérêt que subissent les États européens pour prix de leurs dettes. La politique du Gouvernement a permis jusqu'à présent de financer notre dette publique à un taux assez favorable. Malgré cela, le paiement de la dette est, avec 45 milliards d'euros, le premier budget de l'État. Si le taux d'intérêt augmentait de 1 %, il nous en coûterait 10 milliards supplémentaires. C'est pourquoi le groupe du Nouveau Centre a exprimé ici de façon constante son extrême vigilance quant à l'application de la rigueur budgétaire – que nous avons toujours osé appeler par son nom –, quant à une stricte application du pacte européen de stabilité et de croissance et quant aux mesures qui sont en cours d'application pour renforcer la discipline budgétaire des États membres.
Nous demandons avec insistance que la France soit, avec l'Allemagne, lors du Conseil européen, au premier rang des exigences en la matière. Nous croyons nécessaire que la France s'engage à rétablir l'équilibre de son budget à l'échéance 2013, hors paiement de la dette.
Car le second danger qui nous menace est directement issu du laxisme des gouvernements européens, lesquels se sont endettés pour financer la croissance dans des conditions qui, désormais, déstabilisent les banques européennes. Nous jugeons choquant de devoir faire payer par les contribuables européens l'inconséquence des États emprunteurs et la légèreté des banques prêteuses. Même si les circonstances graves ont conduit à agir autrement, nous ne devons pas perdre cela de vue.
Nous entendons dire que la Grèce serait placée en défaut de paiement pour la moitié de sa dette publique auprès des banques européennes et mondiales. Mais, en fait, nous ne savons rien, car le Gouvernement n'a encore donné aucune indication sur ses intentions et sur les négociations en cours avec l'Allemagne. Nous nous réjouirions que les dirigeants européens montrent enfin leur capacité à anticiper, c'est-à-dire, en l'espèce, à mutualiser les dettes publiques et à créer le Fonds monétaire européen dont l'esquisse est déjà sur la table ; nous comptons sur le volontarisme du Président de la République pour y parvenir. Toutefois, tout système ayant pour objet et pour effet de mettre les banques européennes à l'abri de la crise doit avoir pour contrepartie, selon le groupe du Nouveau Centre, la présence de l'État dans les conseils d'administration des banques qu'il serait amené à aider. La responsabilité de chacun doit être remise à sa juste place.
À l'origine de cet enchaînement de crises, il y a le mauvais fonctionnement de l'Europe. Elle n'agit pas, elle réagit. Elle n'anticipe jamais. Les processus décisionnels sont interminables. La règle de l'unanimité intergouvernementale paralyse l'action. Plus encore, après quatre ans de pratique, il est clair que le traité de Lisbonne est inadéquat, dépassé, insuffisant.
Je ferai trois suggestions à ce sujet. En premier lieu, il est urgent que la France et l'Allemagne prennent la pleine mesure de leur immense responsabilité. Je salue donc les efforts accomplis en ce sens par Mme Merkel et M. Sarkozy. On nous annonce, et c'est tant mieux, de nouvelles initiatives : peut-être avez-vous quelque chose à nous dire à ce sujet, monsieur le ministre. En tout état de cause, la France et l'Allemagne doivent aller vite et loin – ce qu'elles n'ont encore jamais fait – pour affirmer leur leadership en Europe.
Deuxièmement, il est indispensable de prendre conscience que le temps où triomphaient les thèses libérales anglo-saxonnes est révolu et que l'Europe a aujourd'hui besoin d'une politique économique fondée sur la régulation publique du système bancaire et sur le volontarisme économique à l'égard des pays tiers.