Je commencerai par répondre aux questions portant sur le capital de la CNR. Une modification de la composition de celui-ci suppose deux actes, l'un législatif et l'autre réglementaire. Ni la CNR, ni le groupe GDF Suez n'ont la moindre compétence en la matière. Si un jour la CNR venait à être privatisée, ce serait par l'action du Parlement et du Gouvernement, non par la nôtre. De ce fait, la privatisation de la CNR n'est pas à l'ordre du jour du groupe GDF Suez.
Par ailleurs, et son histoire depuis 1995 en témoigne, le groupe GDF Suez a développé une culture de partenariat. Cette culture fait partie de son ADN. Le partenariat est un mode de travail auquel nous tenons. Nous disposons de partenaires dans de très nombreuses sociétés dans le monde, notamment en Chine, en Amérique du Sud, au Maroc et en Grande-Bretagne. La Caisse des dépôts et consignations ainsi qu'une vingtaine de collectivités locales sont parties prenantes à notre capital. Cette réalité n'a aucune raison de changer.
Le renouvellement prochain des concessions hydroélectriques relève non pas d'un souhait de notre groupe, mais d'une décision du Gouvernement, en application d'une directive européenne. Bien sûr, mais comme de nombreux concurrents européens, et aussi comme EDF, nous allons nous saisir de cette opportunité. Si nous voulons être candidats à des concessions détenues par EDF, nous devons accepter qu'EDF soit candidate à des concessions détenues aujourd'hui par la Société hydroélectrique du Midi (SHEM). Si nous nous engageons dans cette compétition ouverte, ce sera pour gagner, avec nos atouts.
Ces atouts, par rapport à nos grands concurrents, seront dévoilés à l'ouverture des offres remises. Je soulignerai quand même que la culture de partenariat, développée par la CNR et la SHEM et que nous voulons continuer de construire avec nos partenaires locaux, quels qu'ils soient – collectivités et élus, mais aussi associations – est plus prégnante chez nous que chez d'autres. La CNR est organisée, de manière très décentralisée, en quatre directions régionales, qui pratiquent ce partenariat en direct avec les collectivités et les partenaires présents sur chacune des zones de ces directions. Elle n'est pas une structure parisienne centralisée.
Dans la compétition qui va s'ouvrir, et à l'origine de laquelle nous ne sommes pas, nous travaillerons en étroite association avec nos partenaires. Les engagements que nous prendrons à l'occasion de cette compétition – que je ne peux bien sûr dévoiler maintenant – témoigneront de l'approche qui est la nôtre.
En quel sens le paysage hydroélectrique français se modifie-t-il ? Il ne sera plus construit de grands barrages en France. En revanche, la petite hydroélectricité peut encore être développée, même marginalement. La CNR n'envisage ce développement que dans le cadre de sa stratégie, qui implique qu'il s'accompagne de toutes les actions nécessaires de préservation des milieux naturels. Produire 4 ou 5 mégawatts de plus sur un total de plus de 3 000 n'est pas un objectif. Si nous construisons de petites centrales hydroélectriques, c'est moins pour produire de l'électricité que pour améliorer les conditions de navigation – si nécessaire –, préserver la faune et la flore, ainsi que la qualité des eaux.
Si la construction de nouvelles centrales hydroélectriques dans les Pyrénées est techniquement possible, les contraintes que vous avez évoquées, notamment en matière d'autorisations de tous types et de règlementations de tous ordres, en empêchent la réalisation dans des conditions raisonnables.
Sur 6 000 mégawatts de puissance éolienne installée sur le sol français, 1 000, soit un peu moins de 20 %, sont détenus par le groupe GDF Suez. Si la France voulait disposer d'autant de capacité éolienne que l'Allemagne ou l'Italie, elle devrait multiplier par cinq celle dont elle dispose. Rejoindre ces pays n'est cependant pas forcément un objectif : l'énergie éolienne pose des difficultés environnementales, de maintenance, et enfin d'intermittence de la production, lesquelles restent difficiles à gérer, même si GDF Suez développe des compétences spécifiques dans ce domaine.
Nous allons continuer à développer l'éolien, mais les conditions de plus en plus rigoureuses d'octroi des permis rendent, après un décollage assez rapide de cette énergie en France, nos nouveaux projets sensiblement moins nombreux. Ainsi, la réalisation du projet de parc de 12 éoliennes de moyenne capacité, à Pallières, dans le Var, assez significatif mais dont l'emprise au sol est inférieure a un kilomètre carré, est gênée par sa proximité avec le camp militaire de Canjuers : la CNR a en effet obtenu toutes les autorisations nécessaires des collectivités locales et de l'État, à l'exception de celle du ministère de la défense. Celui-ci considère que le volume d'éoliennes ainsi installé – dans un département par ailleurs tout à fait déficitaire en capacité électrique – obérerait les manoeuvres d'évitement et les conditions d'entraînement des hélicoptères de l'ALAT (aviation légère de l'Armée de terre), notamment ceux de la brigade franco-allemande, dans une zone volumétrique mille fois supérieure à celle que nous demandons. Autrement dit, chaque projet impose un difficile parcours du combattant. Le nombre d'autorisations dont nous disposons nous permet cependant d'estimer que nous pourrons atteindre notre objectif de 2 000 mégawatts de puissance installée, contre 1 000 aujourd'hui. Dans cette hypothèse, la CNR verrait elle aussi doubler sa puissance installée.
Nous ne produisons qu'extrêmement peu d'électricité à partir du photovoltaïque. C'est dommage : les coûts des systèmes de production d'électricité à partir de l'énergie solaire – autrement dit ceux de la cellule, qu'elle soit directement élaborée à partir de silice ou construite à partir de ce qu'on appelle les couches minces – se sont tellement effondrés depuis quelques années qu'ils s'approchent de la rentabilité. En revanche, la politique de stop and go réglementaire dans ce domaine a finalement été préjudiciable aux projets que nous conduisions – nous avons dû les arrêter. Aujourd'hui, le développement de la filière devrait pouvoir reprendre. Notre souhait d'industriels est de vivre dans un environnement réglementaire stable. Rien n'est pire que les incitations suivies de coups d'arrêt.
Nous opposer l'ensoleillement insuffisant de la France n'est pas non plus raisonnable : le pays où les panneaux photovoltaïques sont les plus nombreux, c'est l'Allemagne ! Leur surface est 17 fois plus importante que celle installée en France. Notre marge de progression est donc considérable.
La relation avec les acteurs locaux est réellement l'ADN de la CNR. Pour mener à bien nos projets de production d'électricité, nous devons travailler en complète coopération avec eux ! Le modèle de la CNR implique une redistribution de la richesse produite en collaboration avec les acteurs locaux. Nous y tenons fortement et nous continuerons à le développer partout où nous le pourrons.
La CNR n'est pas vraiment concernée par l'énergie nucléaire. La position du groupe GDF Suez ayant été maintes fois rappelée par son président, M. Gérard Mestrallet, je vous renvoie à ses déclarations.
Plus généralement – et cela renvoie aux questions posées sur les tarifs de l'ARENH et la loi NOME –, tous les acteurs historiques européens ont vu, les quinze dernières années, leur position passer dans leurs propres pays d'un quasi-monopole à une part de marché d'au plus 60 %. Cette évolution s'est produite notamment en Belgique, où GDF Suez, alors opérateur historique, produisait presque 100 % de l'électricité. Le seul pays qui ait échappé à cette évolution est la France : EDF y fournit encore 90 % de la production électrique. C'est dans cet environnement que les autres, dont GDF Suez, doivent trouver leur place. Cette difficulté à laquelle nous sommes confrontés donne tout son sens à l'ouverture du marché de l'électricité.
Enfin, GDF Suez est le premier producteur de biomasse en Europe, bien loin devant EDF.
À ce propos, un point sémantique doit être abordé. La CNR, je vous l'ai dit, est un producteur d'électricité totalement renouvelable – pure green, comme nous disons dans notre jargon. Or, dans l'acception courante qui en est donnée, la biomasse ne relève pas de cette définition. Cette source énergétique effectivement issue du renouvelable s'associe dans une chaudière à un carburant fossile pour produire de l'électricité. C'est pour cette raison qu'à la CNR nous considérons que la biomasse ne fait pas partie de notre terrain d'expérimentation. C'est dans le pure green que nous souhaitons développer nos investissements.
Cette stratégie de la CNR n'est évidemment pas contradictoire avec les ambitions du groupe GDF Suez pour développer la biomasse sur ses terrains de compétence, en France et ailleurs. Simplement, ces ambitions ne passent pas par la CNR.