Ce débat n'est pas clivant, ce n'est pas une question de droite ou de gauche. Quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, nous cherchons tous à faire baisser les prix pour les consommateurs en même temps qu'à sauvegarder nos emplois industriels. Il nous faut donc trouver où placer le curseur.
Je tiens à rappeler – car on a trop tendance à l'oublier – que le Gouvernement a fait beaucoup pendant la crise pour soutenir la filière automobile. Le plan de soutien a été particulièrement important et réussi, et nous devons veiller à ce que rien ne vienne déstabiliser cette filière quelques mois plus tard. Avec les députés de la majorité qui s'intéressent aux questions industrielles, au sein du groupe d'études présidé par Bernard Carayon, j'ai beaucoup travaillé sur le sujet. Permettez-moi donc d'apporter quelques informations complémentaires pour que chacun évalue bien les enjeux.
En ce qui concerne l'innovation, conformément au droit de la propriété intellectuelle, les pièces détachées concernées sont le fruit de processus d'innovation permanents. L'innovation est constatée par l'INPI et fait donc l'objet d'une protection temporaire. J'ajoute que, in fine, il ne s'agit que d'un petit nombre des pièces composant les automobiles, puisque tout ce qui est fabriqué chez les sous-traitants ne bénéficie plus de cette protection. En raison de l'incertitude qui entoure le lancement d'un véhicule, l'innovation constitue, quasiment pour chaque pièce concernée, une véritable prise de risques industriels. Dans l'automobile, l'innovation est la clef de tout. La protection concerne essentiellement des pièces de carrosserie. Or ce qui, aujourd'hui, décide du sort commercial d'une voiture, c'est le style des pièces détachées, la silhouette du véhicule, l'aspect esthétique jouant beaucoup plus qu'auparavant dans les motivations des acheteurs. Si la France décidait d'abroger ce régime de protection juridique, elle supprimerait un principe fondamental de sa politique industrielle : la protection des fruits de la création et de l'innovation.
Pour ce qui est de la compétitivité de la France, je rappelle que 71 % des pièces des véhicules fabriqués par nos constructeurs nationaux sont produites en France. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir cité Vesoul, où cette production représente 4 000 salariés dans une petite agglomération de 30 000 habitants. Rendez-vous compte, mes chers collègues : 4 000 salariés pour 30 000 personnes… Chaque jour, des pièces détachées ou de rechange partent de Vesoul pour le monde entier. C'est vraiment un savoir-faire français aussi bien en termes de pièces détachées que de logistique industrielle. J'appelle votre attention sur le fait que, si on ne les fabrique plus en France, on ne les y stockera plus : du coup, ce ne sont pas seulement les emplois de fabrication qui seront menacés, mais tous ceux liés à la logistique, à la manutention, au stockage. J'ajoute que les autres pièces – celles qui ne sont pas protégées, soit 30 % environ – sont, comme par hasard, fabriquées pour la plupart en Chine ou à Taïwan.
Le secrétaire d'État a déjà parlé de l'Allemagne, et je n'y reviens donc pas. Le rapporteur a évoqué les travaux de la Commission européenne, saisie du sujet depuis 2004, mais dont nous n'avons pas encore les conclusions : il serait donc vraiment hasardeux d'aller trop vite. Je rappelle également les engagements de modération des prix qui ont été pris par les constructeurs.
Et puis il y a un fait qui relève du vécu quotidien, mais que l'on ne prévoit pas quand on veut changer une telle réglementation : s'il y a libéralisation totale du droit à reproduire des pièces dont la propriété intellectuelle est jusqu'ici garantie pour les constructeurs pendant un délai d'au moins dix ans, que vont faire ceux qui pourront dorénavant les fabriquer en low cost ? Ils ne fabriqueront que les pièces les plus vendues,…