Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe socialiste, radical et citoyen attendait ce projet de loi depuis plus de trois ans. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il aura donc fallu le scandale du Mediator pour que le Gouvernement daigne enfin se pencher sur nos propositions. L'examen de ce texte a été, il faut bien le reconnaître, l'occasion d'échanges que chaque groupe voulait constructifs dans sa volonté d'atteindre l'objectif du « plus jamais ça ».
Parmi les aspects positifs de ce projet, nous retiendrons les avancées concernant la déclaration des liens d'intérêts, dorénavant rendus publics, avec notamment plus de transparence et des sanctions. Néanmoins, nous nous interrogeons toujours sur les modalités de mise en place du contrôle de ces déclarations pour arriver aux sanctions prévues en cas de manquement. Nous retiendrons également l'instauration des essais contre comparateurs et non plus seulement contre placebos, élément essentiel pour la vie d'un médicament dans notre pays puisque cela conditionne le remboursement ou non, le taux de remboursement, le niveau de prix et la stratégie thérapeutique. Nous resterons malgré tout vigilants pour que cette mesure ne soit pas sacrifiée sur l'autel de la législation européenne, qui prévoit, nous semble-t-il, le droit de subsidiarité des États dans le domaine de la santé.
S'agissant de la future Agence nationale de sécurité du médicament, nous sommes satisfaits que les représentants de l'industrie pharmaceutique soient exclus de son conseil d'administration.
La mise en place d'une base médicament, administrative et scientifique, accessible aux professionnels comme aux patients, nous semble également être une avancée réelle vers une meilleure information.
Dernier point positif sur lequel nous souhaitons revenir : la réévaluation quinquennale systématique de tous les médicaments mis sur le marché.
Malheureusement, ce texte comporte des points négatifs, des points qui contribueront très certainement à ne pas assurer une sécurité maximale aux patients.
Tout d'abord, concernant le Sunshine Act, c'est-à-dire la déclaration des liens d'intérêts au premier euro comme vous vous y étiez engagé, monsieur le ministre, une telle disposition ne figure pas dans le texte. Or je vous rappelle que c'est la somme des petits cadeaux qui peut aboutir aux grosses prescriptions.
Le financement de l'Agence nationale de sécurité du médicament reste, à quelques jours de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, totalement flou, ce qui est inquiétant car nous savons que seul un financement public permet une réelle indépendance – dans une République irréprochable bien sûr.
Si nous sommes tous d'accord pour éviter la suppression de 17 000 postes de visiteurs médicaux car on ne peut pas en faire les boucs émissaires de ce scandale, notre groupe est extrêmement dubitatif quant à la mise en place de la visite médicale collégiale en milieu hospitalier, censée être proposée à la médecine de ville à la fin de l'expérimentation. Monsieur le ministre, vous nous avez même répondu que vous ne saviez pas comment l'appliquer en médecine ambulatoire. Il eût été plus pertinent de réviser leur coeur de métier, qui devrait être plus tourné vers la qualité de l'information que vers la quantité de boites prescrites.
Comment assurer l'indépendance de nos futurs médecins quand la loi sur l'autonomie des universités renforce le lien entre les firmes pharmaceutiques et les étudiants ? L'exemple de la faculté de Clermont-Ferrand aurait pourtant dû vous convaincre, monsieur Bertrand ! Comment sortir de cette impasse dans le domaine de la santé ?
Même si le scandale du Mediator a été le déclencheur, n'oublions pas les nombreuses victimes d'autres médicaments qui, en l'absence d'actions de groupe, attendent d'être reconnues et indemnisées.
Enfin, nous pourrions évoquer les campagnes de vaccination laissées à l'initiative des firmes pharmaceutiques. Encore un désengagement de l'État concernant un pan entier de notre santé publique.
Avec quelques avancées mais de grosses lacunes et des interrogations restées en suspens, à la question : « Peut-il y avoir un autre scandale ? », la réponse est : « Il y a un risque. » Du fait du changement de majorité au Sénat, qui nous va bien (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), le groupe socialiste, radical et citoyen s'abstiendra donc afin de donner au texte une nouvelle chance d'amélioration au sein de la Haute assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)