Monsieur Carayon, vous savez que les gendarmes ont un statut militaire et vivent en caserne, même si leur vie, comme celle de leurs familles, y est plus agréable que par le passé. Le fait, qui n'est pas sans conséquences sur leur disponibilité, doit être pris en compte dans l'organisation des services. Dès 2002, pour encaisser le choc des 35 heures, qui ont supprimé 8 000 emplois, nous avons obligé certains services à racheter les RTT, et nous en avons encouragé d'autres à le faire. Pour que près de 5 000 fonctionnaires de police et de gendarmerie se trouvent sur le territoire pendant ce trimestre, je propose aux fonctionnaires de police et de gendarmerie d'effectuer des heures supplémentaires. Le dispositif intéresse davantage les premiers que les seconds, peut-être en raison de l'organisation différente de leur travail. Par ailleurs, nous poursuivons de façon structurelle la lutte contre les tâches indues, comme la rédaction de multiples rapports administratifs. Les policiers se concentrent ainsi sur leur coeur de métier, ce qui leur permet d'effectuer des tâches prioritaires.
Vous demandez quels sont les éléments qui ont poussé la Cour des comptes à juger notre bilan « contrasté ». À mon sens, les résultats sont extrêmement positifs. Comment parler d'échec, comme Mme Batho, puisque la délinquance recule et que le taux d'élucidation augmente ? Je ne vois aucune objection à mettre à la disposition de la Commission les rapports d'inspection générale, dès lors qu'ils ne sont pas à caractère disciplinaire et qu'ils portent sur l'organisation des services. Ils sont d'autant plus intéressants qu'ils sont indépendants, comme en témoigne l'analyse sans appel du bilan de la police de proximité, rédigée sous un gouvernement socialiste.
Madame Batho, vous avez présenté la Cour des comptes comme une juridiction, mais ce n'est pas à ce titre qu'elle intervient dans ce débat. C'est pourquoi je me permets de formuler certaines observations. En outre, si respectable qu'elle soit, et bien qu'elle prévoie des procédures contradictoires et des délibérés, elle n'en est pas moins faillible, comme le montrent certaines erreurs de fait ou d'analyse qui figurent dans le rapport. D'ailleurs, même quand elle est dans son rôle juridictionnel, ses décisions peuvent faire l'objet d'un appel devant le Conseil d'État.
En matière de lutte contre l'insécurité, nos priorités, qui peuvent se modifier avec le temps, portent avant tout sur la réduction des faits les plus graves, comme les homicides, qui ont pratiquement diminué de moitié en quelques années. Elles dépendent également de l'actualité. En ce moment, je suis préoccupé par l'augmentation des cambriolages des lieux d'habitation, signalée il y a quelques jours dans Le Monde. Nous allons dédier des moyens spécifiques pour enrayer cette forme de délinquance. Peut-être m'accusera-t-on encore de stigmatiser une population, mais, pour traiter un sujet, il faut savoir de quoi on parle : cette délinquance est en grande partie imputable à des ressortissants de l'Europe de l'Est. Récemment, ont été interpellés en Alsace vingt-trois cambrioleurs appartenant à un vaste réseau agissant en France comme en Allemagne. Ils venaient de différents pays d'Europe de l'Est, qui se trouvent pour la plupart dans la Communauté européenne, ce qui permet à leurs citoyens de circuler librement. Au sein du Conseil « Justice et affaires intérieures », je proposerai une coopération étroite entre les États pour éviter que de telles pratiques ne se développent.
Mme Batho comme M. Brard ont plaidé pour le principe d'égalité entre villes. On peut toujours se livrer à des calculs pour dénoncer les écarts par rapport à la moyenne, mais chaque ville a sa particularité comme son histoire. En outre, si le rapport de la Cour des comptes signale que certaines petites communes bénéficient d'un taux d'encadrement policier supérieur à celui de villes importantes, il ne propose pas de le réduire. Un commissariat obéit à une logique de fonctionnement, qui suppose des services de structure et un personnel dédié à l'accueil ou à la radio. De plus, les charges varient selon les villes. Certaines ont un tribunal. Le statut de capitale impose à Paris des contraintes importantes. Le calcul de la dotation des villes doit prendre en compte, outre les effectifs de circonscription, les services généraux, les services spécialisés et les unités départementales qui peuvent intervenir ponctuellement. Le problème est donc plus complexe qu'on ne le dit généralement.
La nouvelle mission de la justice sur les transfèrements n'en est encore qu'au stade de l'expérimentation, puisqu'elle n'est à l'oeuvre que depuis quelques semaines. Compte tenu des transferts d'effectifs, police et gendarmerie ont dû immédiatement prêter main forte à la justice, qui peinait à s'acquitter de sa mission, en partie pour des raisons structurelles. En effet, elle a créé des services spécialisés, alors que ceux de la police et de la gendarmerie, à vocation généraliste, peuvent s'acquitter de plusieurs tâches.
En m'interrogeant sur l'impact des effectifs sur l'efficacité des forces, peut-être cherche-t-on à me mettre en contradiction avec les déclarations des deux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie. Je considère, ce dont la presse s'est fait l'écho, qu'après 2012 il sera difficile de réduire encore les effectifs, à moins d'entreprendre des réformes de structure considérables. Pour l'heure, l'efficacité n'a pas été entamée, la délinquance continue de diminuer et le taux d'élucidation progresse. Au dire même de la Cour des comptes, la présence des forces sur la voie publique est en augmentation.
M. Brard a eu raison de souligner la qualité des rapports que la police de proximité avait noués avec les citoyens mais, dans mon esprit, le premier objectif d'une politique de sécurité est de faire reculer la criminalité.