Je me réjouis, monsieur le président, de voir la représentation nationale manifester un tel intérêt pour la noble mission qu'est l'amélioration de la sécurité des Français, et vous remercie d'avoir accepté de reporter d'une semaine cette audition.
Je regrette cependant que la Cour ait limité son analyse à la période 2002-2009, au risque de faire une lecture politique des efforts accomplis en matière de réorganisation, risque auquel elle a malheureusement succombé, comme chacun a pu le constater. Il me semble que cette étude aurait gagné à porter sur un temps un peu plus long, d'autant que le rapport ne consacre en réalité qu'une place très modeste au bilan de la LOPSI.
Analyser l'état des lieux en 2002 aurait pourtant permis de révéler l'importante rupture qui s'est opérée à cette date : la délinquance, qui avait augmenté de 17 % entre 1997 et 2002, a baissé de 17 % entre 2002 et 2010, alors que la population française s'accroissait de plus de 3 millions.
Le chapitre consacré au pilotage des forces de sécurité de l'État appelle quelques remarques de ma part. Certes, les imperfections de l'état 4001 ne sont pas contestables : c'est d'ailleurs ce qui a motivé la mise en place de nouveaux outils d'analyse, conformément aux préconisations du rapport parlementaire Caresche-Pandraud, issu des travaux conjoints de la majorité et de l'opposition. L'évolution de la délinquance est désormais analysée au travers de quatre agrégats plus homogènes, puisque l'agrégat de délinquance générale, qui totalise les 107 rubriques de l'état 4001, couvre sans doute un champ trop large. En outre, c'est désormais un observatoire indépendant qui établit les statistiques en matière de sécurité.
Si tout peut toujours être amélioré, je rappelle que l'outil statistique de mesure de l'activité des services et la méthode d'enregistrement sont identiques depuis 1972. Cet indicateur, qui suscite peu de critiques, constitue un outil de mesure fiable auquel les enquêtes de victimation ne sauraient se substituer. En tout état de cause, l'Observatoire national de la délinquance va bientôt livrer les résultats de sa dernière enquête de victimation.
Il faut rappeler par ailleurs que le taux d'élucidation des affaires criminelles et délictuelles est passé de 26 % en 2002 à plus de 37 % en 2009, soit une augmentation de 40 % en dix ans. Autre élément permettant de qualifier le pilotage des services et de mesurer la motivation de la police nationale : le nombre des infractions révélées par l'activité des services a augmenté de près de 50 %.
En d'autres termes, vouloir limiter la baisse globale de la délinquance à « l'amélioration par les constructeurs automobiles des dispositifs techniques de protection contre les vols et les effractions » est un raccourci d'autant plus excessif qu'il n'est assorti d'aucun élément de démonstration. En tout état de cause, une politique de sécurité est une politique globale : au sein du ministère, je me suis toujours efforcé de favoriser l'amélioration des dispositifs antivol des véhicules et l'équipement des logements en systèmes anti-effraction parce que ces dispositifs concourent à la sécurité générale.
Dans un chapitre intitulé « Le défi de la baisse des moyens », la Cour critique l'évolution des effectifs des forces de sécurité. Ma réponse sera très claire : le 31 décembre 2001, les effectifs étaient de 239 898 agents ; à la fin de l'année 2010, on comptait 241 647 policiers et gendarmes, soit une augmentation de 1 749 agents. En 2011, compte tenu des recrutements de gendarmes adjoints volontaires et d'adjoints de sécurité autorisés par le Premier ministre, l'augmentation restera d'environ 1 700 agents. Parallèlement, le recours aux réservistes de la police et de la gendarmerie a également crû pour atteindre un potentiel opérationnel supplémentaire de 2 200 emplois. La participation des forces de sécurité au rétablissement des finances publiques n'a donc pas effacé les efforts antérieurs. C'est d'autant moins le cas que le Gouvernement a eu le souci d'optimiser l'utilisation de ces effectifs.
Ainsi, la réforme des forces mobiles découle de l'analyse que, la France étant désormais une démocratie pacifiée, on pouvait affecter moins d'effectifs au maintien de l'ordre et davantage à la sécurité quotidienne. En conséquence, les effectifs des compagnies républicaines de sécurité ont été réduits et une quinzaine d'escadrons de gendarmerie mobile seront fermés à terme, ce qui permettra de réaffecter environ 1 500 gendarmes à la gendarmerie départementale.
Le Gouvernement a eu, en outre, la volonté de recentrer les forces de sécurité sur leur coeur de métier. Cette action de longue haleine se poursuit. La prise en charge progressive, région par région, par le ministère de la Justice et par l'administration pénitentiaire, des transfèrements judiciaires des détenus, laquelle se traduit d'ailleurs par des suppressions d'emplois au ministère de l'Intérieur, en est un exemple.
La réforme de la police d'agglomération, entamée à Paris depuis plusieurs années, et qui est en train de se mettre en place dans les agglomérations de Lille, Lyon, Marseille et Bordeaux, participe de cette même logique d'optimisation des moyens disponibles. Depuis cette réforme, par exemple, ce sont les moyens de la préfecture de police qui sont mobilisés pour assurer la sécurité des manifestations, sportives ou autres, qui ont lieu au Stade de France, alors qu'auparavant le département de la Seine-Saint-Denis devait se « saigner » de 300 fonctionnaires de police pour assurer cette tâche, au détriment de missions pourtant prioritaires de sécurité quotidienne. Nous ne sommes pas voués à avoir des effectifs immuables.
J'en viens aux difficultés de la gestion des ressources humaines relevées par la Cour.
Il est pour le moins excessif de parler, sans autre considération, d'« une toujours faible présence sur la voie publique », pour reprendre l'intitulé d'un chapitre du rapport, d'autant que la Cour elle-même relève que cette celle-ci s'est accrue de 10 % en quatre ans. Cette progression s'est poursuivie au cours du premier semestre de 2011.
Par ailleurs, on ne peut pas, comme le fait la Cour, indiquer un taux d'occupation de la voie publique à un instant déterminé, sans le rapporter aux modalités du métier de police. Comme vous le savez, l'exercice de ce métier est permanent : la police travaille de jour comme de nuit, tout au long de l'année, jours fériés compris. En outre, il faut 7 policiers pour tenir un poste. En tenant compte de ces éléments, on peut dire que de 35 à 40 % des policiers se consacrent à la voie publique, sachant qu'ils assurent bien d'autres missions, notamment judiciaires.
La priorité accordée depuis plusieurs années par le ministère à la présence sur la voie publique a largement contribué à faire baisser les chiffres de la délinquance. Si je continue dans cette voie, c'est parce que je suis convaincu qu'en matière de sécurité publique, après l'impératif de faire reculer la délinquance – depuis 2002, chaque année voit celle-ci refluer, et nous travaillons à ce qu'il en soit encore ainsi en 2011 – ; il y a celui de rassurer nos concitoyens par une présence policière.
C'est tout le sens de la création, au mois de juillet, des « patrouilleurs de la police nationale ». Je veux d'emblée prévenir toute confusion avec la police de proximité, en dépit de leur présence commune sur la voie publique. Les missions sont tout à fait différentes. Agissant au sein d'un groupe de deux, voire de trois fonctionnaires, le patrouilleur de la police nationale est avant tout un policier en uniforme qui, s'il assume une fonction préventive et dissuasive, garde une fonction répressive, d'autant que la présence sur la voie publique multiplie les occasions de constatations de flagrance. Je présenterai en octobre un premier bilan du dispositif, mais les premiers résultats dont je dispose sont d'ores et déjà encourageants. Les éléments recueillis pour le mois de juillet font apparaître une augmentation de 5 % du nombre global de patrouilles et de 50 % du nombre de patrouilles pédestres. Ils montrent par ailleurs l'incidence de ce dispositif sur certains types de délinquance, notamment la délinquance la plus quotidienne, et notamment les incivilités : réduction du nombre des algarades, des graffitis, etc.
Le rapport préconise ensuite de réformer l'organisation des services, oubliant les initiatives majeures de ces dernières années en la matière, qui auraient pu être davantage mises en lumière. Ainsi, tirant la conséquence de la prépondérance des missions de sécurité générale de la gendarmerie au regard de ses missions militaires – soit 5 % de ses activités globales –, le Gouvernement a, dès 2002, décidé son rattachement fonctionnel au ministère de l'Intérieur. Le rattachement organique, consacré par la loi du 3 août 2009, a ouvert la deuxième phase de ce mouvement. Cette réforme a donné de très bons résultats, en raison de complémentarités évidentes, et c'est avec plaisir que j'ai pris connaissance des conclusions très positives du rapport parlementaire de Mme Escoffier et de M. Moyne-Bressand.
Je pourrais également citer la création des communautés de brigades pour la gendarmerie nationale, dispositif bien connu des élus que vous êtes.
Cet après-midi encore, en réponse à une question d'actualité, je soulignais l'importance du rôle joué par les polices municipales. Je tiens cependant à rappeler que leur création et leur organisation relèvent de la compétence des maires. Je conteste l'interprétation des rapporteurs, selon laquelle la création de ces polices traduirait un recul des missions assurées par la police d'État en matière de surveillance générale de l'espace public : les initiatives locales viennent compléter l'action de la police et de la gendarmerie nationales, elles ne s'y substituent pas. Un décret actuellement en cours d'élaboration, qui devra être soumis à l'examen du Conseil d'État, après avis de la Commission nationale consultative sur la police municipale, doit d'ailleurs réorganiser les conventions de coopération liant les maires au représentant de l'État afin d'harmoniser les interventions des uns et des autres.
Je comprends mal, par ailleurs, que les rapporteurs de la Cour mettent en doute l'efficacité des dispositifs de vidéosurveillance. Il suffit de visiter un centre de vidéoprotection pour mesurer l'apport de ce dispositif à la sécurité générale, que ce soit à titre préventif ou au stade de l'enquête judiciaire. Tous les policiers sont convaincus de la grande utilité de tels équipements. Je me souviens qu'il y a quelques semaines, les auteurs d'une agression qui avait eu lieu dans une gare un samedi étaient tous arrêtés le lundi suivant grâce à un tel dispositif. C'est pourquoi je suis décidé à poursuivre la politique du ministère d'aide à l'équipement partout sur le territoire, en mobilisant à cette fin le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), conformément au souhait des élus.