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Intervention de François Baroin

Réunion du 28 septembre 2011 à 12h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Le projet de loi de finances pour 2012 s'inscrit dans une actualité économique particulièrement dense, mais, face à ces turbulences, il incarne la continuité de l'action du Gouvernement après les mesures prises en 2010 et en 2011 pour lutter contre les déficits et soutenir la croissance.

L'année précédente, alors que je présentais ici même le projet de budget pour 2011, nombreux étaient ceux qui doutaient de la capacité du Gouvernement à opérer un virage aussi radical dans la maîtrise des déficits publics. Et pourtant : nous avons plafonné les niches fiscales et sociales – comme nous nous y étions engagés – à un niveau jamais atteint, et mis en oeuvre de nouvelles règles pluriannuelles de maîtrise des finances publiques avec la loi de programmation des finances publiques – plafonds de dépenses, plancher de recettes, interdiction d'endettement des opérateurs – ; et le gouvernement de François Fillon a conduit une réforme de structure essentielle à la sauvegarde et à la consolidation de nos régimes sociaux : la réforme des retraites.

Alors que nous avions fixé l'objectif de déficit en 2010 à 7,7 % du PIB, le déficit réalisé a été de 7,1 %. Cette performance nous a permis d'abaisser notre cible pour 2011 à 5,7 %. Enfin, nous avons tiré toutes les conséquences de la révision de nos perspectives de croissance à la baisse – 1,75 % pour 2011 – : la loi de finances rectificative que vous avez adoptée comprend 1 milliard d'euros de mesures correctives. Nous maintenons ainsi nos objectifs intangibles de réduction du déficit public à 4,5 % en 2012 et à 3 % en 2013 ; et irons jusqu'à 2 % en 2014 et 1 % en 2015.

Le respect de la parole donnée est un élément de confiance indispensable vis-à-vis des Français, de nos partenaires européens et des investisseurs. Ce projet de loi de finances s'inscrit donc dans la continuité des précédents : il allie réduction des déficits, maîtrise des dépenses et soutien à l'activité.

C'est également un projet de budget adapté aux circonstances économiques et aux incertitudes du contexte international.

L'activité mondiale reste convalescente. Après une phase de croissance soutenue à la fin de 2010 et au début de 2011, le reste de l'année 2011 a connu une série de nouvelles macroéconomiques en deçà des attentes. Au Japon, la terrible catastrophe de mars a eu de graves répercussions. Le prix du pétrole en dollars a augmenté d'environ 35 % au premier semestre 2011, en raison notamment du « printemps arabe ». La croissance a ralenti ces derniers mois aux États-Unis. Les difficultés qui ont entouré le vote du relèvement du plafond de la dette par le Congrès ont alimenté l'attentisme des marchés financiers et la dégradation de la note du pays par une agence a été ressentie comme un électrochoc sur toute la planète. Les tensions sur les dettes souveraines, que ce soit aux États-Unis ou dans la zone euro, dont l'atténuation conditionne le rebond de la croissance mondiale, ont fortement perturbé les marchés boursiers tout au long de l'été. Enfin, comme la France, l'Allemagne subit les aléas de la conjoncture et a connu un ralentissement marqué au deuxième trimestre.

Partout dans le monde, cependant, un rééquilibrage est à l'oeuvre qui sera un soutien à l'activité. Les États se désendettent progressivement mais ce mouvement prendra du temps. Les États-Unis ont fait adopter un plan ambitieux, conforme aux fondamentaux de leur économie, et leur croissance est estimée à 2 % en 2012. Les économies des pays émergents devraient rester dynamiques l'année prochaine et le plan de reconstruction au Japon devrait tirer la croissance vers le haut – la reconstruction est même en avance par rapport aux prévisions. Enfin, les prix des matières premières se sont stabilisés depuis le début du mois et la situation en Libye est de nature à permettre une reprise de ses exportations de pétrole.

Dans la zone euro, les efforts budgétaires de l'Italie, de l'Espagne et du Portugal sont tangibles, durables, et porteront leurs fruits à moyen terme. L'Irlande connaît une nette amélioration de sa situation et a pris de l'avance dans le calendrier de ses engagements vis-à-vis de ses créanciers. L'Espagne, quant à elle, s'est dotée d'une règle d'or constitutionnelle.

La France dispose de tous les atouts pour renouer avec la dynamique de croissance car ses fondamentaux sont solides. La demande intérieure est demeurée robuste durant l'été, comme en témoignent les chiffres de la production industrielle – + 1,5 % en juillet – et les immatriculations de véhicules neufs – + 2 % en août –. Les ménages français sont peu endettés et leur niveau d'épargne est encore supérieur à celui qui prévalait avant 2008 ; l'inflation plus modérée en 2012, conjuguée à la progression des salaires, permettra l'augmentation de leur pouvoir d'achat.

Par ailleurs, les importantes réformes structurelles entreprises par le Gouvernement depuis 2007 améliorent progressivement la croissance potentielle de notre économie. Les premiers résultats sont au rendez-vous et les indicateurs macroéconomiques restent bien orientés malgré la période d'incertitudes et de turbulences que nous traversons : nos taux d'intérêt demeurent stables, à un niveau historiquement bas, ce qui témoigne de notre cote de confiance auprès des investisseurs ; l'investissement des entreprises est en hausse continue depuis le quatrième trimestre 2009 et cette tendance devrait se poursuivre en 2012 ; l'investissement des ménages est en accélération progressive depuis le début de cette année, les mesures prises par le Gouvernement étant de nature à les rassurer sur le maintien de leur pouvoir d'achat ; enfin, 220 000 emplois salariés ont été créés entre juin 2010 et juin 2011 – par comparaison, entre juin 2009 et juin 2010, seules 20 000 créations nettes avaient été comptabilisées.

Le FMI prévoit pour 2012 un taux de croissance plus soutenu en France qu'en Allemagne, et supérieur à la moyenne de la zone euro. C'est une bonne nouvelle, qui n'est pas le fait du hasard mais une preuve de la solidité des fondamentaux économiques de notre pays. Toutes ces raisons nous font maintenir, en dépit des doutes que certains ne manqueront pas d'émettre, une prévision de croissance à 1,75 % pour 2012.

Le vrai problème, aujourd'hui, c'est l'endettement excessif de certains pays, comme le montre la situation grecque. La gouvernance de la zone euro doit être adaptée en conséquence.

Face aux turbulences financières, les États agissent. En 2008-2009, sous l'impulsion du Président de la République, le G20 est parvenu à stopper l'effondrement des marchés. La coordination internationale a permis de restaurer la confiance et de ramener la croissance. Aujourd'hui, la problématique a changé, mais la même méthode s'impose. Les pays du G20, sous présidence française, et la zone euro travaillent ensemble à une solution coordonnée. La stabilité financière de la zone euro est notre bien commun et nous sommes déterminés à la préserver, tout comme nous sommes déterminés à soutenir la Grèce.

Nous avons pris des mesures essentielles pour assurer la soutenabilité des finances publiques et mettre en oeuvre les décisions prises le 21 juillet 2011 pour accroître la capacité d'action du Fonds européen de stabilité financière, le FESF. Cette instance, rendue plus flexible, pourra intervenir sur les marchés secondaires de la dette, mener des actions d'anticipation et de précaution, et, en tant que de besoin, répondre aux établissements bancaires qui solliciteraient une recapitalisation. La mise en oeuvre de l'accord suppose sa ratification par les Parlements de chacun des dix-sept pays de la zone euro. L'Allemagne débute demain son examen et la séquence se terminera par la Slovaquie le 14 octobre. Tous les moyens d'actions seront donc opérationnels à la mi-octobre.

Les pays du G20, dont j'ai présidé la réunion des ministres des finances jeudi dernier à Washington, manifestent leur unité d'action et leur volonté d'apporter une réponse forte et globale. En interne, les efforts de consolidation budgétaire seront proportionnés à la situation de chaque pays et aux caractéristiques de son économie dans le souci de soutenir l'activité. La réponse collective repose sur l'addition des réponses individuelles. La consolidation budgétaire est indispensable et c'est une curieuse idée de vouloir régler le problème des déficits par une politique de relance qui ne ferait que les aggraver !

Dans le même temps, le G20 s'est engagé à prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la stabilité des systèmes bancaires et des marchés financiers. Les banques centrales continueront à fournir les liquidités nécessaires. Le collatéral mobilisable au niveau de l'Eurosystème est de 5 000 milliards d'euros. Les banques centrales ont décidé de garantir l'accès à la liquidité en dollars quelques jours après le G7 de Marseille. Elles agissent donc en coordination.

Les banques disposent donc d'un capital adéquat et ont un accès suffisant aux financements pour faire face aux risques actuels. Les banques françaises ont déjà considérablement augmenté leurs fonds propres : plus de 50 milliards d'euros en deux ans. La situation actuelle les oblige à accélérer le calendrier de Bâle III dans lequel elles étaient déjà engagées. L'État sera particulièrement attentif à ce qu'elles atteignent leurs objectifs de renforcement des fonds propres sans resserrer le crédit à l'économie domestique.

Je rappelle également que toutes les banques françaises ont passé avec succès les tests de résistance de cet été. Plus exigeants que les précédents, ils reposaient sur des hypothèses de risque extrêmes, notamment une chute de 4 % du PIB européen et un effondrement du marché immobilier de plus de 20 % – plus grave encore que ce qui s'est produit dernièrement aux États-Unis. Je le répète, les banques ne rencontrent ni problèmes de liquidités, du fait de l'initiative des banques centrales, ni problèmes de solvabilité, du fait de leurs plans de renforcement des fonds propres.

Malgré les difficultés de la zone euro, il serait irresponsable de revenir sur les acquis de la construction européenne. Mais il existe à l'évidence un problème de gouvernance. La France et l'Allemagne travaillent actuellement à la renforcer en vue d'instaurer une capacité de décision rapide et efficace, et d'intégrer davantage la politique budgétaire de la zone euro. Le pacte de stabilité, conforté par le paquet législatif voté ce matin même par le Parlement européen, contribuera également à renforcer la surveillance et à dissiper, à terme, les menaces qu'un endettement insuffisamment maîtrisé, faute de coordination et de convergence budgétaire, fait peser sur nos pays.

Dans ce contexte, il nous a paru indispensable de proposer, dans la continuité de 2011, un projet de loi de finances pour 2012 équitable, qui allie réduction des déficits et soutien à l'activité.

Ce projet repose sur trois principes.

Premier principe : privilégier la baisse des dépenses et la réduction des niches fiscales par rapport à une hausse générale des impôts. Il n'y a pas eu de hausse générale des impôts au cours des années précédentes, il n'y en aura pas non plus en 2012. Nous avons aussi gelé les dépenses de l'État en valeur, gelé les transferts aux collectivités locales, gelé le point d'indice de fonction publique. Le projet de loi de finances poursuit le rabotage des niches fiscales. Il le fait à la fois de manière transversale – avec un nouveau « coup de rabot » – et ciblée. Surtout, il poursuit la déclinaison méthodique et déterminée de la loi de programmation des finances publiques, avec des objectifs adaptés à l'évolution de la croissance.

Deuxième principe : protéger les plus fragiles de nos concitoyens par un budget d'équité. Les mesures fiscales pèseront davantage sur les grandes entreprises que sur les PME, et davantage sur les ménages les plus aisés que sur les classes moyennes. À 80 %, les efforts seront portés soit par les grandes entreprises, soit par les foyers les plus aisés avec la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Cette contribution vient s'ajouter aux réformes structurelles et aux mesures adoptées dans le cadre des lois de finances précédentes : augmentation de la taxation des stock options, des retraites chapeau, des parachutes dorés, des bonus des traders, majoration du taux de la tranche marginale de l'impôt sur le revenu dans le cadre de la réforme des retraites, taxation des successions et donations, suppression du bouclier fiscal. Bref, ce budget est équitable et il faudra avoir beaucoup d'aplomb pour soutenir le contraire !

Troisième principe : préserver l'emploi et la compétitivité de nos entreprises. Nous ne touchons pas au crédit d'impôt recherche. L'innovation, la recherche, ce sont les emplois de demain. C'est la raison pour laquelle nous maintenons les dispositifs qui soutiennent les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

À travers ce projet de loi de finances pour 2012, le Gouvernement poursuit son effort de sincérité et de responsabilité.

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