Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Charles Mercier-Guyon

Réunion du 1er septembre 2011 à 17h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Charles Mercier-Guyon, secrétaire de la commission médicale de la Prévention routière :

Étant membre du Conseil international « Alcool, drogues et sécurité routière » et expert auprès de la Commission européenne, j'ai beaucoup voyagé et j'ai participé à des discussions de ce type dans une quinzaine de pays. J'aimerais faire en sorte que l'on profite des expériences des autres et que l'on ne réinvente pas la roue en permanence. Aussi rappelerai-je quelques grands principes.

On oppose souvent en France l'éducation et la répression, alors que les autres pays ont souvent fait la synthèse. Or, une bonne politique de prévention et d'éducation repose d'abord sur des contrôles en bord de route : tous les épidémiologistes s'accordent sur l'existence d'une corrélation entre l'efficacité des politiques de sécurité routière et la probabilité d'être contrôlé sur la route. Depuis quelques années, en France, le nombre des contrôles d'alcoolémie et de vitesse s'est fortement accru, ce qui est un plus par rapport à d'autres pays, comme l'Angleterre, les États-Unis ou le Canada, où, au nom de la protection des droits individuels, les forces de l'ordre n'ont pas le droit de contrôler les conducteurs s'il n'y a pas de signes évidents d'ivresse : autrement dit, on rate la partie immergée de l'iceberg ! Il faut donc que vous souteniez les efforts du ministère de l'intérieur pour développer ces contrôles, en veillant à donner aux forces de l'ordre les moyens matériels et humains nécessaires, et, si la police nationale et la gendarmerie ne suffisent pas pour faire face à cette mission, en accroissant les prérogatives des polices municipales, au moins durant l'été.

Ensuite, il faut assurer un continuum d'éducation de l'enfance jusqu'à l'âge adulte. C'est ce que fait la Prévention routière. On peut discuter de l'instauration d'une « tolérance zéro » pour les jeunes, à condition qu'elle ne soit pas conçue comme une sanction qui aboutirait à annuler leur permis dès la première alcoolémie, à compromettre le début de leur carrière professionnelle et à les inciter à conduire sans permis mais comme une protection.

S'agissant du cannabis, il faut prendre en considération deux aspects. Du point de vue épidémiologique, je suis d'accord avec Bernard Laumon ; j'ai été à l'origine de la création des procédures de dépistage de drogue au volant et nous avons eu, à l'époque, un très violent débat pour savoir s'il fallait empêcher les jeunes de fumer. Aujourd'hui, le problème du cannabis dépasse la sécurité routière : il touche les rapports familiaux, les violences dans les familles, les violences dans la rue, les échecs scolaires ; il s'agit, tout comme l'alcool, d'un facteur de désinsertion sociale. Il faut mettre en oeuvre une politique raisonnable, et prévoir, comme aux Pays-Bas, une intervention systématique dès qu'un problème est identifié ; surtout, un traitement adapté est nécessaire. En Haute-Savoie, les procureurs nous ont demandé de mettre en place un suivi sur six mois des jeunes ayant eu un problème avec le cannabis, avec un dépistage mensuel : après six mois d'abstinence contrôlée, les jeunes récidivent moins souvent. De même, pour l'alcool, on divise par quatre le risque de récidive chez les personnes qui suivent de vrais programmes d'éthylotest anti-démarrage. Partout dans le monde où l'on privilégie le système des sanctions, les noyaux durs ne diminuent pas, en raison de la dépendance à l'alcool.

Il faut donc engager une politique cohérente. Les outils sont disponibles ; à vous, mesdames et messieurs les parlementaires, de définir une stratégie globale, au lieu de prendre des mesures isolées et parfois aberrantes – à ce sujet, je précise qu'en Suède, tous les radars sont signalés par un panneau, mais que ceux-ci ne coûtent que 70 euros pièce, contre 10 000 euros pour nos panneaux pédagogiques… Pour ce faire, il faut voyager et savoir oublier la prétendue spécificité française.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion