Étant administrateur de l'Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT), j'ai eu l'occasion de participer, en 2009, à la réalisation d'une étude sur l'emploi des docteurs. Nous nous sommes demandés si leur proportion était réellement insuffisante en France, et s'il était vrai qu'ils ne se tournent pas assez vers l'entreprise. Dans ces deux domaines, les résultats de la comparaison avec des pays tels que le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Suisse, les États-Unis et le Japon sont assez inattendus.
En premier lieu, les situations sont très différentes selon les pays. En France, les étudiants inscrits en thèse souhaitent devenir, dans 75 % des cas, maître de conférences ou chargé de recherches au CNRS. Or, moins de 25 % des docteurs accèdent à une position académique stable, et près de la moitié doit changer de projet professionnel. Au Brésil, les étudiants inscrits en thèse ont, en revanche, plus de 70 % de chances de trouver un emploi dans une université, car ce pays connaît la situation qui était la nôtre dans les années 1970. Aux États-Unis, la proportion est d'environ 50 % grâce à l'existence d'un extraordinaire système pyramidal, formé de 4 000 entités qu'on peut qualifier d'universités : il est possible de commencer modestement sa carrière dans une petite université de province avant d'être recruté par Penn State, Stanford ou l'université du Wisconsin.
Nous nous sommes également interrogés sur l'avenir professionnel des docteurs qui ne parviennent pas à trouver une position à l'université. Pour répondre à cette question, nous avons comparé le pourcentage des titulaires d'un doctorat dans les états-majors des cent entreprises les plus actives dans le monde en matière de recherche et développement – R&D. Ce taux est de 20 % en France, ce qui est loin d'être mauvais par rapport à la moyenne mondiale – environ 15 % –, même si l'on peut regretter qu'il n'y ait pas suffisamment de groupes français parmi les cent premières entreprises. Deux pays sortent du lot, l'Allemagne et la Suisse, avec des taux respectifs de 56 % et 35 % – l'Allemagne en raison de son industrie chimique, la Suisse en raison de son industrie pharmaceutique. Mais le plus étonnant est que le Royaume-Uni est moins bien classé que la France, et que les États-Unis se trouvent en queue de peloton, avec un taux de 8 %.
Ce résultat s'explique, tout d'abord, par le fait que 50 % des docteurs entrent dans le système académique aux États-Unis ; en outre, plus de la moitié du reste des docteurs fait entièrement carrière dans la R&D au sein du secteur privé : si les grands groupes et les entreprises moyennes tournées vers la technologie les recrutent, ce n'est pas pour qu'ils deviennent des managers, mais des chercheurs professionnels. C'est un phénomène inconnu en France, alors qu'il faudrait embaucher les docteurs pour ce qu'ils savent faire.