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Intervention de Yves Gascoin

Réunion du 5 juillet 2011 à 14h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Yves Gascoin, président de l'association lyonnaise "Les droits du piéton" :

Notre association milite pour le développement de la marche à pied – premier mode de déplacement en ville – et des transports collectifs, son complément naturel. Elle recherche l'évolution de la cité dans un sens pratique et humain. Nous voulons préserver la liberté d'aller et venir à pied, partout dans la ville, dans des conditions sûres, confortables et, si possible, agréables, avec une attention particulière pour les personnes les moins valides.

Notre présence dans une douzaine de grandes villes françaises, nos contacts soutenus avec diverses associations amies, notamment cyclistes, et notre participation active au « code de la rue » nous permettent d'avoir une bonne connaissance du piéton et de son interférence avec l'ensemble des autres usagers de la rue.

Je présenterai rapidement les paramètres de l'accidentologie routière.

Un accident de la route résulte généralement de la concomitance de plusieurs événements, introduisant un enchaînement non maîtrisable. Par exemple, si, dans une intersection de rues, deux véhicules se présentent simultanément – première circonstance – et que le conducteur non prioritaire n'a pas respecté la consigne – deuxième circonstance –, il en résultera une collision. Il y a eu là conjonction de deux éléments.

On distingue habituellement trois constituants de la sécurité routière.

D'abord, l'infrastructure. Elle est d'une façon globale plutôt correcte, même si elle peut présenter des défauts voire des pièges, mais ils sont généralement signalés. Il n'y a donc pas là un grand réservoir de mesures.

Le deuxième constituant – les défaillances des véhicules – représente un réservoir encore plus faible. Si le contrôle technique a été introduit en France, ce n'était pas en effet pour trouver de nouveaux gains en matière de sécurité, mais pour que notre pays ne devienne pas le dépotoir des voitures n'ayant pas réussi ce contrôle dans les pays voisins l'ayant adopté.

Le comportement des usagers, enfin, est identifié depuis longtemps comme le facteur prépondérant. Je parlerai à cet égard de bilan de guerre. En effet, pour prendre l'exemple de la guerre d'Algérie, que j'ai faite, on comptait alors en moyenne 5 000 morts par an, côté français. En 1970, les accidents de la route ont tué jusqu'à 17 000 personnes par an, soit 3,4 fois plus. Le terme « bilan de guerre » n'est donc pas excessif.

Les choses, très progressivement, ont heureusement changé puisque l'on est passé à 4 000 morts. Mais les résultats stagnent depuis quelques années. Or, des gains substantiels sont encore possibles si l'on se réfère aux meilleurs États européens, tels que la Grande-Bretagne.

J'en viens à la cause d'aggravation de tous les accidents : la vitesse.

Les détracteurs des contrôles de vitesse indiquent souvent que ce ne sont pas quelques kmh de plus qui vont provoquer des accidents. Certes, la vitesse excessive n'est pas à l'origine de tous les accidents. Mais la vitesse est directement corrélée à la gravité de l'accident et donc toute variation de vitesse a des effets extrêmement sensibles. Entre 2002 et 2009, les mesures du Plan Chirac ont fait baisser de 10 kmh la vitesse moyenne sur le réseau avec pour effet de diviser par 2 – de 8 000 à 4 000 – le nombre des tués. 10 kmh en moins égale 50 % d'accidents en moins : une variation de 2 ou 3 kmh de la vitesse moyenne a donc un impact important – et non pas négligeable comme on voudrait nous le faire croire parfois – en termes de sécurité

Pourquoi les résultats n'ont-ils pas été aussi bons en agglomération ? Parce que, selon nous, la vitesse réglementaire de 50 kmh reste trop élevée. Les résultats ne pourront être améliorés de façon décisive qu'en l'abaissant, à l'exemple de Chambéry, sur lequel je reviendrai. Nous sommes donc fermement partisans du maintien du cap sur le contrôle des vitesses. Il convient d'expliquer aux conducteurs que, s'agissant de la tolérance de 5 kmh des radars, être pénalisé pour 52 kmh, signifie que l'on roulait en fait à 57 kmh, soit un excès de vitesse bien lisible sur le compteur. On n'est donc pas condamné pour 2 kmh, mais pour 2 kmh plus 5 kmh, soit 7 kmh.

En ville plus particulièrement, nous proposons – en reprenant également là l'exemple de Chambéry – d'étendre les 30 kmh aux grandes zones centrales, seules les radiales ou rocades restant à 50 kmh, et d'accélérer la création de zones de rencontre à 20 kmh introduites au code de la route en 2008.

Autre idée reçue, les radars automatiques seraient des « pompes à fric ». Les détracteurs du contrôle de la vitesse ont en effet réussi à introduire dans l'opinion publique l'idée que les radars sont destinés à renflouer les caisses de l'État en étant installés de façon à piéger les conducteurs. En réalité, avec la division par deux du nombre des morts, les primes d'assurance, en francs constants, ont baissé de plus de 15 % depuis 2002. C'est ainsi que non seulement le montant des amendes infligées par les radars automatiques est faible si on le compare à celui des primes d'assurance obligatoires – 500 millions contre 15 milliards –, mais l'ensemble des conducteurs – y compris ceux qui ont payé les amendes – a bénéficié, en contrepartie, de réductions de primes.

Il convient donc d'expliquer au public, d'une part, qu'il est possible d'échapper à ces prétendus pièges – il suffit d'observer les limitations de vitesse, comme le font les 80 % de conducteurs qui ont la totalité de leurs points –, d'autre part que les radars automatiques ont contribué à la baisse spectaculaire de l'abominable cortège de souffrances de la mortalité, enfin, et surtout, que ce système, dénoncé par certains conducteurs qui le trouvent trop contraignant, est au contraire parfaitement moral puisqu'il a permis des réductions de primes d'assurance, bien supérieures au montant des amendes.

J'en viens à l'exemple de Chambéry, qui, depuis trente ans, s'est attaquée au problème de la sécurité en ville au bénéfice des modes doux, c'est-à-dire les déplacements des piétons et des cyclistes, lesquels représentaient une bonne partie des tués. C'est ainsi que les élus ont supprimé l'hégémonie de la voiture en baissant la vitesse – tout le centre est en zone 30 –, en inversant les priorités et en réduisant le stationnement sur voirie. Les intersections ont par ailleurs reçu un statut d'espace mixte dans lequel les règles de priorités sont inversées : le piéton est prioritaire sur le vélo et le vélo prioritaire sur l'auto. Ce concept a préfiguré, avec quinze ans d'avance, celui de zone de rencontre introduit depuis en Suisse.

Le résultat est là : en 2006, le taux de piétons tués ou blessés pour 1 000 habitants dans l'agglomération de Chambéry était 3,5 fois moindre que la moyenne nationale. Nous proposons que l'on s'inspire de cet exemple pour améliorer la sécurité de tous les usagers de la rue.

Le premier problème de la voiture en ville est le stationnement, bien avant la circulation. En effet, une voiture ne circule que 8 % du temps. Le reste, elle doit stationner. C'est ainsi que nos villes sont devenues obèses du stationnement depuis au moins vingt ans et que le stationnement gênant devient dangereux pour les piétons. Le stationnement illicite sur trottoirs, passages piétons et en double file à proximité des passages piétons ne peut en effet, en contraignant parfois les piétons à descendre du trottoir et à circuler sur la chaussée et en les masquant lors des traversées, qu'entraîner des accidents.

Pourtant depuis vingt ans, le stationnement interdit est présenté comme une infraction bénigne, appuyé en cela par les amnisties lors des élections présidentielles, sachant en outre que le montant des PV est resté bloqué à un niveau ridicule depuis tout ce temps – il suffit de le comparer à celui qu'il faut payer à Amsterdam, Francfort ou Milan.

Aussi proposons-nous de porter le PV pour stationnement gênant de 35 à 100 euros par référence aux pays voisins, et de développer les méthodes de contrôle et de recouvrement modernes, automatisées, permettant, sur la base de photos, de multiplier par un facteur 3 au moins le nombre de PV, cela à effectifs de police constants ; d'interdire le stationnement à moins de cinq mètres d'un passage piétons ; de classer comme dangereux et non pas simplement gênant tout stationnement masquant les traversées de piétons.

La question de l'alcoolisme et autre drogues est très difficile. L'addiction à l'alcool peut être extrêmement tenace et grave et conduire jusqu'à la folie et à la mort. Dès lors, ce n'est pas avec des peines d'amende voire de prison que l'on ira vers le sevrage et la guérison. Nous proposons de stabiliser les seuils admissibles aux valeurs actuelles.

Nous ne sommes pas d'accord pour les abaisser encore plus pour les nouveaux conducteurs, car ceux-ci sont déjà sévèrement encadrés par des limites de vitesse plus basses et un plus petit capital de points. Une nouvelle baisse des seuils ne ferait qu'accroître la distorsion entre le nombre des personnes en infraction et celui des personnes sanctionnées, ce qui décrédibiliserait les contrôles.

Pour les infractions les plus graves – récidives à un taux d'alcoolémie significatif – nous proposons d'aller, comme pour les grands excès de vitesse, jusqu'à la saisie et la vente du véhicule – considéré alors comme une arme –, quel que soit son propriétaire : cela fera réfléchir à deux fois ceux qui prêtent leur véhicule à quelqu'un qu'ils savent alcoolique – car cela se sait, notamment dans les entreprises.

La conduite d'une moto peut elle-même relever d'une addiction très dangereuse, sachant que l'accidentologie particulière à ce mode est déjà extrêmement grave : il est 15 fois plus dangereux de faire 1 kilomètre en moto qu'en voiture. Alors que le Plan Chirac a très bien réussi pour les voitures, ce n'est pas le cas pour les motos. Or, une proportion des motards ne se déplace pas pour des besoins fonctionnels, mais pour éprouver des sensations, comme sur une piste de compétition. Dès lors, ils sont insensibles à tous les conseils. Il ne reste que la sanction comme moyen de modifier ces comportements.

Nous proposons l'obligation de plaques d'immatriculation plus grandes – ce que les Allemands font depuis longtemps – ainsi que la limitation de la cylindrée en plus de la puissance. Le Japon, qui a une part prépondérante dans la fabrication des motos, y compris des plus grosses, a ainsi limité la cylindrée, mais sur le territoire national : les grosses motos, il les exporte, en particulier en Europe !

Nous militons en outre pour des plaques d'immatriculation lisibles Chacun peut faire l'expérience : au moins une voiture sur dix, si ce n'est une sur sept, a une plaque endommagée. Si ce n'est pas toujours intentionnel, ce sont donc, sur les 30 millions à peu près de véhicules circulant en France, 3 millions de véhicules qui circulent ainsi.

Il n'y aurait pourtant rien de plus simple que d'engager une vaste campagne de contrôle des plaques, par exemple sur les véhicules en stationnement, et, en se raccordant au fichier des cartes grises, de contacter les propriétaires en leur donnant un délai pour se présenter au commissariat le plus proche avec des plaques conformes. Il suffit en effet d'une petite tache pour que la lecture automatique des plaques par les radars soit bloquée.

S'agissant enfin du code de la rue, cette démarche, initiée par M. Perben alors ministre des transports, a eu pour objet de moderniser le code de la route fait pour la voiture dans les années trente. Nous avons participé aux réunions tant du comité de pilotage à Paris que du comité technique à Lyon – au Centre d'études réseaux, transports et urbanisme (CERTU) – mis en oeuvre en la matière. Nous avons obtenu des avancées qui ont un impact sur la sécurité : doubles sens cyclables, réelle priorité donnée aux piétons dans les traversées de chaussée, zones de rencontre limitées à 20 kmh dans les centres villes... Ainsi le code de la route s'est-il adapté à la ville et modernisé, ce qui aura des retombées en termes de sécurité. Cependant, nous attendons encore une définition du trottoir, notamment « repérable et détectable », définition qui est bloquée au ministère de l'intérieur pour diverses raisons. Nous entendons en tout cas obtenir notamment l'interdiction de stationner aux abords des passages piétons et le relèvement du montant des amendes pour infractions au stationnement.

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