Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion d'un texte qui se voulait à l'origine annonciateur d'un grand « printemps fiscal », mais qui débouche en définitive, comme nous pouvions nous y attendre, sur un train de mesures dont le cynisme le dispute à l'inconséquence.
Vous supprimez le fameux bouclier fiscal, conçu pour mettre à l'abri de l'impôt la fortune des plus riches, pour mieux offrir aux millionnaires de nouveaux cadeaux fiscaux. Vous proposez en effet d'exonérer d'ISF 300 000 des quelque 560 000 redevables actuels. Quant à ceux qui continueront de l'acquitter, ils le feront désormais à des taux deux à trois fois moindres.
Ce tour de passe-passe d'un coût de 2 milliards d'euros pour les finances publiques aura pour conséquence que ceux qui étaient hier les principaux bénéficiaires du bouclier fiscal, ceux dont le patrimoine excède 17 millions d'euros, continueront à bénéficier des mêmes réductions d'impôt et d'un taux d'imposition réel dérisoire : 15 % seulement, très en deçà du taux marginal de l'impôt sur le revenu de 41 %.
Vous persistez dans la voie, que vous avez ouverte en 2002, d'une politique destinée à favoriser uniquement les détenteurs de patrimoine aux dépens de ceux qui ne vivent que du fruit de leur travail. Le résultat, c'est que, si la quasi-totalité des revenus du travail sont aujourd'hui soumis à l'impôt sur le revenu, plus de 80 % des revenus du capital y échappent.
Cette politique de cadeaux fiscaux a contribué à accroître les inégalités dans des proportions inouïes. Un exemple suffit à l'illustrer. Alors que 6,5 millions de nos concitoyens touchent désormais moins de 750 euros par mois, la fortune de Bernard Arnault, PDG de LVMH, représente à elle seule, selon le magazine Forbes, quelque 2,4 millions d'années de SMIC !
Votre politique économique et fiscale a eu pour autre conséquence de fragiliser nos finances publiques dans des proportions également inédites. La dette atteindra 86 % du PIB en 2012. Elle aura doublé durant les dix ans de votre gestion calamiteuse UMP-Nouveau Centre. Car c'est uniquement pour alléger toujours davantage les impôts des plus riches et satisfaire les marchés financiers que vous avez creusé les déficits.
Vous n'avez jamais été guidés, un seul instant, pendant toutes ces années, ni par le souci de l'intérêt général, ni par le souci de corriger par l'impôt les inégalités les plus flagrantes, ni même de permettre à l'État de disposer des marges de manoeuvre nécessaires à l'accomplissement de ses missions.
Vous avez au contraire mis le pays à genoux et vous voulez faire aujourd'hui payer aux salariés, aux fonctionnaires, aux retraités et aux personnes privées d'emploi les conséquences de votre incurie, dont la forme extrême est celle qui se manifeste en Grèce aujourd'hui.
C'est au nom de cette rigueur appliquée à géométrie variable que vous allongez encore l'âge du départ à la retraite, avant même l'avis technique du COR demain matin. Et vous vous préparez à opérer de nouvelles coupes claires dans les crédits de ministères clefs, comme l'éducation ou l'emploi, à supprimer des dizaines de milliers d'emplois de fonctionnaires, alors que la Cour des comptes elle-même rappelle que votre seule mesure de baisse de la TVA pour la restauration représente huit années de politique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
C'est sans doute portée par la même inspiration, la même morgue à l'égard de la fonction publique, que votre majorité a proposé par voie d'amendement de baisser le taux de la cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale fixé à 1 % depuis 1987, à 0,9 % dès 2012. Cette mesure est inacceptable, car elle tire prétexte du maigre excédent conjoncturel dégagé par cet établissement public pour porter atteinte au droit à la formation professionnelle garanti aux fonctionnaires territoriaux. Pour les 1,8 million d'agents de la fonction publique territoriale, votre mesure va se traduire par la suppression de 40 000 journées de formation professionnelle.
Comme tant d'autres auparavant, cette mesure remettra en cause les années d'efforts entrepris pour améliorer la qualité du service public territorial.
Au risque d'entamer les perspectives de croissance, vous continuez de prêcher l'austérité, alors que nous ne pourrons – vous le savez fort bien – redresser nos finances publiques sans une refonte globale de notre fiscalité.
Il est intolérable que les PME soient davantage taxées que les grandes entreprises, que les plus fortunés acquittent un taux moyen d'imposition réel de 33 % par le jeu des niches fiscales, alors que ce taux est, pour la majorité de nos concitoyens, de 47 %.
La première priorité consisterait à supprimer les niches fiscales et sociales sans utilité économique. Des niches qui se sont développées au rythme de douze par an depuis 2005, et représentent plus de 75 milliards d'euros.
La seconde serait de rétablir une fiscalité juste et efficace, respectueuse du principe constitutionnel de progressivité, c'est-à-dire de la participation de chacun à l'impôt, à hauteur de ses facultés contributives.
Avec la mise en oeuvre d'une modulation de la taxe d'apprentissage en fonction de la réalisation par les entreprises de leurs objectifs, vous avez fait subir une inflexion intéressante à votre politique fiscale dans le cadre de ce PLFR. Pour notre part, nous pensons que la généralisation des mécanismes de modulations est probablement une voie d'avenir, si l'on veut faire de la fiscalité un authentique instrument de pilotage de la politique économique et mettre en oeuvre une autre répartition des richesses entre capital et travail.
Ce n'est pas la voie que vous avez choisie. Au terme de votre réforme, une chose est certaine : on gagnera toujours plus en France en héritant, en faisant de l'optimisation fiscale ou en achetant et revendant de l'immobilier – bref, en étant rentier –, qu'en travaillant pour produire des richesses socialement utiles.
Nous voterons contre les conclusions de la CMP, qui confirment l'enrichissement des plus fortunés. Le discours du Gouvernement et de la majorité est proprement révoltant et l'impudence des plus riches à l'égard des plus modestes, totalement inacceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)