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Intervention de Patrice Verchère

Réunion du 4 juillet 2011 à 17h30
Répartition du contentieux et allégement de certaines procédures juridictionnelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Verchère :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui marque une nouvelle étape dans la mise en oeuvre des propositions de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, qui avait rendu ses conclusions le 30 juin 2008.

Un grand nombre des soixante-cinq préconisations de ce rapport ont déjà été reprises dans des textes législatifs ou réglementaires, comme la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures ou, plus récemment, la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques et de certaines professions réglementées.

À la suite de la restructuration de l'organisation judiciaire, qui a conduit à la suppression de vingt et un tribunaux de grande instance, une répartition plus claire et rationalisée des compétences devient indispensable. En effet, nombre de juridictions doivent gérer une pénurie de moyens humains et matériels et sont notamment conduites à supprimer, dans les derniers mois de l'année, les audiences des juges de proximité ou leur participation, en tant qu'assesseurs, aux formations collégiales des tribunaux correctionnels, faute de crédits pour payer les vacations. Par ailleurs, face à un système judiciaire de plus en plus incompréhensible et complexe pour nos concitoyens, il apparaît nécessaire d'envisager une justice rénovée, une justice porteuse de sens s'agissant de l'intervention du juge, une justice plus lisible et plus proche des justiciables.

Tel est bien l'objet de ce texte, qui entend compléter la démarche de modernisation entreprise depuis 2009 par le Gouvernement et notre majorité, en offrant, d'une part, une simplification et une clarification de l'institution judiciaire et, d'autre part, un allégement et une rationalisation des procédures. Bien que très technique, le texte opère des réformes fondamentales dans des domaines très variés, puisqu'il s'agit de faire évoluer, entre autres, la justice militaire, les juridictions de proximité et les juridictions spécialisées.

D'abord, le projet de loi comporte un ensemble de mesures visant à simplifier et à clarifier l'organisation judiciaire

En effet, la répartition de principe des compétences civiles entre le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et, depuis 2002, le juge de proximité, fondée sur les critères de la collégialité ou du juge unique, ainsi que sur la nature des contentieux et la représentation obligatoire ou non par un avocat a perdu de sa pertinence.

Dans ce cadre, le projet de loi prévoit, conformément aux recommandations du rapport Guinchard, la suppression des juridictions de proximité en tant qu'ordre de juridiction spécifique afin de donner plus de clarté et de visibilité aux citoyens sur l'organisation judiciaire.

Certains de nos collègues s'inquiètent de cette évolution. Il convient donc de souligner qu'il s'agit de supprimer les juridictions et non les juges. Le projet de loi prévoit en effet de rattacher les juges de proximité au tribunal de grande instance comme assesseurs. En effet, si les juridictions paraissent aujourd'hui inadaptées à l'évolution des contentieux et source de confusion pour les justiciables, les juges qui y sont affectés ont su trouver une place légitime et singulière dans notre fonctionnement judiciaire. Ils apportent une connaissance de terrain et un contact, ce qui est fondamental. C'est pourquoi leur maintien semble nécessaire.

Parallèlement, le texte qui nous est soumis a pour objet de rationaliser le traitement des contentieux et de spécialiser les juridictions dans les contentieux les plus complexes et les plus techniques, afin de renforcer l'efficacité de la justice pénale. Par exemple, un pôle judiciaire spécialisé sera créé au sein du TGI de Paris pour traiter des crimes contre l'humanité, des crimes et délits de guerre ainsi que des actes de torture. De la même manière, le projet de loi prévoit l'intervention de juridictions spécialisées pour les accidents collectifs ou le transfert des attributions du tribunal aux armées de Paris à une juridiction de droit commun.

L'objectif de ces dispositions est d'assurer une certaine harmonisation de la jurisprudence et d'éviter l'imprévisibilité du droit.

En second lieu, le présent projet de loi a pour objet d'alléger certaines procédures, l'essentiel des innovations concernant le civil et les procédures en matière familiale.

Pour répondre à l'objectif d'une plus grande efficacité de l'institution judiciaire et d'un meilleur accès de tous à la justice, le projet de loi étend le champ de trois procédures pénales simplifiées dans le souci d'améliorer l'efficacité du traitement des contentieux simples ou ne donnant pas lieu à contestation.

D'abord, le projet de loi prévoit d'élargir, de manière encadrée, le champ de l'ordonnance pénale délictuelle. Il s'agit d'une procédure rapide de jugement permettant de condamner l'auteur d'une infraction, par la voie d'une procédure écrite et non contradictoire, à une peine d'amende, ainsi, éventuellement, qu'à une ou plusieurs peines complémentaires, dès lors que les faits ont été établis par l'enquête de police et que le parquet dispose d'éléments suffisants sur la personnalité de l'intéressé pour permettre au juge de se prononcer sur la peine en pleine connaissance de cause.

C'est une procédure simple, rapide et peu coûteuse, particulièrement adaptée aux contentieux de masse.

Ensuite, le projet de loi prévoit d'étendre le champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Celle-ci permet au procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit, une peine qui, en cas d'accord de l'intéressé, pourra être homologuée par le président du tribunal. Cette procédure est un outil intéressant qui permet de réserver les audiences correctionnelles aux contentieux les plus complexes ou les plus sensibles, tout en favorisant la pédagogie de la sanction et une meilleure individualisation des peines.

Enfin, le projet de loi autorise le recours à la forfaitisation pour certaines contraventions de cinquième catégorie. Cette procédure simplifiée de l'amende forfaitaire permet, pour un certain nombre de contraventions, de déterminer forfaitairement, par voie réglementaire, le montant de l'amende que l'auteur d'une infraction devra acquitter entre les mains de l'agent verbalisateur ou auprès du service indiqué dans l'avis de contravention, l'action publique étant alors éteinte.

S'agissant de la procédure applicable devant le juge aux affaires familiales, les dispositions introduites dans le texte initial ont fait l'objet de modifications par les deux assemblées.

Le Sénat a considéré que les époux devaient continuer à se présenter devant le juge aux affaires familiales en cas de divorce par consentement mutuel en l'absence d'enfant. La commission des lois de notre assemblée a confirmé cette position : la séparation des époux doit rester marquée par une certaine solennité.

Par ailleurs, afin de remédier à la faible lisibilité des tarifs des avocats en matière de divorce, le Sénat a amendé le projet de loi initial. Les sénateurs ont rendu obligatoire la conclusion d'une convention d'honoraires pour toutes les procédures de divorce et prévu la diffusion d'un barème indicatif pour informer pleinement les justiciables des frais auxquels ils s'exposent. Ainsi, une prévisibilité des honoraires est garantie, tout en préservant la liberté de fixation de ceux-ci.

Avant de conclure, je souhaiterais revenir à certaines dispositions ajoutées lors de l'examen du texte en commission. Celle-ci a adopté plusieurs amendements permettant d'intégrer au texte du Gouvernement des dispositions qu'elle avait prévues, le 15 septembre 2010, au sujet des juridictions financières et de leur contentieux. En effet, le projet de loi portant réforme des juridictions financières n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour.

S'il apparaît opportun de profiter de ce véhicule législatif pour moderniser les juridictions financières – je pense notamment à l'adaptation du mode de fonctionnement des formations interjuridictions ou à la possibilité d'échanges d'informations réciproques entre les commissaires aux comptes et la Cour des comptes en matière de certification des comptes de la sécurité sociale –, il n'en reste pas moins que le texte soumis aujourd'hui à notre examen vise les juridictions judiciaires et non les juridictions financières.

Certaines dispositions introduites par voie d'amendements posent de réelles difficultés, notamment au Gouvernement, et méritent sans doute une réflexion plus approfondie et des engagements de la part du ministre.

Dans un tout autre domaine, notre commission a adopté un amendement du Gouvernement visant à rétablir l'équilibre entre les parties au procès pénal. L'article 618-1 du code de procédure pénale, déclaré inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel le 1er avril dernier, prévoit la possibilité, pour la partie civile, d'obtenir le remboursement des frais qu'elle a engagés dans le cas où la personne poursuivie est reconnue auteur de l'infraction, alors qu'il prive la personne relaxée ou acquittée de la faculté d'obtenir de la partie civile le remboursement de tels frais. L'amendement adopté prévoit ce dernier cas.

Enfin, afin de répondre à l'objectif d'allégement des procédures, la commission des lois a adopté un amendement du Gouvernement ayant pour objet de faciliter le recours à l'injonction thérapeutique en permettant d'assouplir les conditions de sa mise en oeuvre. En effet, les procédures pour usage de produits stupéfiants, délit pour lequel les auteurs peuvent faire l'objet d'une injonction thérapeutique, constituent un contentieux relativement important devant les juridictions pénales et soulèvent actuellement des difficultés. C'est pourquoi un allégement des règles applicables semble nécessaire.

Vous l'aurez compris, chers collègues, le projet de loi soumis à notre examen permet de répondre de manière efficace et maîtrisée aux enjeux auxquels est aujourd'hui confrontée notre organisation judiciaire. Il s'inscrit dans la continuité des différentes réformes entreprises par le Gouvernement depuis plusieurs années afin de rendre notre justice plus lisible et plus compréhensible pour nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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