Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comporte six articles relatifs à la justice militaire, notamment à la suppression du tribunal aux armées de Paris. Ils ont été enrichis de façon significative par le travail réalisé, au Sénat, par Marcel-Pierre Cléach, qui avait lui-même déposé une proposition de loi particulièrement travaillée. L'objectif est de s'inscrire dans la continuité de la réforme de 1982, notamment pour les militaires en opérations extérieures.
Je rappelle que, depuis trente ans, l'ensemble des crimes et délit commis à l'encontre de militaires ou par des militaires dépendent de juridictions de droit commun spécialisées. Certaines ont acquis une véritable expérience en ce domaine – je pense notamment au tribunal de grande instance de Marseille. La réforme de 1982, le rapporteur vient de le rappeler, avait maintenu un régime spécifique pour les actes intervenus à l'étranger et, en 1999, a été créé à cet effet le tribunal aux armées de Paris. Je rends ici hommage à ce tribunal, qui a fonctionné de façon tout à fait satisfaisante et avec compétence pour juger des affaires militaires. Mais il traite, depuis dix ans, 1 600 dossiers par an. Certes, le fait d'avoir une juridiction spécialisée peut se comprendre dans un certain nombre de dossiers complexes qui demandent des compétences en droit international mais surtout une bonne connaissance des règles d'engagement des militaires. Cependant, la majorité des dossiers correspondent à des affaires de droit commun : atteintes aux biens ou atteintes aux personnes ; seules 14 % à 17 % des affaires sont des infractions militaires à proprement parler. Nous vous proposerons donc la suppression du tribunal aux armées et l'instauration d'une chambre spécialisée au tribunal de grande instance de Paris. Un tel transfert ne pose pas aux yeux de la commission de la défense de problèmes particuliers.
Néanmoins, je ferai quatre remarques.
La première, monsieur le garde des sceaux, c'est qu'il faut que le président du tribunal de grande instance de Paris et le procureur de la République aient les moyens d'organiser une chambre spécialisée en raison de tout l'intérêt que mérite le traitement des affaires militaires.
La deuxième concerne la formation des magistrats. Actuellement, il existe une formation sur une semaine, dispensée par le ministère de la défense. Cela nous paraît un peu léger, et sans doute faut-il envisager une meilleure prise en compte de la formation afin que ces magistrats connaissent bien les spécificités de l'engagement militaire.
Je veux aussi insister sur l'utilité du corps des greffiers militaires, qui assurent une assistance importante. Leur statut doit être conservé car il constitue une passerelle intéressante entre le monde judiciaire et le monde militaire.
Enfin, j'insiste, monsieur le garde des sceaux, sur la question des moyens dont dispose le tribunal aux armées en matière de communications. Il a à sa disposition aujourd'hui les moyens de communication militaires, et peut donc intervenir sur les théâtres d'opération en étant en communication directement avec les unités. La perte de ces moyens rendrait plus difficile l'accomplissement de la justice parce que les moyens civils ne seront pas, à eux seuls, à la hauteur.
Le Sénat a complété le dispositif en clarifiant un certain nombre de règles, s'agissant notamment des infractions commises à bord des navires et des aéronefs militaires, clarification nécessaire et qui va dans le bon sens. Il a également prévu que le ministre pourrait être saisi pour avis, même en cours de procédure : cette extension de l'avis ministériel est une garantie importante pour l'ensemble des affaires militaires. De plus, il a aligné les sanctions dont sont passibles les militaires sur celles des autres fonctionnaires. Enfin, le Sénat a adopté un article important sur la redéfinition de la désertion, selon qu'elle a lieu à l'intérieur ou à l'extérieur de nos frontières, avec les délais d'absence et les sanctions prévus.
Je conclus en rappelant que le projet de loi répond à la demande de l'autorité militaire, qui souhaitait la suppression du tribunal aux armées de Paris et l'alignement du traitement judiciaire des opérations extérieures sur ce qui se passe au sein de notre territoire. Il est néanmoins important de maintenir la spécificité de l'engagement militaire car il n'est pas tout à fait comparable à celui des autres fonctionnaires, puisqu'il peut aller jusqu'au sacrifice suprême. Cette singularité mérite d'être respectée. Il faut éviter une judiciarisation extrême qui pourrait mettre en difficulté nos armées. Il nous paraît donc important de maintenir les garanties procédurales spécifiques dans les futures juridictions de droit commun spécialisées.
La commission de la défense a émis, à l'unanimité, un avis favorable sur les six articles concernant les affaires judiciaires militaires.