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Intervention de Marcel Bonnot

Réunion du 4 juillet 2011 à 17h30
Répartition du contentieux et allégement de certaines procédures juridictionnelles — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat après engagement de la procédure accélérée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Bonnot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui saisie du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles, adopté par le Sénat le 14 avril dernier, après que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. Ce projet de loi s'inscrit dans la démarche globale de modernisation de notre organisation judiciaire engagée depuis plusieurs années, notamment sur le fondement de plusieurs réflexions associant juristes et praticiens.

Après des mois de travail, la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard a, ainsi que cela vient d'être rappelé, remis au garde des sceaux, en juin 2008, un rapport contenant soixante-cinq propositions relatives à l'organisation judiciaire, à l'accès à la justice, à la déjudiciarisation et à l'allégement des procédures.

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis reprend nombre de propositions faites par cet excellent rapport, dont je rappelle que certaines préconisations ont d'ores et déjà été prises en compte dans d'autres textes promulgués : la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit, celle du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, celle du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, notamment.

Le projet de loi poursuit deux objectifs : d'une part, simplifier et rationaliser notre organisation judiciaire, et, d'autre part, alléger certaines procédures juridictionnelles. Il couvre des aspects très divers de l'activité judiciaire.

En premier lieu, il ambitionne de simplifier l'articulation des contentieux civils de première instance, notamment grâce à la suppression de la juridiction de proximité en tant qu'ordre de juridiction distinct – devenue une source de complexité pour les justiciables –, tout en maintenant les juges de proximité, désormais rattachés aux TGI. Je n'ignore pas que cette mesure suscite des interrogations. Pourtant, j'y insiste, il ne s'agit pas de supprimer les juges de proximité, mais bien de mieux les intégrer dans notre organisation judiciaire.

Le texte procède également à une meilleure répartition de certains contentieux entre TI et TGI, retenant pour ligne de partage le montant du litige en cause ou un rattachement matériel. Ainsi, le contentieux douanier relèvera désormais entièrement du TGI, par cohérence avec le fait que le TGI connaît du contentieux fiscal, dont ce contentieux est très proche.

En deuxième lieu, le projet de loi regroupe certains contentieux techniques au sein de juridictions spécialisées. C'est ainsi qu'il porte création d'un pôle spécialisé en matière de crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre et actes de torture, et qu'il instaure des pôles compétents en matière d'accidents collectifs, pour améliorer l'enquête et le traitement judiciaire des grandes catastrophes, telles que, par exemple, celle du tunnel du Mont-Blanc, l'explosion de l'usine AZF ou encore les accidents aériens, comme celui du Mont Sainte-Odile.

En troisième lieu, le projet de loi favorise le développement des modes alternatifs de règlement des litiges. En matière civile, une expérimentation d'une durée de trois ans est prévue pour privilégier la médiation familiale avant la saisine du juge aux affaires familiales en vue d'une modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale. Je suis pour ma part favorable aux modifications apportées par le Sénat consistant à écarter la médiation lorsque celle-ci serait de nature à trop retarder le jugement au fond par le juge.

De même, en matière pénale, le recours à la transaction pénale se trouve étendu, tant dans ses domaines actuels d'application, droits de la concurrence et de la consommation, qu'à des domaines où elle n'intervient pas encore, s'agissant des infractions relatives au tabac et à la commercialisation d'alcool.

En quatrième lieu, ce projet de loi étend les procédures pénales simplifiées. Il en va ainsi de l'ordonnance pénale, dont le domaine sera élargi aux délits pouvant aujourd'hui faire l'objet d'un jugement par le tribunal correctionnel statuant à juge unique, sous réserve de quelques exceptions. Par ailleurs, alors que le recours à l'ordonnance pénale était jusqu'à présent exclu lorsque la victime avait formé une demande en dommages et intérêts, le texte permettra à la victime d'exercer l'action civile dans le cadre de cette procédure.

Il en va ainsi également de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Il sera désormais possible d'y recourir, d'une part, à l'issue d'une instruction et, d'autre part, pour tous les délits, quel que soit le niveau de peine encourue, à l'exclusion toutefois des atteintes volontaires ou involontaires à l'intégrité des personnes, des menaces et des agressions sexuelles.

Enfin, le champ d'application de l'amende forfaitaire, aujourd'hui limité aux contraventions des quatre premières classes, est étendu aux contraventions de la cinquième classe, à l'exclusion toutefois des contraventions de cinquième classe qui deviennent un délit lorsqu'elles sont commises en récidive.

En cinquième et dernier lieu, le projet de loi rationalise et simplifie les règles procédurales applicables aux militaires. Sur ce point, je laisserai le rapporteur pour avis de la commission de la défense éclairer plus avant notre assemblée. Tout au plus me permettrai-je d'insister sur la suppression du tribunal aux armées de Paris, créé par la loi du 10 novembre 1999 et compétent pour connaître des infractions commises par les membres des forces armées hors du territoire national, avec comme corollaire le transfert de sa compétence au tribunal de grande instance de Paris, ainsi que sur la suppression du caractère automatique de la perte de grade à l'occasion d'une condamnation pénale. Ces dispositions consensuelles parachèvent le processus, engagé en 1982, de normalisation de la justice applicable aux militaires, sans pour autant nier les spécificités de la condition et du statut de nos forces armées.

À l'instar du Sénat, la commission des lois a conforté de nombreuses dispositions de ce texte, le jugeant utile et bienvenu. Néanmoins, elle y a aussi apporté de nombreux enrichissements : une quarantaine d'articles additionnels ont ainsi été adoptés, sur lesquels j'aimerais à présent dire un mot.

La commission des lois est tout d'abord revenue sur le maintien par le Sénat des compétences des juges de proximité pour statuer à juge unique sur les affaires civiles d'un montant inférieur à 4 000 euros. En dépit d'une intention louable, les conséquences pratiques d'une telle disposition auraient posé problème.

Sur proposition du Gouvernement, la commission a aussi décidé d'apporter divers aménagements à la procédure de saisie sur rémunération, afin de la rendre plus attractive et efficace. Elle a également étendu les compétences du tribunal saisi d'une demande d'adoption simple à la demande de modification des prénoms du mineur adopté. Elle est aussi revenue sur le vote intervenu dans le cadre de la loi du 28 mars 2011 sur les professions juridiques et judiciaires réglementées qui autorisait la multipostulation des avocats inscrits aux barreaux des tribunaux de grande instance de Bordeaux et Libourne, en Gironde, et de Nîmes et Alès, dans le Gard.

D'autre part, à l'initiative de notre collègue Étienne Blanc, la commission des lois a adopté deux articles additionnels visant, d'une part, à permettre au juge d'instance chargé de constater la résiliation du bail de statuer sur le sort des meubles meublants éventuellement abandonnés dans les locaux et, d'autre part, à réduire de trois à un mois le délai minimal autorisant les parents de victimes à saisir le juge pour obtenir une déclaration judiciaire de décès à la suite d'une catastrophe aérienne.

Dans le domaine de la procédure pénale, la commission a notamment souhaité que puissent être adjoints au pôle nouvellement créé en matière de crimes internationaux des assistants spécialisés, à l'image des juridictions spécialisées en matière économique et financière ainsi qu'en matière sanitaire.

Elle a aussi, à l'initiative de son président Jean-Luc Warsmann, renforcé les garanties entourant la procédure de l'ordonnance pénale, en rendant possible l'opposition au jugement rendu par défaut sur une opposition formée à l'encontre d'une ordonnance pénale délictuelle.

La commission a encore, à l'initiative du Gouvernement, complété les règles applicables en matière de responsabilité pénale du vendeur et de l'acquéreur d'un véhicule d'occasion, en créant un nouveau délit de déclaration mensongère de cession de véhicule, et en permettant au propriétaire d'un véhicule qui avait été confisqué d'obtenir le remboursement des frais de garde en fourrière lorsqu'il bénéficie d'une relaxe.

Par ailleurs, toujours à l'initiative du président Jean-Luc Warsmann, plusieurs articles additionnels ont été adoptés afin de transcrire dans la loi des propositions de réforme formulées par la Cour de cassation dans ses rapports annuels, qu'il s'agisse de la possibilité pour une personne condamnée pour une contravention de former opposition contre le jugement rendu par défaut sur son opposition à l'ordonnance pénale, de l'introduction d'un délai d'examen par la chambre de l'instruction de l'appel d'une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, de l'information du prévenu comparaissant sans avocat devant le tribunal correctionnel de son droit à bénéficier d'un avocat commis d'office, ou encore de l'application du principe du contradictoire aux requêtes en renvoi d'une affaire dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

De même, à l'initiative de notre collègue Patrice Verchère, des articles relatifs aux actes d'enquête judiciaire et à l'instruction ont été adoptés, tandis que les dispositions du code de la santé publique relatives à l'injonction thérapeutique ont été améliorées à l'initiative du Gouvernement.

Enfin, deux nouveaux chapitres ont été insérés dans le projet de loi, sur proposition du président Jean-Luc Warsmann.

L'un traite des juridictions financières. Il reprend les dispositions adoptées, le 15 septembre 2010, par la commission des lois à l'occasion de l'examen du projet de loi portant réforme des juridictions financières.

Les articles votés correspondent aux dispositions relatives à l'organisation des juridictions financières et aux règles de procédure applicables. En revanche, les dispositions de nature statutaire, qui ne semblaient pas avoir un lien, même indirect, avec le présent projet de loi, n'ont pas été reprises ; la disposition concernant la responsabilité des comptables publics n'a pas non plus été introduite dans le projet de loi.

L'autre chapitre additionnel concerne les juridictions administratives. Les dispositions adoptées visent à étendre aux présidents adjoints de la section du contentieux du Conseil d'État la possibilité de régler certaines affaires par ordonnance, de procéder à un aménagement des règles de répartition des compétences entre les différents niveaux de juridictions, de supprimer des dispositions en voie de désuétude ou encore d'améliorer la procédure de référé fiscal.

J'en viens à ma conclusion. Le texte qui résulte des travaux de la commission des lois a donc davantage évolué du fait de l'ajout de dispositions nouvelles que par des modifications de fond des dispositions initiales ; c'est dire la qualité du travail préparatoire accompli par la commission présidée par le recteur Guinchard. Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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