Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en raison de l'échec de la commission mixte paritaire, nous sommes amenés à réexaminer le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles.
Je tiens à rappeler à tous nos collègues que l'ensemble des députés membres de la CMP, quelle que soit leur appartenance politique sur ces bancs, ont, compte tenu de la position de nos collègues sénateurs, des arguments qu'ils ont avancés et des reproches qui nous ont été faits, adopté une même attitude de rejet du texte.
Mes chers collègues, ce projet de loi marque une nouvelle étape dans la mise en oeuvre des propositions de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard qui avait rendu ses conclusions le 30 juin 2008. Une grande partie des soixante-cinq préconisations de ce rapport a déjà été reprise dans des textes législatifs ou réglementaires, comme la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allégement des procédures ou, plus récemment, la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques et de certaines professions réglementées.
Face à un système judiciaire de plus en plus incompréhensible et complexe pour nos concitoyens, il apparaît nécessaire d'envisager une justice rénovée, une justice porteuse de sens, s'agissant de l'intervention du juge, une justice plus lisible et plus proche des justiciables.
Tel est bien l'objet de ce texte, qui entend compléter la démarche de modernisation entreprise depuis 2009 par notre gouvernement et sa majorité, en offrant, d'une part, une simplification et une clarification de l'institution judiciaire et, d'autre part, un allégement et une rationalisation des procédures.
Le texte adopté la semaine dernière par notre assemblée nous paraît équilibré. Aussi, sous réserve de quelques modifications sur lesquelles je reviendrai, il convient de l'adopter en termes identiques.
D'abord, le projet de loi comporte un ensemble de mesures visant à simplifier et à clarifier l'organisation judiciaire. En effet, la répartition de principe des compétences civiles entre le tribunal de grande instance, le tribunal d'instance et, depuis 2002, le juge de proximité, fondée sur les critères de la collégialité ou du juge unique, ainsi que sur la nature des contentieux et la représentation obligatoire ou non par un avocat, a perdu de sa pertinence.
Dans ce cadre, le projet de loi prévoit, conformément aux recommandations du rapport Guinchard, la suppression des juridictions de proximité en tant qu'ordre de juridiction spécifique afin de donner plus de clarté et de visibilité aux citoyens sur l'organisation judiciaire.
Certains de nos collègues s'inquiètent de cette évolution. Il convient de souligner qu'il s'agit de supprimer les juridictions et non les juges. Le projet de loi prévoit en effet de rattacher les juges de proximité au tribunal de grande instance comme assesseurs.
En effet, si les juridictions paraissent aujourd'hui inadaptées à l'évolution des contentieux et source de confusion pour les justiciables, les juges qui y sont affectés ont su trouver une place légitime et singulière dans notre fonctionnement judiciaire. Ils apportent une connaissance de terrain et un contact, ce qui est fondamental. C'est pourquoi leur maintien semble nécessaire.
Parallèlement, le texte qui nous est soumis propose de rationaliser le traitement des contentieux et de spécialiser les juridictions dans les contentieux les plus complexes et les plus techniques, afin de renforcer l'efficacité de la justice pénale.
Par exemple, un pôle judiciaire spécialisé pour les crimes contre l'humanité, les crimes et délits de guerre, ainsi que pour les actes de torture, sera créé au sein du TGI de Paris.
De la même manière, le projet de loi prévoit l'intervention de juridictions spécialisées pour les accidents collectifs ou le transfert des attributions du tribunal aux armées de Paris à une juridiction de droit commun.
L'objectif de ces dispositions est d'assurer une certaine harmonisation de la jurisprudence et d'éviter l'imprévisibilité du droit.
En second lieu, le présent projet de loi a pour objet d'alléger certaines procédures, l'essentiel des innovations concernant le civil et les procédures en matière familiale. Pour répondre à l'objectif d'une plus grande efficacité de l'institution judiciaire et d'un meilleur accès de tous à la justice, le projet de loi propose d'étendre le champ de trois procédures pénales simplifiées, dans le souci d'améliorer l'efficacité du traitement des contentieux simples etou ne donnant pas lieu à contestation.
D'une part, le projet de loi prévoit d'élargir, de manière encadrée, le champ de l'ordonnance pénale délictuelle. Il s'agit d'une procédure rapide de jugement permettant de condamner l'auteur d'une infraction, par la voie d'une procédure écrite et non contradictoire, à une peine d'amende, ainsi qu'éventuellement à une ou plusieurs peines complémentaires, dès lors que les faits ont été établis par l'enquête de police et que le parquet dispose d'éléments suffisants sur la personnalité de l'intéressé pour permettre au juge de se prononcer sur la peine en pleine connaissance de cause. C'est une procédure simple, rapide et peu coûteuse, particulièrement adaptée aux contentieux de masse.
D'autre part, le projet de loi prévoit d'étendre le champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Celle-ci permet au procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit, une peine qui, en cas d'accord de l'intéressé, pourra être homologuée par le président du tribunal.
Cette procédure est un outil intéressant qui permet de réserver les audiences correctionnelles aux contentieux les plus complexes ou les plus sensibles, tout en favorisant la pédagogie de la sanction et une meilleure individualisation des peines.
En outre, le projet de loi autorise le recours à la forfaitisation pour certaines contraventions de cinquième catégorie. En effet, cette procédure simplifiée de l'amende forfaitaire permet, pour un certain nombre de contraventions, de déterminer forfaitairement, par voie réglementaire, le montant de l'amende que l'auteur d'une infraction devra acquitter entre les mains de l'agent verbalisateur ou auprès du service indiqué dans l'avis de contravention, l'action publique étant alors éteinte.
Enfin, le Sénat avait étendu le règlement transactionnel pour les infractions à certaines réglementations relatives aux débits de boissons et au tabagisme. L'objectif était d'apporter une solution définitive et efficace au conflit pénal dans un délai rapide.
Néanmoins, il apparaît que la mise en place du règlement transactionnel sur ce sujet mérite une réflexion plus approfondie et il semble donc opportun de le supprimer, comme va nous le proposer le Gouvernement.
Enfin, je souhaiterais revenir sur certaines dispositions, ajoutées lors de l'examen du texte en commission des lois. Celle-ci a adopté plusieurs amendements permettant d'intégrer des dispositions que la commission avait prévues, le 15 septembre 2010, au sujet des juridictions financières et de leur contentieux. En effet, le projet de loi portant réforme des juridictions financières n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour.
Lors de l'examen du texte par la commission mixte paritaire, certains sénateurs ont estimé qu'un tel sujet mériterait à soi seul un projet de loi et des auditions préparatoires. Certains ont également regretté le peu de temps dont ils disposaient pour travailler sur le texte tel qu'adopté par l'Assemblée nationale.
À l'inverse, il a semblé aux représentants de l'Assemblée opportun de profiter de ce véhicule législatif pour moderniser les juridictions financières. Je pense notamment aux dispositions permettant à la Cour des comptes de mieux coordonner les enquêtes des chambres régionales des comptes ; à celles modifiant les règles de détermination du ressort de ces chambres régionales ; ou encore à celles donnant au Gouvernement la possibilité de saisir la Cour des comptes dans le cadre de la nouvelle procédure d'évaluation des politiques publiques.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale avait repoussé un amendement, défendu par notre collègue Michel Bouvard, tirant les conséquences de l'adoption par la commission mixte paritaire, dans le cadre du collectif budgétaire, de dispositions supprimant la saisine individuelle par tout parlementaire de la Cour des comptes sur les suites données à son rapport public.
La CMP s'est prononcée unanimement pour la suppression de cette disposition, non par manque d'intérêt, mais par souci d'éviter tout risque, soit de saturation, soit d'instrumentalisation de la Cour. Il convient donc, dans un souci de cohérence, de revenir sur cette disposition et d'adopter l'amendement du Gouvernement allant dans ce sens.
Dans un tout autre domaine et afin de répondre à l'objectif d'allégement des procédures, la commission des lois avait adopté un amendement du Gouvernement ayant pour objet de faciliter le recours à la mesure de l'injonction thérapeutique en permettant d'assouplir les conditions de sa mise en oeuvre. En effet, les procédures pour usage de produits stupéfiants, délit pour lequel les auteurs peuvent faire l'objet d'une injonction thérapeutique, constituent un contentieux relativement important devant les juridictions pénales et soulèvent actuellement de nombreuses difficultés. C'est pourquoi un allégement des règles applicables semble nécessaire.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le projet de loi soumis aujourd'hui à notre examen permet de répondre, de manière efficace et maîtrisée, aux enjeux actuels auxquels est confrontée notre organisation judiciaire. Il s'inscrit dans la continuité des différentes réformes entreprises par le Gouvernement et la majorité afin de rendre notre justice plus lisible et plus compréhensible pour nos concitoyens.
Aujourd'hui, il semble important que nous suivions les recommandations de notre rapporteur et que nous reconduisions, moins d'une semaine après la tenue de la CMP, le texte que notre assemblée avait adoptée en première lecture, avec les légères modifications gouvernementales que je viens de rappeler. Dès lors, mes chers collègues, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)