Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Mercier

Réunion du 12 juillet 2011 à 15h00
Répartition du contentieux et allégement de certaines procédures juridictionnelles — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner, au titre des dispositions du quatrième alinéa de l'article 45 de la Constitution, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles.

En effet, comme vient de le rappeler M. le président, la commission mixte paritaire qui s'est réunie la semaine dernière n'est pas parvenue à établir un texte de compromis.

Le texte en examen, très important pour la chancellerie, s'inscrit dans un mouvement commencé en 2009 et destiné à simplifier, à alléger et à rendre plus efficace le traitement des procédures judiciaires, au profit des justiciables. Il est le pendant de la réforme de la carte judiciaire qui s'est achevée en décembre 2010. Une carte judiciaire plus cohérente et mieux structurée constituait une première étape indispensable qui devait s'accompagner d'une répartition plus claire et rationalisée des compétences.

Ce projet, inspiré des réflexions de la commission présidée par le recteur Serge Guinchard, améliore la lisibilité de l'organisation judiciaire et renforce l'efficacité de nos procédures.

Après la loi du 22 décembre 2010, relative à l'exécution des décisions de justice et à l'exercice de certaines professions réglementées, après celle du 28 mars 2011, ce texte vient parachever l'inscription dans notre droit des préconisations de cette commission.

Tant sur la répartition des contentieux que sur l'allégement des procédures, le travail parlementaire a permis d'enrichir le texte initial. Il porte ainsi sur des aspects très divers de l'activité judiciaire, qu'il s'agisse des missions des juges de proximité, de la réforme de la justice militaire, de la médiation familiale ou de l'extension des domaines d'application de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou encore de l'ordonnance pénale.

Le projet de loi vise en premier lieu à clarifier l'organisation judiciaire et à alléger les procédures. Si certains points font encore débat entre les deux assemblées, un consensus se dégage néanmoins sur les objectifs.

Le texte vise tout d'abord à une meilleure répartition des contentieux : il clarifie les compétences respectives des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance, il poursuit la spécialisation des contentieux en matière pénale et réforme la justice militaire.

Comme l'a préconisé le rapport Guinchard, le projet prévoit de supprimer les juridictions de proximité. La répartition des compétences entre le tribunal d'instance, le tribunal de grande instance et la juridiction de proximité est, en effet, peu lisible pour nos concitoyens, voire source de confusion. Il s'agit donc de supprimer ce troisième ordre de juridiction, mais il ne s'agit en aucun cas de se passer des 581 juges de proximité. Ceux-ci seront rattachés au tribunal de grande instance et des nominations vont d'ailleurs avoir lieu cette semaine.

Leur périmètre d'intervention est redéfini par le texte : ils participeront désormais aux audiences collégiales, non plus seulement au pénal, mais également au civil. Ils pourront en outre se voir confier la procédure non contradictoire d'injonction de payer. Dans un souci de lisibilité, comme l'a souhaité votre commission, leurs compétences de juge unique pour les contentieux portant sur des montants inférieurs à 4 000 euros reviendront au juge d'instance.

Ce texte poursuit, également, le mouvement de spécialisation des juridictions pour les contentieux les plus complexes, comme cela a été rappelé tout au long des débats.

En matière pénale, le texte renforce les capacités d'enquête du juge d'instruction, qui pourra procéder à des auditions sur le territoire d'un État étranger.

En supprimant le tribunal aux armées et en transférant ses compétences à un pôle spécialisé au sein de la juridiction parisienne, le texte parachève l'intégration de la justice militaire à la justice de droit commun en temps de paix, tout en respectant la spécificité de ce contentieux.

Deuxième point, le texte apporte des améliorations significatives en matière civile, notamment familiale. Il tend à faciliter, par plusieurs simplifications, les démarches de nos concitoyens. Ainsi, les futurs époux pourront célébrer leur union dans la mairie de résidence de leurs parents, les parents n'auront plus l'obligation de comparaître devant le greffier en chef pour procéder à la déclaration conjointe d'exercice de l'autorité parentale et le tribunal de grande instance sera désormais compétent en matière d'adoption simple pour statuer aussi sur une demande de changement de prénom de l'enfant. Enfin, le texte prévoit d'expérimenter un dispositif de médiation obligatoire, avant toute saisine du juge, pour favoriser l'accord entre les parents séparés sur la modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Le Parlement a souhaité renforcer l'information des justiciables en matière de divorce en généralisant l'obligation pour l'avocat d'établir une convention d'honoraires dans tous les cas de divorce ; par ailleurs, un barème indicatif sera fixé par la chancellerie, après avis du Conseil national des barreaux. Ces mesures permettront une meilleure transparence au profit des justiciables, dans le respect de la liberté des tarifs de la profession.

En matière d'injonction de payer, le texte tire les conséquences de deux règlements communautaires qui instaurent une procédure d'injonction de payer européenne et une procédure de règlement des petits litiges.

Le texte apporte des simplifications en matière pénale pour faciliter le recours à l'injonction thérapeutique.

Il permet de recourir plus facilement aux procédures pénales simplifiées. Cela permettra d'accélérer les procédures et ainsi d'améliorer la pédagogie de la sanction.

Ainsi que l'avait proposé la commission Guinchard, le projet de loi tend à développer le recours à l'ordonnance pénale, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC, la procédure d'amende forfaitaire ou encore la transaction pénale. La CRPC sera possible pour tous les délits, à l'exception des violences volontaires et involontaires contre les personnes, des menaces et des agressions sexuelles aggravées. L'ordonnance pénale pourra, elle, être utilisée pour de nombreux délits d'une gravité modérée, autres que ceux portant atteinte aux personnes. L'amende forfaitaire sera, pour sa part, étendue à certaines contraventions de la cinquième classe, et la transaction à certaines infractions en droit de la consommation et en droit de la concurrence. Cette dernière modalité de poursuite doit cependant être bien explicitée pour éviter toute incompréhension.

Je veux dire à ceux qui émettent des réserves sur l'extension de toutes ces procédures qu'elles sont entourées de nombreuses garanties, que le présent projet de loi renforce par ailleurs, notamment en ce qui concerne l'ordonnance pénale. Ces procédures ont en outre fait la preuve de leur efficacité et montré qu'elles respectaient toujours les droits des personnes. De plus, si elles sont habituellement désignées sous le terme de « procédures simplifiées », je les qualifierai plutôt, pour ma part, de « procédures acceptées ». En effet, leur caractéristique commune est de ne pouvoir prospérer que si la personne poursuivie accepte, selon le cas, la peine proposée par le procureur de la République, dans le cadre de la CRPC, la peine décidée par le juge, en cas d'ordonnance pénale, ou l'amende forfaitaire prévue par la loi, et l'on sait qu'une peine acceptée, quand elle est possible, est préférable à une peine imposée.

Troisième et dernier point, votre assemblée a ajouté des dispositions relatives aux juridictions financières et administratives.

Elles visent les mêmes objectifs que le projet de loi initial, à savoir rationaliser l'organisation des juridictions et alléger les procédures.

Des dispositions relatives à la modernisation des juridictions financières ont déjà été inscrites dans plusieurs textes ces derniers mois : pour renforcer les missions de certification de la Cour des comptes et les élargir, notamment, aux comptes des grands hôpitaux, ou encore pour consolider ses compétences en matière d'évaluation des politiques publiques. En outre, le Gouvernement et la Cour des comptes mènent actuellement, je le rappelle, une réflexion sur des dispositions statutaires de nature à diversifier les modes de recrutement des juridictions financières et de leur permettre ainsi de remplir leurs nouvelles missions. Cette réflexion pourrait aboutir à brève échéance.

Les amendements adoptés la semaine dernière en séance publique prolongent ce mouvement en insérant dans le texte qui vous est soumis un certain nombre d'autres dispositions utiles à la modernisation des juridictions financières. Ils vont en particulier dans le sens d'une meilleure coordination des contrôles et d'une modernisation, qui devra être soigneusement concertée, de la carte des chambres régionales des comptes.

De même, les quelques dispositions relatives aux juridictions administratives, introduites à l'initiative de votre commission des lois, allègent ou modernisent un certain nombre de procédures et tendent à développer les modes alternatifs de règlement des conflits. Ainsi, les chefs de juridiction pourront, si les parties en sont d'accord, organiser une mission de conciliation. Le Gouvernement s'associe pleinement à cette initiative qui fait consensus.

Le texte comporte donc des avancées significatives pour l'organisation et le fonctionnement de notre justice pénale, civile, mais aussi, désormais, financière et administrative. S'il est naturellement très technique, il n'en est pas moins très nécessaire pour l'organisation des juridictions, l'efficacité de nos procédures et le meilleur accès à la justice. C'est pourquoi il est urgent de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion