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Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 13 juillet 2011 à 9h30
Modification de la loi portant réforme de l'hôpital — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est avec plaisir que je prononce cette intervention en remplacement de ma collègue Jacqueline Fraysse, qui a participé à tous les débats mais est retenue par son activité professionnelle.

Notre discussion sur la proposition de loi visant à modifier certaines dispositions de la loi HPST s'est achevée la semaine dernière, à l'issue d'une seconde lecture rapide. Nous ne pouvons qu'exprimer notre déception sur le contenu de ce texte fourre-tout. Loin de revenir sur les conséquences les plus néfastes pour la santé publique de la loi Bachelot, cette proposition de loi l'aggrave. Le sujet est pourtant essentiel: assurer partout sur le territoire l'accès à un médecin, l'accès aux soins.

Sur cette question, le diagnostic est sévère. De nombreux collègues ont évoqué les zones rurales privées de médecins, obligées de faire des campagnes de promotion pour accueillir des médecins étrangers. Une situation aggravée par la fermeture de nombreux hôpitaux et maternités de proximité.

Cela étant je peux aussi témoigner des cabinets qui ferment dans mon département de la Seine-Saint-Denis, où des villes se voient privées de tout gynécologue ou pédiatre, poussant les familles vers les urgences surchargées des hôpitaux publics. Heureusement que des villes maintiennent l'accès au soin par le financement de centres municipaux de santé.

Je veux également évoquer, en tant que présidente du groupe d'études sur le sida, les regroupements des services d'accueil pour les personnes atteintes du VIH. La loi Bachelot, sous couvert de modernisation des établissements de santé, a organisé le démantèlement de l'hôpital public, tandis que les ARS, qui auraient pu être utiles pour harmoniser la réponse aux besoins, ne sont que des instruments autoritaires de fermeture. On peut encore en témoigner avec ce qui se passe à la maternité des Lilas.

Or, si cette proposition de loi était adoptée, elle supprimerait les quelques mesures positives que nous avions relevées dans la loi HPST et aggraverait les inégalités sociales et territoriales dans l'accès aux soins : supprimée la petite sanction prévue dans le contrat santé-solidarité pour les médecins exerçant à proximité d'une zone sous-dotée et refusant de réaliser des consultations dans celle-ci ; terminée l'obligation pour ces mêmes professionnels de déclarer leurs périodes de congés afin de mieux organiser la continuité des soins.

Pour couronner le tout, vous avez jugé nécessaire de repréciser dans la loi que le schéma régional d'organisation des soins n'était pas opposable à la liberté d'installation des médecins libéraux. Des chirurgiens dentistes pourront continuer, eux, à dégager des marges sur les prothèses dentaires qu'ils poseront à leurs patients sans avoir à les informer du véritable coût du dispositif, puisque vous avez supprimé ce que certains appellent des mesures vexatoires, à savoir l'obligation de faire figurer le prix d'achat d'un dispositif médical du type prothèse dentaire sur la facture remise par le professionnel au patient.

Une grande partie des médecins et des chirurgiens dentistes libéraux ne sont pas sur ces options. Ils veulent tout simplement les moyens d'exercer correctement leur métier au service des populations de leur commune, village ou quartier. Ce sont eux qu'il fallait écouter et non pas des lobbyings égoïstes. Le droit à la santé ne peut être marchandé pour des objectifs politiciens.

Je tiens également à évoquer les SISA, les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, censées répondre à la crise de vocation de la médecine libérale et aux déserts médicaux, seule innovation de ce texte. Si le but affiché est de permettre aux médecins d'exercer de façon collective et de bénéficier de fonds publics pour s'installer, de préférence dans des zones sous-dotées, ce dispositif répond à un véritable besoin. Toutefois ce n'est pas l'objectif réel des SISA.

Vous aviez annoncé une structure souple permettant de s'adapter aux contraintes de la médecine dans les zones sous-dotées ou difficiles, afin de faciliter l'accès aux soins pour ces populations souvent âgées ou fragiles, un peu comme les centres de santé qui, outre leur efficacité en matière de santé publique, offrent des tarifs conventionnels, le tiers payant, ainsi qu'un cadre de travail salarié répondant à une aspiration nouvelle à ce mode d'exercice.

Alors que les jeunes médecins, les auxiliaires médicaux, dans leur majorité, souhaitent un exercice collectif et sécurisé répondant à un désir de meilleures conditions de travail, d'une pratique partagée par les différents acteurs de santé, d'une plus grande qualité dans l'accueil des patients, vous leur proposez des dispositifs qui s'apparentent en réalité plus à une logique d'entreprise qu'à une maison ou à un centre de santé. Il est significatif d'ailleurs que le Gouvernement et sa majorité aient refusé, malgré l'insistance de ma collègue Jacqueline Fraysse, d'adopter un amendement visant à conditionner le versement d'aides publiques aux maisons de la santé, au respect du tarif conventionnel.

Les professionnels de santé qui y exerceront pourront donc à la fois bénéficier d'aides de l'État et pratiquer des dépassements d'honoraires, malgré l'alerte lancée par l'assurance maladie qui évaluait en mai dernier à plus de quatre spécialistes sur dix et un médecin sur quatre en moyenne les praticiens exerçant en secteur libre et chiffrait à 54 % en moyenne le dépassement par rapport au tarif opposable.

Cette proposition de loi donne ainsi une image mercantile de la pratique médicale, très loin des aspirations de très nombreux médecins qui conçoivent leur profession au service du bien-être des individus grâce aux compétences qu'ils ont acquises.

En effet quel sera l'intérêt pour les patients des zones sous-dotées d'avoir des médecins inaccessibles en raison du montant de leurs honoraires ? Aucun, d'autant que ces zones sous-dotées sont souvent des territoires où les populations ont des revenus modestes.

Si l'on regarde l'ensemble de ce texte, les patients sont – avec les acteurs de la santé – soucieux d'exercer avec dévouement leur métier – les oubliés de cette proposition de loi.

Tous les amendements visant à limiter ou à encadrer les dépassements d'honoraires ont été rejetés. Tous les amendements visant à assurer une meilleure surveillance de l'industrie pharmaceutique et des produits délivrés sur le marché ont subi le même sort. Il en a été de même de nos amendements visant à sauvegarder des laboratoires de biologie médicale de l'appétit de grands groupes financiers qui veulent encourager leur concentration pour en faire de véritables usines à prélèvements capables de dégager des profits records.

Ce texte contient d'autres dispositions ajoutées au fur et à mesure des différentes navettes, que nous jugeons néfastes pour la santé des patients et le fonctionnement de notre système de soins, comme la suppression de certains principes mutualistes ou la création de fondations hospitalières privées pour financer la recherche publique.

Cette proposition de loi n'est à la hauteur ni des enjeux de lutte contre les inégalités d'accès aux soins ni des besoins de santé de la population. Au lieu de renforcer notre système de solidarité sociale et de santé, vous ne raisonnez qu'en marchands uniquement guidés par la rentabilité financière.

Le Gouvernement continue sa marche vers la dérégulation du service public de la santé, vers un accès aux soins pour chacune et chacun selon ses revenus, son territoire. L'engorgement des services d'urgence ne cesse de s'aggraver, les délais de rendez-vous se sont allongés, les dépassements d'honoraires ont augmenté, la permanence des soins est de moins en moins assurée et la désertification médicale s'est accélérée. Voilà le bilan de votre politique. Face à cette situation, j espère que vous mesurez le caractère dérisoire du texte qui nous est présenté.

Non, décidément, rien ne nous invite à soutenir ce texte, ni sur le fond ni sur la forme. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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