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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 7 juillet 2011 à 15h00
Protection de l'identité — Article 5, amendement 14

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Je vous concède qu'il y a soixante ans, à l'orée de la guerre froide, les choses étaient différentes, mais je voulais être certain que vous suiviez bien mon raisonnement. (Sourires.)

Comme nous sommes manifestement tous deux plutôt des littéraires, vous m'excuserez d'en venir au problème des bases biométriques dites « à liens faibles » : le sujet n'est pas facile et mes explications pourraient manquer de clarté. La technique informatique du lien faible empêche l'identification automatique à partir de données biométriques. Elle interdit par exemple de déterminer une identité civile inconnue à partir des seules empreintes digitales, tout en permettant de confirmer un lien entre une empreinte et un état civil si une vérification d'identité est nécessaire.

Or ce n'est pas cette solution que le rapporteur et le Gouvernement ont retenue. Aujourd'hui, si je laisse mes empreintes digitales sur le micro qui se trouve devant moi, on pourra les relever et constater, à partir d'une base des empreintes digitales, que j'ai touché cet objet. Dans ce cas, cela ne porte guère à conséquence, mais la méthode permet de m'identifier en toute situation. Le recueil d'empreintes est d'ailleurs de plus en plus performant. Il n'a cependant de véritable intérêt que si l'on dispose d'une base centrale d'empreintes digitales.

Évidemment, cela n'a d'intérêt que si l'on dispose d'une base centrale d'empreintes digitales. C'est ainsi que l'on en est arrivé à la conclusion que, pour être efficace, il fallait se doter d'un fichier comportant les empreintes digitales de tous les Français âgés de plus de quinze ans, soit 45 à 50 millions de personnes. Il s'agit donc d'un changement complet de logiciel idéologique. D'autant que l'on pourrait aller plus loin et compléter ce fichier en y enregistrant des photographies, la couleur des yeux, voire les phéromones, ou en recourant, demain, à l'iridologie, si son efficacité est scientifiquement prouvée.

La biométrie est tout à fait passionnante, du point de vue scientifique, et elle peut connaître d'importants développements. Nous avons tous vu ces films dans lesquels le Président des États-Unis, avant d'entrer dans la salle de commandement, est identifié par son iris. Des recherches importantes sont en cours dans ce domaine et je confirme qu'un certain nombre d'entreprises françaises bénéficient d'une large avance en la matière. Bien entendu, je ne suis pas opposé à ce que les industriels français travaillent. Mais, telle la langue d'Ésope, ces technologies sont la meilleure et la pire des choses, et il ne faudrait pas que, demain, ces recherches aboutissent à un contrôle généralisé fondé sur une gigantesque base de données biométriques.

Certes, il faut lutter contre les 200 000 – ou plutôt 100 000 – usurpations d'identité annuelles, mais le contrôle et le fichage généralisés sont-ils le seul moyen de combattre ce phénomène ? Il ne s'agit plus des vieilles fiches cartonnées de la police du début du xxe siècle, qui, je le rappelle, ne concernaient que les délinquants : c'est l'ensemble de la population française, au-delà de quatorze ou quinze ans, qui sera concernée. Il s'agit tout de même d'un changement philosophique tout à fait radical.

On a cité l'exemple de la Suède, mais c'est le pays du contrôle social. Qu'il ait été dirigé par des sociaux-démocrates pendant quarante des cinquante dernières années ne change rien au problème : ce n'est pas la culture de la France. Nous avons fait la révolution, en 1789, précisément pour être libres.

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