L'existence de cette puce dite « commerciale » ou, par euphémisme, « vie privée », pose question. Je me tourne vers mes collègues qui connaissent ces problèmes bien mieux que moi, M. Martin-Lalande ou M. Tardy par exemple : il n'est plus possible aujourd'hui, en raison de toutes les techniques dont disposent les industriels de l'internet, d'acheter quoi que ce soit sans que cela ne se sache. Regardez les liens qui s'ouvrent sur vos pages internet. Pour peu que vous vous soyez intéressé dix fois de suite au marché de l'automobile, les liens commerciaux des plus grands concessionnaires apparaîtront systématiquement.
Je pourrais vous citer des exemples bien plus subtils. Je ne veux pas donner de nom commercial, mais je pense à ces écrans animés affichés dans le métro et qui peuvent tout mesurer, du temps que vous passez à les regarder jusqu'à l'intensité de votre regard. Nous en arrivons à cette situation très désagréable où tous nos actes, y compris les plus anodins, comme celui qui consiste à regarder la publicité d'une grosse cylindrée dans un couloir de métro, peuvent être exploités commercialement. Et M. Tardy, qui connaît bien ce milieu, avait raison : la connaissance de ces données se vend très cher.
Il y a quelques années, la sécurité sociale vendait – je crois qu'elle les vend toujours – les profils de prescription des médecins aux laboratoires pour que ces derniers puissent leur envoyer le visiteur médical qui correspondait le mieux à leurs habitudes. Les fichiers des médecins qui prescrivaient beaucoup étaient officiellement recueillis par la sécurité sociale grâce au volume de vente des boîtes dans les pharmacies. Ce système, longtemps dénoncé comme étant une véritable surveillance commerciale des médecins, s'est aujourd'hui généralisé. À partir des pages que vous consultez sur internet, on parvient à établir votre profil. Je ne parle pas d'une série policière, mais bien de ce qui se passe dans la réalité. Les moyens des hackers sont bien plus puissants que tout ce que l'on peut imaginer.
Quant au problème de la liberté de choix, on nous assure qu'il sera possible de refuser de montrer sa carte nationale d'identité avec puce électronique à un commerçant. Soyons sérieux ! C'est une garantie que l'on vous demandera forcément si vous achetez un objet coûteux, de même que l'on vous demande aujourd'hui deux pièces d'identité au supermarché du coin lorsque votre facture dépasse 150 ou 200 euros. Et pourtant il n'est écrit nulle part, dans aucune loi ou règlement, qu'il faille deux pièces d'identité dans ces cas-là. C'est simplement l'usage : si vous n'avez qu'une pièce d'identité et que le commerçant ne vous connaît pas bien, il vous demandera de revenir avec la deuxième pièce.
Je crois que cette introduction du e-commerce sur une carte d'identité nationale est dangereuse à très court terme.