Monsieur le ministre, je vous avais interrogé lors des questions au Gouvernement sur la cession de l'Hôtel de la Marine ; je me réjouis, pour l'instant, de l'évolution de ce dossier.
Une loi s'imposait pour encadrer les ventes par l'État de biens nationaux. Vous avez choisi d'en passer par une proposition de loi, ce qui vous évite de consulter le Conseil d'État. Cette proposition de loi, qui a le mérite d'évoluer, ne limite toutefois pas suffisamment le transfert du patrimoine de l'État.
Depuis 2004, le processus de cession est en cours : une soixantaine ont été réalisées. Mais, depuis cette date, aucun bilan n'a été dressé. Est-ce bien raisonnable ?
Nos monuments nationaux sont, pour la plupart, des chefs-d'oeuvre d'architecture ; ils appartiennent à la République tout entière, aux soixante millions de Françaises et de Français. Si la cession à titre gratuit à une collectivité territoriale me paraît une bonne chose, il me semble en revanche inacceptable que l'on autorise la revente d'un monument historique classé ou inscrit, qui constitue un bien inaliénable. De plus, la cession gratuite devrait être liée à un projet culturel élaboré et pérenne.
Je ne suis pas non plus hostile à une utilisation multiple du bien cédé. On a ainsi connu, s'agissant de plusieurs palais nationaux, des initiatives heureuses ; je songe aux boutiques et restaurants du Louvre ou du Petit Palais. Pourquoi pas un partenariat avec le secteur privé, dès lors que l'intérêt public en sort vainqueur ?
Je me méfie en revanche des baux emphytéotiques. En cinquante ans, et plus encore en quatre-vingt-dix-neuf ans, on peut transformer, on peut même détruire un bien, lorsqu'il ne s'agit que de le rentabiliser.
Il faut donc des textes précis, supervisés par des spécialistes, qui ne soient pas seulement juristes. À cet égard, je me félicite de la création d'un Haut conseil du patrimoine. Je souhaite, monsieur le ministre, que sa constitution fasse l'objet d'une concertation, qui s'étende à toutes les professions concernées, en particulier à l'ordre des architectes, qui me semble devoir être le principal interlocuteur en la matière.
Ce Haut conseil doit être un organe décisionnel, et non pas simplement consultatif. Toutes les cessions doivent être soumises à son accord et à ses avis, de même que les baux emphytéotiques.
D'autre part, pour chaque transfert par l'État, les collectivités concernées doivent pouvoir introduire un recours devant le juge administratif. Et cela suppose évidemment un minimum de publicité. Le Journal officiel me semble constituer ce minimum.
Dès lors qu'un projet culturel est en jeu, il est indispensable qu'il soit suivi de près par vos services, qu'il s'agisse des modifications ou des travaux. À cette fin, un rapport annuel me semble nécessaire, ainsi qu'un état des lieux détaillé, assorti de photos, au moment de la cession. Rien ne doit pouvoir être modifié sans la consultation et l'avis conforme des architectes des Bâtiments de France.