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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 5 juillet 2011 à 21h30
Patrimoine monumental de l'État — Discussion d'une proposition de loi adoptée par le sénat

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je suis particulièrement heureux que la proposition de loi de Mme la sénatrice Françoise Férat soit examinée aujourd'hui à l'Assemblée nationale.

Comme vous le savez, ce texte s'inscrit dans le prolongement des premiers transferts de monuments historiques de l'État vers des collectivités territoriales encadrés par la loi du 13 août 2004. Depuis lors, ce sont soixante-six monuments qui ont été transférés, avec une compensation des charges de personnels et de fonctionnement qui a donné satisfaction.

Les premiers bilans qualitatifs qui doivent être présentés par le Gouvernement cinq ans après les transferts sont en voie d'achèvement et s'appuieront sur les rapports annuels des collectivités bénéficiaires. Certains monuments concernés ont profité d'une belle croissance de fréquentation à la suite de ces transferts : je pense au cloître de Notre-Dame-en-Vaux, à Châlons-en-Champagne ou encore aux châteaux de Chaumont et de Tarascon.

Dans d'autres cas, les projets culturels de certains monuments tardent à aboutir et le gain pour leur meilleure mise en valeur n'est pas encore assuré. Il nous faut donc perfectionner le dispositif de transfert lancé en 2004 afin de le rendre plus efficace et plus cohérent. Cela est d'autant plus nécessaire que c'est cette fois l'ensemble du patrimoine de l'État, environ 1 750 monuments, qui est concerné par cette proposition de loi.

La discussion de ce texte au Sénat a abouti à une proposition importante pour garantir cette efficacité : la création d'un Haut conseil du patrimoine, par lequel passera tout projet de transfert ou de cession. J'y vois un gain très important dans la qualité de l'encadrement proposé à ce type d'exercice. Il est en effet de la responsabilité absolue des pouvoirs publics de veiller à ce que des transferts ou des cessions onéreuses ne viennent pas contrevenir à nos obligations en matière de conservation du patrimoine.

Les cessions peuvent parfois représenter des opportunités pour la mise en valeur de certains monuments : l'exercice doit néanmoins pouvoir être encadré de très près. La proposition de créer un Haut conseil du patrimoine chargé de délibérer sur le caractère transférable des monuments concernés, sur les opportunités de déclassement du domaine public, et qui sera composé de parlementaires et de représentants des collectivités territoriales ainsi que des administrations concernées et de personnalités qualifiées me paraît clairement aller dans la bonne direction.

L'obligation pour ce conseil de rendre publics ses avis sur les dossiers qu'il sera amené à examiner est à l'évidence un gage essentiel de transparence. Il est en effet nécessaire que les citoyens puissent disposer de toutes les informations nécessaires pour s'assurer que ces opérations ne reviennent en aucun cas à brader le patrimoine de l'État ni, pour ce dernier, à se désengager mais, au contraire, à faciliter la réutilisation de monuments par des collectivités territoriales qui souhaiteraient y créer des équipements culturels.

À ce titre, la composition du Haut conseil doit pouvoir refléter le principe du partenariat contractuel entre les collectivités et l'État qui était déjà au coeur de la loi du 13 août 2004. Le présent texte vient enrichir la notion de préservation des monuments au-delà du dispositif proprement dit de protection des monuments historiques : il lui adjoint la notion d'usage culturel de ces monuments, qui peut grandement contribuer à leur préservation et à leur mise en valeur. C'est là une avancée importante pour mieux assurer les bases de nos responsabilités partagées, entre l'État et les collectivités, en matière de préservation du patrimoine.

Pour cela, le Haut Conseil du patrimoine sera amené à émettre son avis sur la qualité du projet culturel proposé à l'appui d'une demande de transfert. La dimension culturelle est ainsi clairement inscrite au coeur de cet exercice d'encadrement, ce dont je ne peux que me réjouir puisqu'il inscrit le ministère de la culture et de la communication au coeur même de ce dispositif, tant par sa participation au Haut conseil que par la place prépondérante que le texte lui donne à chaque étape du processus.

J'en viens maintenant aux cessions à titre onéreux, pour des usages non culturels. Les services de mon ministère y accordent une attention tout aussi soutenue car ces usages peuvent notamment impliquer des travaux qui ne doivent pas dénaturer les caractéristiques historiques et esthétiques du monument. J'accorde par ailleurs une très grande importance à tout ce qui peut favoriser une réutilisation intelligente des monuments ; qu'il s'agisse de logements étudiants, de l'installation d'une école, d'un service administratif d'accueil, nombreux sont les exemples de projets qui pourraient rendre accessibles à un plus large public les richesses parfois insuffisamment mises en valeur de notre patrimoine, tout en remplissant une mission de service public. Le dispositif que dessine cette proposition de loi ouvre précisément aux collectivités territoriales cette perspective à mon avis très prometteuse.

Je tiens par ailleurs à saluer la qualité des dispositions proposées par le texte en matière de précaution, dispositions qui garantissent la pérennité des obligations des pouvoirs publics en ce qui concerne la préservation. Je pense notamment au non-morcellement des ensembles immobiliers lors des opérations de transfert ; je pense également à la possibilité, à prévoir dans les conventions de transfert, du retour gratuit du monument à l'État en cas d'échec du projet culturel qui lui aura été associé ; je pense enfin au principe de non-dispersion des collections des objets présents dans les monuments.

Pour des motifs liés à des mesures de décentralisation ou pour compenser, par exemple, la réorganisation de la carte militaire, l'État a pu à plusieurs reprises, dans les années précédentes, procéder à des transferts de monuments. Le texte nous offre pour la première fois un cadre général qui établit, dans la durée, le champ des possibles en nous donnant les garanties nécessaires en matière de préservation, en offrant enfin de nouvelles pistes en matière de projets culturels ou de services publics, pour une meilleure mise en valeur de nos monuments. Il permet également de donner à notre patrimoine un nouvel outil pour que soit renforcé son rôle dans le développement économique de nos territoires.

Je tiens à saluer, pour finir, l'insertion, en tête de la loi, d'une disposition relative au patrimoine inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Cette disposition vise à affirmer l'obligation de tenir compte, dans les politiques d'urbanisme et d'aménagement, du patrimoine culturel en général et en particulier de la valeur universelle exceptionnelle des biens inscrits à l'UNESCO. Cette initiative vient en effet pallier une lacune de notre législation, qui ne tire jusque-là aucune conséquence particulière du classement d'un bien au titre du patrimoine mondial, et qui renvoie pour sa protection aux dispositifs habituels en matière de protection du patrimoine et des sites. Affirmer la nécessité de tenir compte de nos obligations et de nos engagements internationaux en la matière jusque dans les documents d'urbanisme, c'est aussi se mettre en cohérence avec la loi Grenelle 2, dont les dispositions sont marquées d'un souci constant de lier patrimoine et développement durable.

Tant par son esprit que par ses dispositions en termes de précaution, de transparence et d'encadrement des procédures de transfert et de cession, cette proposition de loi nous offre la possibilité d'optimiser la gestion du domaine public des monuments historiques, dont nous partageons la responsabilité avec les collectivités territoriales, en définissant un cadre responsable pour des réutilisations pertinentes de notre patrimoine, favorables à sa meilleure mise en valeur. Pour toutes ces raisons, l'équilibre général du présent texte nous semble répondre aux exigences de conservation et de rayonnement du patrimoine et le Gouvernement, de ce fait, l'approuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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