Ce qui doit évoluer, ce sont les modalités. Le monopole d'État, qui pouvait être en vogue en 1947, n'est pas forcément la seule voie possible. C'est à la profession de faire ses choix, mais la loi ne doit pas fermer de portes. De ce point de vue, le texte qui nous est présenté est satisfaisant. Renforcer les pouvoirs de l'autorité de régulation est une bonne chose, car il y a beaucoup de travail.
L'un des points noirs – je n'ai pas peur de le dire ici clairement – est l'attitude du syndicat CGT des ouvriers du Livre, qui bloque systématiquement toute évolution par des méthodes absolument inacceptables. Tant que l'on n'aura pas réglé ce problème, on ne pourra pas avancer.
Parmi les chantiers qui attendent l'autorité de régulation, il en est un qui me tient particulièrement à coeur : l'affichage publicitaire sur les lieux de vente, notamment la place de la pornographie. Il est en effet absolument inacceptable que l'on puisse continuer à exposer des images clairement pornographiques au vu et au su de tous, y compris des enfants. Je sais que c'est un détail, mais si l'autorité de régulation a enfin de véritables pouvoirs, elle devra régler ce problème au plus vite.
Plus globalement, le déclin de la presse écrite en France pose un véritable problème, et ce n'est pas une réforme de la régulation de la distribution qui y changera quoi que ce soit. Le mal est plus profond et appelle une véritable réforme, qui aurait d'ailleurs dû être menée depuis bien longtemps. On accuse souvent Internet d'être responsable de cette crise. C'est en partie vrai, Internet ayant cassé le modèle économique de la presse, qui permettait de subventionner certains secteurs, comme l'investigation ou l'analyse de fond, par les petites annonces et les informations dites de vie quotidienne. Dès lors que cette péréquation cesse, il faut trouver un autre modèle économique pour continuer à financer l'investigation, l'information généraliste, et permettre le maintien d'un pluralisme d'opinion.
Jusqu'ici, la seule solution qui a été présentée est l'augmentation des subventions d'État. Or cela ne durera qu'un temps et la limite finira bien vite par être atteinte. Le remède est même toxique, car il empêche la remise en cause d'une presse française qui, héritière d'une longue tradition, privilégie trop souvent l'opinion par rapport à l'information, l'éditorial par rapport à la description neutre et équilibrée des faits. Lorsqu'on écoute les lecteurs – qui s'expriment très largement sur Internet –, on s'aperçoit que le problème réside dans la qualité déficiente de l'offre. Nombre de Français ne veulent plus d'une presse militante, qui entend leur dicter ce qu'il faut penser. Une remise en cause fondamentale est donc nécessaire, qui ne peut venir que des journalistes et de l'ensemble de la profession.
En continuant à renflouer le vieux modèle, on retarde le moment où la profession sera réellement au pied du mur et devra se poser très sérieusement la question d'une mutation dont beaucoup ne veulent pas. On en est encore sans doute loin, et c'est bien dommage.
La crise de la presse écrite n'est en rien une fatalité ou un problème universel ; cette presse doit s'adapter, comme d'autres secteurs de l'économie ont su le faire. Il suffit de regarder ce qui se passe de l'autre coté de la Manche : la presse anglaise, qui a su se remettre en cause, se porte bien mieux économiquement que notre presse nationale.