Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, Robert Bichet pourrait être fier, il pourrait même faire des jaloux : quel ministre de la communication peut se vanter que la loi qui porte son nom, soit toujours appliquée, soixante-quatre après son adoption et qu'elle soit dans le même temps encensée par tous ? Il est d'ailleurs significatif de constater que plus on ampute sa loi, plus on loue Bichet !
Grâce à ce texte, des dizaines de journalistes et autres amoureux de la presse ont pu se lancer dans l'aventure que constitue la création d'un journal. Ils savaient pouvoir compter sur un système de distribution leur permettant de toucher un maximum de lecteurs.
Il fut une période où cette loi était citée comme modèle dans de nombreux pays, et il n'était pas rare que les NMPP reçoivent des délégations étrangères cherchant à s'en inspirer.
Il faut cependant avouer que les NMPP n'ont pas toujours été à la hauteur des attentes et qu'elles n'ont pas toujours joué un rôle de précurseur ou de visionnaire. On peut parler pêle-mêle de leur mauvaise gestion du réseau, du monopole sur les ventes des magasins, de l'absence de dynamisme commercial ou de la pléthore de salariés.
Lorsque, à la fin des années 1980, Hachette fit une OPA sur les NMPP, peu d'éditeurs s'en soucièrent montrant ainsi leur désintérêt pour la structure, et leur peu de considération pour la qualité de la distribution de leurs titres.
Aujourd'hui, tout le monde, me dit-on, est d'accord avec la proposition de loi que nous étudions et jure ses grands dieux que le monument national qu'est la loi Bichet n'est pas du tout remis en cause. Permettez-moi tout de même de vous dire que je fus un peu surpris lorsque je vis arriver cette proposition de loi au Sénat. Pourquoi d'ailleurs une proposition de loi et pas un projet de loi ? Car je ne doute pas que le Gouvernement soit l'instigateur de cette démarche. Entre autres bénéfices, un projet de loi nous aurait permis de disposer d'une étude d'impact qui nous aurait éclairés car, malgré une unanimité de façade, j'entends, comme vous, des voix discordantes qui me font douter du bien-fondé de ce texte, ou du moins de son bien fondé total.
Je m'interroge aussi : le Gouvernement n'aurait-il pas trouvé un moyen de réformer la distribution de la presse en y introduisant un cheval de Troie par la mise en place d'une nouvelle instance de régulation ? Ne détricote-t-il pas subrepticement la loi Bichet sous le couvert de cette proposition de loi ?
La situation de ce secteur, que je défends depuis des années…