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Intervention de Didier Quentin

Réunion du 6 juillet 2011 à 16h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, rapporteur :

La Commission européenne s'attache à l'institution, dans le droit européen, d'une action de groupe, définie comme « une notion large englobant tout mécanisme tendant à faire cesser ou à prévenir des pratiques commerciales illégales affectant un grand nombre de plaignants ou encore à obtenir la réparation du préjudice causé par de telles pratiques ».

Pour la Commission européenne, la mise en place d'un mécanisme analogue à la class action américaine qui, aux Etats-Unis, permet à des avocats de fédérer un grand nombre de plaignants qui n'introduiraient pas individuellement des plaintes pour des litiges à faible valeur unitaire, est un complément du marché unique, dans la mesure où elle permet de poursuivre à l'échelle européenne des entreprises dont les pratiques ne seraient pas conformes au droit. Elle évite en effet de devoir intenter une action dans vingt-sept pays.

Après avoir présenté, en décembre 2005, un Livre vert sur les recours en dommages et intérêts contre les pratiques anticoncurrentielles – ententes et abus de positions dominantes – qui a fait l'objet d'un rapport de M. Marc Laffineur pour le compte de notre commission, elle vient de lancer une consultation dont elle est en train d'analyser les résultats.

Il faut noter que la Commission européenne a annoncé à plusieurs reprises son intention d'élaborer une directive introduisant l'action de groupe dans le droit européen et qu'elle est soumise à une forte pression des associations de consommateurs. Par exemple, une dizaine d'associationsqui dénoncent ses tergiversations lui ont adressé, le 30 mai, une lettre conjointe car elles considèrent que le « droit à une indemnisation, le droit d'accéder à la justice et le droit à une solution efficace ne doivent pas rester théoriques. En pratique, de nombreux citoyens sont pourtant dans l'incapacité d'exercer ces droits en raison de l'inadéquation des outils existants dans des cas de litiges de masse avec la dimension transfrontalière (…). Le droit d'agir collectivement doit être reconnu au niveau européen (…) afin de fournir aux victimes l'opportunité d'obtenir une compensation pour les dommages encourus ».

La Commission européenne a indiqué que l'analyse des réponses à la consultation publique était en cours (300 réponses des associations et 20 000 autres de la part de privés) mais que rien n'était décidé pour l'instant.

Depuis de nombreuses années, les dirigeants français se sont posé la question de l'introduction en France de l'action de groupe. Les pratiques abusives dans certains secteurs tels que les facturations de frais bancaires ou les abonnements de téléphonie ont été fréquentes et ont impliqué une action déterminée des autorités de concurrence communautaires et nationales compétentes. La mise en oeuvre d'une action de groupe multiplierait, sans aucun doute, les plaintes des consommateurs et imposerait des comportements plus vertueux aux acteurs économiques qui, revers de la médaille, pourraient, dans la compétition mondiale, se retrouver affaiblis par des sanctions pécuniaires extrêmement lourdes. Le patronat européen fait clairement flèche de tout bois contre ce texte et aucun des projets élaborés par les services de la Commission européenne n'a été à ce jour adopté par le collège des commissaires qui se heurte à un problème majeur : les prérogatives limitées de l'Union européenne dans le domaine de la procédure civile.

Le rapport présenté le 28 juin 2006 devant notre Commission par M. Marc Laffineur reste toujours d'actualité. Les critiques dont font l'objet les projets de « class action européenne » ont d'abord trait à leur non-conformité aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. Si la France émet sur ce point des réserves nuancées, en revanche, au Royaume-Uni et en Allemagne, les autorités font valoir que les règles de responsabilité civile du droit processuel sont du ressort exclusif des Etats membres. D'autre part, l'introduction d'un système de recours collectif en vue de garantir les droits des consommateurs, rencontre une hostilité majoritaire des Etats qui considèrent la procédure américaine de la class action, davantage comme un facteur de judiciarisation de la vie économique que comme un instrument de protection des consommateurs.

La première question d'importance est celle de la proportionnalité et de la subsidiarité qui doivent être, par rapport à nos travaux de 2006, analysées au regard du traité de Lisbonne, qui n'a pas, sur ce point, modifié substantiellement les règles en vigueur antérieurement.

Les procédures civiles et pénales relèvent normalement de la compétence des Etats aux termes de l'article 81 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Aussi, le gouvernement français, dans sa réponse à la consultation de l'Union européenne, considère-t-il que « l'introduction de tels mécanismes dans le droit des Etats membres serait de nature à impacter non seulement directement le droit procédural des Etats membres, mais aussi et surtout pourrait indirectement porter atteinte aux droits fondamentaux et constitutionnels des Etats membres (par exemple en ce qui concerne la liberté d'agir ou de ne pas agir en justice). De ce fait, si une telle proposition venait à voir le jour, il conviendrait qu'elle respecte tant les principes de subsidiarité et de proportionnalité que celui de l'autonomie procédurale, ainsi que les droits fondamentaux et constitutionnels des Etats membres. »

Je partage très largement ce sentiment. Toutefois, l'article 81 du traité TFUE permet quelques ouvertures sur cette question. Il dispose en effet que « L'Union développe une coopération judiciaire dans les matières civiles ayant une incidence transfrontière, fondée sur le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires. Cette coopération peut inclure l'adoption de mesures de rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres…notamment lorsque cela est nécessaire au bon fonctionnement du marché intérieur… ».

Aussi, la position de la France est-elle plus souple à ce propos que celle des gouvernements britanniques et allemands qui ne veulent pas entendre parler de l'idée d'une « class action » européenne.

L'Union européenne est à nos yeux fondée à intervenir pour des règles de compétences en matière de litiges transfrontaliers déjà régis par une directiveou pour les actions introduites devant les juridictions européennes.

Nous pouvons également défendre l'idée d'une harmonisation des règles de procédure civile entre les Etats de l'Union, mais cela devrait faire l'objet d'un débat spécifique et non être traitée au détour d'une question telle que l'action de groupe.

En effet, l'article 81 du TPFUE permet à l'Union européenne d'intervenir pour favoriser :

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