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Intervention de Michel Issindou

Réunion du 6 juillet 2011 à 11h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Issindou, rapporteur :

Monsieur le ministre, vous vous en doutez, mon appréciation est un petit peu moins positive que celle de mon estimé collègue. Même s'il ne s'agit pas de refaire le débat sur les retraites, je voudrais très brièvement rappeler pourquoi nous nous sommes opposés à cette réforme et pourquoi nous reviendrons dessus au plus vite, si nous sommes en situation de le faire.

Cette réforme est injuste et inefficace.

Elle est injuste car elle fait porter l'essentiel du poids des déficits issus de la crise économique sur les personnes qui sont déjà les plus touchées, c'est-à-dire les salariés ayant commencé à travailler tôt. Les seuls qui ne seront pas touchés par le relèvement des bornes d'âge sont ceux ayant fait de longues études et ayant commencé à travailler tard et qui, pour disposer de l'ensemble des annuités nécessaires, partent déjà après soixante-deux ans. Ma première question sera d'ailleurs la suivante : combien de personnes seront obligées, en 2011, de décaler leur départ en retraite ? En attendant, quelle est leur situation ?

Cette réforme est également inefficace car, sans changement significatif du taux d'emploi des seniors – aujourd'hui, d'environ 38 % pour les 55-64 ans –, elle se traduira inévitablement par un transfert des déficits de l'assurance vieillesse vers l'assurance chômage, l'assurance maladie ou les minima sociaux.

Concernant les différents décrets d'application, celui relatif à l'allocation équivalent retraite (AER) se fait toujours attendre. Certes, la loi prévoit de prolonger cette dernière pour les personnes qui en bénéficient déjà au 31 décembre 2010, mais rien n'est prévu pour celles qui auraient dû en bénéficier depuis ; c'est d'autant plus dommageable que ce nombre augmentera au fur et à mesure du décalage des âges. En septembre 2010, le Premier ministre lui-même avait pris l'engagement que le Gouvernement mettrait en place « un système équivalent à l'AER, pérenne, pour les travailleurs les plus âgés ». Le Gouvernement entend-il honorer cette promesse ?

Pour l'essentiel, les mesures réglementaires prises en application de la loi ont été publiées, ce qui est indiscutablement une bonne chose. Mais il me semble que l'option la plus restrictive a été quasi systématiquement retenue.

S'agissant de la pénibilité, pourquoi avoir retenu une durée d'exposition de dix-sept ans pour bénéficier d'une retraite anticipée, à soixante ans, en cas d'incapacité comprise entre 10 et 20 % ?

Concernant l'obligation de négociation sur la pénibilité, pourquoi est-il envisagé de retenir une proportion de 50 % de salariés exposés aux facteurs de risques professionnels liés à la pénibilité ? Sur quels critères ce chiffre a-t-il été retenu ? Combien d'entreprises seront-elles concernées ?

Pour ce qui est de la possibilité pour les parents de trois enfants de partir à soixante-cinq ans sans décote, les conditions d'interruption d'activité après la naissance des enfants me semblent excessivement restrictives. Quel a été votre raisonnement et quel est le nombre d'assurés susceptibles d'en bénéficier ?

Quant aux aidants familiaux, pourquoi avoir restreint le dispositif aux aidants de personnes handicapées, à l'exclusion des personnes dépendantes ? Là encore, combien de personnes seront-elles concernées ?

Enfin, s'agissant de l'égalité hommesfemmes, les belles intentions de la loi n'ont trouvé qu'une maigre traduction dans les décrets d'application.

Au-delà de ces remarques et de ces interrogations, je tiens à préciser en quoi notre approche du sujet diffère de la vôtre.

On le sait, l'équilibre des régimes de retraite est une question de paramètres. Vous avez choisi de n'apporter aucune ressource nouvelle dans le dispositif et de jouer, en conséquence, sur un seul de ces paramètres : le recul des bornes d'âges. Pour nous, ce n'était pas le seul choix possible.

À l'automne dernier, nous avons défendu avec conviction une solution plus équilibrée et plus durable, passant par une taxation du capital et une augmentation progressive des cotisations. Cela nous aurait permis d'être plus généreux sur l'âge de départ, plus humain sur la façon de prendre en compte la pénibilité et plus efficaces pour l'emploi des seniors.

Dans ces conditions et contrairement à ce que vous affirmez, la retraite à soixante ans restait possible. Cette solution, à nos yeux plus juste, aurait convenu à ceux dont l'espérance de vie est plus courte, en raison de leur métier ; à ceux qui ont commencé à travailler tôt et dont le nombre d'annuités est suffisant ; enfin, à ceux qui souhaitent s'engager, dès cet âge, dans une autre étape de leur vie. La solution que vous avez choisie se traduit, à l'inverse, par des décisions très dures : report de la barrière d'âge et, depuis hier, augmentation anticipée de la durée de cotisations à 41,5 annuités – 166 trimestres.

En outre, votre réforme n'est qu'un sauvetage de très court terme. Comme vous l'avez dit vous-même, l'équilibre financier n'est assuré que jusqu'en 2018. Et encore devrez-vous recourir, plus tôt que prévu, au Fonds de réserve des retraites (FRR). Dès 2013, il faudra reprendre votre travail pour asseoir enfin les régimes de retraite sur des bases solides, de nature à redonner confiance aux générations futures.

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