Entrerai-je, oui ou non, dans l'Histoire ?
Je vous remercie, monsieur Le Bouillonnec, d'avoir cité mes propos, car ce rappel éclaire mon cheminement depuis 2008.
En effet, depuis la discussion du projet de loi de modernisation de l'économie, a éclaté une crise sans précédent, qui a montré les dégâts que pouvait provoquer l'action de groupe. Je n'ai donc pas attendu d'être nommé au Gouvernement pour changer d'avis, comme je l'ai souligné au cours de mon audition. J'ai écrit sur le sujet un an avant d'entrer au Gouvernement.
C'est en vue d'instaurer une « procédure efficace » que j'ai travaillé avec la DGCCRF à un dispositif qui permettra de répondre aux attentes des consommateurs. Le système de sanction administrative instauré à l'article 10 prévoit des amendes de 3 000 à 15 000 euros qui pourront être répétées en fonction du nombre de consommateurs victimes de faits délictueux : il aura donc un effet très dissuasif et permettra de faire cesser le préjudice le plus rapidement possible.
L'action collective coûte chaque année aux États-Unis 1,5 point de PIB. Elle aurait poussé 15 % des entreprises à licencier et 8 % d'entre elles à fermer des installations. Elle a, de surcroît, développé dans plusieurs secteurs d'activité un système proche du chantage, qui est préjudiciable à l'emploi et à la croissance.
Il convient également de prendre en considération la question de la durée des procédures judiciaires : plus de deux ans en moyenne – mais elle peut atteindre dix ans –, alors que la durée moyenne des procédures de médiation, qui évoluent actuellement à l'initiative de la France, est seulement de trois mois.
J'ai fondé le projet de loi sur les réclamations des consommateurs, qui veulent obtenir rapidement satisfaction.
Au Portugal, une opération collective montée contre les opérateurs téléphoniques s'est achevée au bout de quatre ans.
Lors du débat récent sur la répercussion de l'augmentation de TVA sur la téléphonie mobile, je n'ai pas suivi le conseil de tous ceux qui me poussaient à aller devant les tribunaux. En réponse aux consommateurs qui m'interpellaient, j'ai écrit aux entreprises pour leur rappeler les principes à respecter. Au bout d'une dizaine de jours, n'ayant pas eu de réponse, j'ai adopté une autre démarche, avec l'aide de la DGCCRF : nous avons mis en ligne les questions des consommateurs, en indiquant en regard le droit à appliquer. En trois jours, les opérateurs ont décidé de se plier la réglementation.
Je préfère des dispositions permettant de mettre fin en quelques semaines aux préjudices subis par les consommateurs à de procédures qui peuvent durer des années pendant lesquelles, tant qu'aucune décision de justice n'est rendue, le préjudice continue de s'aggraver. De telles procédures ont parfois donné lieu à des sanctions financières, mais celles-ci pouvaient se révéler décevantes, comme dans le cas de cette décision célèbre rendue à propos de casques Bluetooth dont le réglage du volume était mal indiqué : les 850 00 dollars payés par l'entreprise ont servi essentiellement à payer les frais d'avocat, chaque plaignant touchant moins de 10 dollars.
Du fait des détournements de procédure qui mettent parfois réellement en difficulté des entreprises honnêtes et de la longueur des procédures, qui ne sert pas les consommateurs, j'ai préféré construire, à partir des réclamations des consommateurs, un dispositif nouveau. J'ignore s'il me fera entrer dans l'Histoire, mais il vise au moins à l'efficacité. Les sanctions administratives nouvelles permettant à la DGCCRF de faire cesser les préjudices ont un caractère dissuasif, plus propre qu'une action judiciaire à mettre fin aux faits délictueux.
Il est en outre prévu qu'une clause d'un contrat jugée abusive par un tribunal fait automatiquement tomber cette clause de tous contrats du même type – ce qui évitera des frais judiciaires et constituera une forme de prévention.
Je ne doute pas que vous soyez tous soucieux d'accélérer les procédures au bénéfice du consommateur et d'éviter que certaines entreprises soient pénalisées et voient leurs emplois fragilisés.
Voilà donc pourquoi j'ai voulu défendre dans ce texte une autre solution que l'action collective.