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Intervention de Frédéric Lefèbvre

Réunion du 28 juin 2011 à 17h00
Commission des affaires économiques

Frédéric Lefèbvre, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation :

Je suis très heureux de présenter ce texte pour lequel M. le rapporteur Daniel Fasquelle, dont je salue le travail, a conduit depuis deux semaines des auditions à un rythme soutenu.

Depuis quatre ans, notre action vise à préparer notre pays à affronter des mutations profondes, à protéger les différents acteurs économiques, à relever le défi de la croissance et de l'emploi. Et si notre pays se porte mieux que d'autres, c'est parce que le moteur de la consommation n'a jamais flanché. Ce projet est donc particulièrement important pour la France et les Français.

La protection des consommateurs constituant une priorité du Gouvernement depuis le début du quinquennat, ce texte s'inscrit dans le prolongement du travail qui a été réalisé aux mois de janvier, février et août 2008 avec la loi Chatel, ainsi qu'avec les lois sur le pouvoir d'achat ou la modernisation de l'économie. Toutefois, les comportements de consommation des Français évoluant sans cesse en raison, certes, des nouvelles technologies – je songe au formidable développement du commerce électronique – et des grands défis énergétiques ou de l'allongement de l'espérance de vie, avec les questions que cela pose – je pense, notamment, aux problèmes liés à la dépendance –, il est de notre responsabilité de poursuivre l'adaptation de notre droit, les consommateurs attendant que nous soyons réactifs face aux difficultés qu'ils rencontrent.

La méthode qui a présidé à l'élaboration du projet est un peu nouvelle. Je me suis résolument placé du côté des consommateurs puisque j'ai demandé à la DGCCRF, dont je salue la directrice ici présente et l'ensemble de son équipe, de dépouiller les 92 500 réclamations qui lui ont été adressées concernant le champ des dépenses « contraintes », que je préfère d'ailleurs qualifier de « vitales » ou d'« essentielles » : logement, santé, télécommunications, énergie, assurances. Ces dernières représentent aujourd'hui un tiers des dépenses des Français contre 13 % du budget des ménages voilà seulement cinquante ans, alors que les dépenses liées aux télécommunications, par exemple, étaient alors quasiment absentes.

Nous avons mis en place plus de vingt-cinq mesures dans onze articles différents, résultant d'un dialogue nourri avec les associations de consommateurs, les organisations professionnelles et l'ensemble des acteurs économiques. Renforcer les droits à la protection et à l'information des consommateurs doit permettre à ces derniers de reprendre le contrôle de leur consommation, en demandant aux grands opérateurs des télécommunications, de l'électricité ou du gaz de mieux s'adapter aux spécificités de leurs clients, en s'assurant qu'ils leur communiquent la même information, utile à tous, de manière que les Français puissent véritablement faire jouer la concurrence, en donnant des pouvoirs renforcés à la répression des fraudes et, enfin, en conférant des pouvoirs parfois moins lourds à gérer à la DGCCRF, ce qui permettra à cette institution de dégager du temps pour assumer un certain nombre de missions nouvelles.

Je citerai quelques mesures emblématiques.

Selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), le taux de pénétration de la téléphonie mobile en métropole est de 100 %. Avec plus de 16 800 réclamations en 2010, soit 18 % du total, les télécommunications demeurent le deuxième secteur de réclamations « clients » dans le baromètre de la DGCCRF. Grâce aux actions entreprises en 2008 et à la loi Chatel en particulier, ce pourcentage baisse, mais il convient d'aller plus loin afin de répondre à des attentes concrètes. Nous proposons ainsi des mesures renforçant la transparence et la mobilité. Pour dynamiser la concurrence, le projet prévoit que le déverrouillage des téléphones soit gratuit trois mois après leur achat ; pour renforcer la transparence et la confiance des consommateurs, il prévoit également d'imposer aux opérateurs de mettre en place des dispositifs d'alerte et de blocage de consommation en toutes circonstances et pour tous les services afin de prémunir les clients contre les chocs de facturation. En outre, le texte prévoit de garantir au consommateur que son opérateur lui indiquera au moins une fois par an l'existence d'offres plus adaptées à son profil de consommation : le conseil personnalisé, en effet, doit favoriser l'adaptation des forfaits aux usages et contribuer à optimiser le prix payé pour le téléphone mobile.

Parce qu'il importe de défendre les publics vulnérables, le projet prévoit, sur le modèle du conventionnement retenu pour la téléphonie mobile, que soient proposées aux consommateurs les plus démunis des offres d'accès à internet haut débit à bas prix. Il garantit également qu'une offre mobile adaptée aux handicaps auditifs et, donc, incluant les services de SMS et de l'internet mobile sans téléphonie soit systématiquement proposée par tous les opérateurs présents sur le marché domestique.

Le secteur de l'immobilier, quant à lui, représente 30 % des dépenses des ménages, près de 80 % des dépenses contraintes et donne lieu à près de 4 300 réclamations clients, soit 5 % du total de ces dernières. Il est donc impératif de protéger les consommateurs contre toutes formes d'abus et de garantir le respect de leurs droits. La loi sur le pouvoir d'achat prévoyant que le niveau des dépôts de garantie doit être ramené de deux à un mois de loyer, le projet de loi étend la mesure au logement social non conventionné afin qu'elle profite à l'ensemble de nos compatriotes. De plus, les délais légaux de restitution de la caution au locataire étant trop souvent dépassés, nous proposons que soit mise en place une majoration correspondant à 10 % du loyer pour chaque mois de retard. Le projet prévoit en outre de rendre possible l'ajustement du loyer au profil du locataire si la surface louée est fausse ou manquante. Il s'agit là d'une mesure de bon sens, la procédure de contestation de la surface étant calquée sur ce qui existe déjà pour les copropriétés, les dépenses de vérification, en cas d'erreur, étant bien entendu à la charge du bailleur.

La croissance du commerce électronique est spectaculaire. On a dénombré désormais 27 millions de cyber-acheteurs pour un chiffre d'affaires de 31 milliards en 2010 contre 26 milliards l'année précédente. Nous avons besoin d'une action résolue afin d'accompagner ce formidable développement du e-commerce, dont l'un des atouts, selon les consommateurs, est la rapidité.

Garantir la confiance, c'est également assurer à ce secteur un développement continu dans de bonnes conditions, sans pratiques trompeuses ou déloyales pour le consommateur ou pour le commerce traditionnel. En l'occurrence, ce sont 11 000 réclamations qui sont parvenues à la DGCCRF, soit 12 % d'entre elles. Parce que nous devons encore mieux protéger les cyber-acheteurs et renforcer l'information des consommateurs, les mentions relatives au droit de rétractation et à ses limites doivent impérativement figurer sur les contrats, sur les sites, ainsi que sur l'ensemble des supports de publicité. Les pénalités versées au consommateur en cas de non-respect du délai légal de remboursement fixé à trente jours en cas de rétractation seront quant à elles doublées. Par ailleurs, le développement du commerce en ligne s'accompagnant d'un accroissement considérable des informations personnelles renseignées en ligne, nous avons passé avec la DGCCRF un accord de coopération renforcée avec la CNIL.

Les spams demeurent une réalité préoccupante – ils représentent de 70 % à 80 % des e-mails envoyés dans le monde – et une nuisance significative pour les consommateurs. La plateforme nationale de lutte reçoit ainsi de 10 000 à 20 000 signalements par jour. Au 1er mai, 1 320 000 signalements concernant la téléphonie mobile ont été envoyés par SMS à cette plateforme. Parce que les internautes ne doivent plus être sollicités aussi agressivement sans qu'ils aient formulé explicitement un accord, le projet prévoit de doter la DGCCRF du pouvoir de prononcer des amendes administratives contre ceux qui procèdent à ces envois. J'ajoute que je suis ouvert à toute initiative parlementaire visant à améliorer le projet en la matière – je songe, par exemple, à la possibilité pour les opérateurs de communications électroniques de mettre en oeuvre des actions judiciaires. Actuellement, les opérateurs sont démunis.

Un autre abus récurrent doit cesser dans le commerce en ligne. Lors d'une vente à distance, si le vendeur fait défaut, le transporteur peut facturer le coût de la livraison au client final. Or, le plus souvent, un tel coût a souvent été réglé auprès du vendeur, le consommateur se trouvant dès lors contraint de payer deux fois. Une telle pratique, que le texte interdit, est inacceptable.

Nous allons également étendre le droit des consommateurs s'agissant des réclamations après livraison. Le délai actuel de trois jours étant trop court, les consommateurs disposeront désormais de dix jours pour émettre des protestations sur le bien livré lorsque le transporteur n'aura pas permis au client de vérifier son état ou sa nature.

Les appellations ou indications protégées, quant à elles, témoignent, non seulement de la richesse de nos savoir-faire et de nos productions artisanales, mais contribuent aussi à maintenir ou à développer des emplois non délocalisables. Relever le défi de la qualité, c'est favoriser la prise de conscience, par les consommateurs, de l'importance de consommer mieux, de choisir une consommation plus respectueuse, plus durable et plus équilibrée. Dans la lignée des préconisations du rapport de M. Yves Jégo relatif au marquage des produits, nous étendons la notion d'indication géographique protégée (IGP) aux produits artisanaux sans qu'il soit évidemment question d'exclure tel ou tel acteur mais, au contraire, afin de les rassembler et de les conforter face à une concurrence internationale féroce.

La protection des consommateurs est un principe fondamental de notre code de la consommation, nos règlements comptant parmi les plus protecteurs en la matière. Toutefois, leurs délais d'application sont souvent trop longs, les victimes des pratiques abusives attendant trop longtemps que les instances juridiques statuent et sanctionnent ou, tout simplement, que les opérateurs fautifs réparent leurs erreurs ou abus. Le projet vise donc à étendre la compétence de la DGDDRF dans plusieurs secteurs de la consommation comme, par exemple, celui du diagnostic immobilier en renforçant les compétences existantes dans les syndics de copropriétés, les services d'aide à domicile ou le commerce électronique. Nous devons ainsi améliorer et moderniser les moyens d'action de la DGCCRF à travers un élargissement du champ des sanctions administratives, ses agents disposant désormais de pouvoirs d'injonction dont le non-respect sera sanctionné.

De surcroît, le texte permet de mieux protéger les consommateurs contre les clauses abusives en renforçant l'action des juges, des associations de consommateurs et de la DGCCRF. Lorsqu'une clause sera jugée abusive et supprimée d'un contrat, elle disparaîtra de tous les contrats identiques conclus par des consommateurs avec le professionnel concerné. Il s'agit d'une avancée majeure, notre objectif étant de prévenir, puis de faire cesser les préjudices le plus rapidement possible.

J'aurais pu citer d'autres exemples aussi importants dans les secteurs des assurances, de l'énergie ou de la santé.

Le projet de loi marque un réel pas en avant et, je le répète, il pourra être amélioré grâce à vous, mesdames, messieurs les députés : je songe, en particulier, aux inquiétudes qui se sont fait jour parmi les réseaux indépendants quant à l'article relatif à la distribution alimentaire – il n'est évidemment pas question de fragiliser un modèle économique – mais, aussi, aux problèmes concernant les auto-écoles. Si, en moyenne, la DGCCRF reçoit en l'occurrence 600 réclamations par an, près de 800 lui ont été envoyées depuis le début de l'année. Plus précisément, 50 % des plaintes des consommateurs concernent les conditions d'exécution des contrats. Les changements d'auto-écoles sont également à l'origine de nombreux litiges, le candidat au permis de conduire se voyant parfois réclamer des frais de restitution de son dossier d'inscription lorsqu'il veut changer d'établissement, dont les montants varient de 50 à 250 euros alors que les frais administratifs liés à l'opération de restitution d'un dossier à l'élève sont très faibles – ils représentent le coût de quelques photocopies seulement. L'interdiction de réclamer des frais de restitution du dossier constituerait une mesure simple qui éradiquerait peut-être une telle pratique. Voilà une piste de réflexion que je livre à votre réflexion !

Je répondrai maintenant aux deux questions que vous avez posées, monsieur le président.

Je crois en effet que la DGCCRF pourra désormais agir plus efficacement et plus rapidement grâce à la possibilité de délivrer des sanctions administratives, la procédure pénale étant à la fois lourde et complexe.

En outre, je me félicite de l'adoption, par le Parlement, de la directive relative aux droits des consommateurs, laquelle s'articule d'autant mieux avec le texte que ce sont les positions françaises qui l'ont très largement emporté en la matière. À ce propos, je remercie la DGCCRF d'avoir mené ces négociations et porté le point de vue de la France. J'ajoute que la discussion de ce texte peut être l'occasion d'apporter des compléments à ce sujet.

Le projet de loi s'inscrit dans le prolongement de l'action du Gouvernement et ne doit pas être l'occasion de remettre en cause les lois emblématiques qui ont été votées, qu'il s'agisse de la modernisation de l'économie, de la modernisation de l'agriculture et de la pêche, du crédit à la consommation ou de la nouvelle organisation du marché de l'électricité.

L'action en faveur des consommateurs ne doit pas attendre : renforcer leur protection implique que nous agissions rapidement. Je ne verrai donc que des avantages que le texte soit adopté avant la fin de l'année.

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