La mission d'information sur le droit de la nationalité en France a adopté la semaine dernière son rapport et je vous demande aujourd'hui de vous prononcer sur sa publication.
Je suis convaincu que, sur un sujet aussi difficile que le droit de la nationalité – matière très technique notamment parce qu'elle soulève des questions relevant du droit international privé qui reste assez peu connu –, ce travail apportera des éléments importants, susceptibles d'ouvrir un champ nouveau de réflexion concernant les relations entre le droit de la nationalité et la mondialisation au plan juridique.
Je regrette qu'un document de travail ait été diffusé dans la presse alors que telle n'était pas sa vocation.
Sur un plan politique, nul ne s'étonnera que persiste le désaccord patent qui pouvait déjà séparer les membres de la mission au lancement de ses travaux. Le rapport en fait état puisqu'il comporte la contribution qu'a souhaité y insérer le groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Celui-ci exprime de fait une nette divergence avec la vision très volontariste de l'adhésion à la nationalité que défend le groupe majoritaire et qui sous-tend les propositions que je tiens ici à exposer brièvement.
Ces propositions visent essentiellement à redonner un caractère volontaire à l'acquisition de la nationalité française et participent de la volonté de réduire le nombre des naturalisations car, à nos yeux, ces procédures présentent un caractère trop administratif et ne marquent pas suffisamment la dimension politique de l'adhésion à la nationalité.
En premier lieu, le rapport propose ainsi que les personnes acquérant la nationalité française par l'application du droit du sol manifestent la volonté de devenir français. Ainsi, nous revenons à l'état du droit créé par la loi du 22 juillet 1993 en supprimant l'automaticité prévue par la loi « Guigou » du 16 mars 1998 qui, de mon point de vue, avait affaibli le lien existant entre les individus et la nationalité. De fait, avec la suppression du service national, il n'y a plus de moyen de manifester son adhésion à la nation.
S'agissant en second lieu de la binationalité – situation sur laquelle on peut entendre beaucoup d'affirmations erronées au plan juridique dans la mesure où la double nationalité constitue, en droit français, une situation de fait et non de droit – le rapport propose tout d'abord de modifier l'article 35 du code civil de sorte que chacun déclare les nationalités qu'il possède. Cette disposition permettra de connaître enfin le phénomène de la plurinationalité, la France demeurant probablement à ce jour le seul pays à ne pas posséder d'éléments statistiques à ce sujet. Ensuite, le rapport préconise que toute personne obtenant la nationalité française par décision de l'autorité publique abandonne la nationalité qu'elle possédait antérieurement à sa naturalisation. Je rappelle que ce système correspond à celui en vigueur aux États-Unis : en effet, chaque individu acquérant la nationalité américaine doit abandonner sa nationalité d'origine ; il ne perdra jamais la nationalité américaine et la transmettra à ses descendants – à la différence de ce que prévoit le droit français. Dans le cas d'un mariage avec un conjoint français, le rapport estime également justifié que, sous réserve de certaines exceptions, le conjoint d'origine étrangère renonce à la nationalité qu'il détenait précédemment.
En troisième lieu, le rapport s'attache à préserver le droit du sol en faisant en sorte que ses dispositions ne soient pas détournées et que leur application ne donne pas lieu à des abus à l'exemple de ceux constatés dans certains départements d'outre-mer tels que Mayotte ou la Guyane. En l'espèce, le rapport montre le caractère indispensable d'une révision constitutionnelle, révision que François Baroin avait d'ailleurs prônée, il y a quelques années, avec beaucoup de courage.
Je ne reviendrai pas sur les autres propositions de ce rapport, plus consensuelles. Sa publication est nécessaire. Il permettra d'éclairer pour l'avenir les dirigeants, de gauche comme de droite, dans un contexte de mondialisation croissante. Car les conflits de nationalité – positifs ou négatifs – vont se multiplier dans tous les domaines : le mariage, l'adoption, les successions, le droit politique, les entreprises…