Avec cette proposition de loi, on voit combien est fallacieuse la campagne actuelle de l'UMP contre le fichage. Le parti majoritaire ferait mieux de balayer devant sa porte !
Ce texte propose la création d'un gigantesque fichier à des fins sans aucun rapport entre elles. Il n'y a eu aucune étude d'impact ; comme l'a noté Serge Blisko, il s'agit en réalité de contourner l'avis du Conseil d'État et de s'affranchir de l'avis de la CNIL.
Par ailleurs, on va introduire, dans un fichier d'État, la possibilité pour un titre d'identité de servir à la fois d'outil d'identification et d'instrument de transaction commerciale. Cela est sans précédent ! Permettez-moi de rappeler l'avis émis en 2007 par la CNIL sur l'intégration des empreintes digitales dans le passeport biométrique : « La Commission considère que les finalités invoquées ne justifient pas la conservation, au plan national, de données biométriques telles que les empreintes digitales et que les traitements ainsi mis en oeuvre seraient de nature à porter une atteinte excessive à la liberté individuelle ». Nous nous trouvons précisément dans ce cas de figure.
L'usurpation d'identité est un vrai problème, qui fait déjà l'objet d'une série d'articles du Code pénal. Il existe un fichier permettant d'identifier les fraudeurs : le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), qui recense 3 millions d'individus, soit 5 % de la population, et qui a permis de détecter 61 273 usurpations d'identité. Cet outil me semble suffisant.
Les auteurs de cette proposition de loi estiment, pour résumer, que pour détecter un fraudeur, il faut ficher tout le monde. Dans ce cas, allez jusqu'au bout du raisonnement et inscrivez l'ensemble de la population française dans le fichier des empreintes génétiques, de manière à pouvoir comparer les indices trouvés sur la scène d'un crime avec les données personnelles ! Le véritable objectif de ce texte, c'est le fichage biométrique de la totalité de la population à des fins de lutte contre la délinquance. Cela me fait penser à la philosophie du projet SAFARI en 1974, qui, fort heureusement, avait été retiré par le ministre de l'intérieur de l'époque – un certain Jacques Chirac. La création de la CNIL s'en était suivie.