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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 29 juin 2011 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

On est allé puiser cette fois dans le rapport Guinchard pour s'essayer à faire enfin fonctionner notre justice. Parmi les très diverses dispositions du texte, celles qui touchent à la justice de proximité posent effectivement question, au lendemain d'une semaine de débats visant à faire entrer dans les juridictions, des assesseurs aux compétences limitées. Il est vrai que les résultats de la justice de proximité, même si des progrès ont été accomplis, restent très inégaux selon les lieux et les personnes. Mais vous ne faites pas que supprimer un niveau de juridiction : vous remettez des assesseurs de justice dans le circuit. En réalité, les juges de proximité n'ont pas assez de moyens. Faute de formation, ils sont propulsés dans leurs fonctions dans des conditions dangereusement proches de celles de nos futurs instituteurs ou professeurs du second degré. Et ils sont démunis de tout moyen matériel, sans ordinateur ni accès aux bases de données juridiques, voire au code civil. On peut s'inquiéter de savoir comment justice est rendue dans pareilles circonstances.

La spécialisation des juridictions peut être nécessaire en certains domaines, et votre texte contient des éléments positifs. Mais elle ne doit pas conduire à éloigner la justice du justiciable. Les grands accidents collectifs soulèvent une émotion très forte. S'ils devaient être dépaysés à deux cents, cinq cents, voire mille kilomètres, les attentes seraient déçues. Une répartition plus rationnelle est possible. Nous avons déposé des amendements s'inspirant de la justice administrative, qui a concilié spécialisation et proximité.

Vos dispositions en matière d'ordonnances pénales découlent manifestement de votre obsession de gagner du temps et de décharger les juges de certaines tâches. Mais cette simplification, outre qu'elle affaiblit les droits de la défense, puisque l'avocat n'interviendra plus, risque de conduire à une justice à la sauvette, où le travail du juge sera de plus en plus accompli par le parquet et celui du parquet transmis aux officiers de police judiciaire. Ce glissement est condamnable car il suffirait de changer subrepticement les seuils ou le montant des peines par exemple, pour en arriver à une justice rendue sans le moindre débat. On met le doigt dans un engrenage qui éloignera l'avocat du justiciable et risque de se révéler contraire à nos principes républicains.

Bref, ce projet de loi ne résulte pas d'une réflexion profonde sur les moyens d'améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien, mais d'une conception toujours plus répressive où les textes se succèdent sans autre motivation que de répondre à des peurs habilement suscitées. Comme les moyens ne suivent pas, c'est la question du fonctionnement de notre système judiciaire qui se pose : à moyens constants, comment faire appliquer des lois trop nombreuses et mal évaluées ? La réponse n'est pas dans la réforme et la simplification des procédures, elle appelle des réflexions de fond.

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